Les divergences d'interprétation des textes ont toujours constitué une source de paralysie des travaux de l'Assemblée nationale. Surtout si cette interprétation présente un enjeu. C'était le cas, hier, dans le débat engagé par les députés sur l'opportunité d'inscrire, oui ou non, un projet de révision du règlement intérieur de l'Assemblée Nationale introduit par un groupe de députés.
Même si le contenu du projet n'a pas été rendu public, il ne s'agissait ni plus ni moins que de réviser la disposition qui traite du mandat des membres du bureau de l'Assemblée Nationale, et de ramener celui du président de 5 ans à 1 an renouvelable. Mais avant d'en arriver là, il y a la procédure qu'il faut respecter, à savoir tenir une réunion du même bureau de l'Assemblée nationale qui doit d'abord donner une forme juridique à cette requête pour qu'elle devienne un projet de résolution de l'Assemblée Nationale, et être ensuite soumise au vote des députés. Mais à leur grande surprise, les députés signataires ont entendu le Président de l'Assemblée nationale leur dire qu'à cette séance plénière du 17 avril 2014, cette étape de réunion du bureau ne peut pas avoir lieu, parce qu'il n'y a plus de bureau, depuis le 16 avril 2014, à minuit.
Il faut par conséquent passer directement au renouvellement annuel du bureau sur la base du règlement intérieur en vigueur. Or, c'est là que se trouve l'enjeu du texte signé par les députés qui demandent la modification, à savoir faire passer la modification qui consiste à ramener le mandat du président de l'Assemblée nationale de 5 ans à 1 an renouvelable, avant le renouvellement du bureau. Ceux qui veulent voir aboutir cette révision à la séance d'hier, 17 avril ont rétorqué au président que le bureau élu le 17 avril 2013 existe juridiquement jusqu'au 17 avril 2014 à minuit, et donc pouvait se réunir hier et examiner la requête des signataires. Pour les convaincre du contraire, le président de l'Assemblée nationale leur brandit un arrêt de la Cour Constitutionnelle qui dispose que le mandat du Président de la République actuel, qui a prêté serment le 7 avril 2011, prend fin le 6 avril 2016, à minuit. Aussi, a-t-il estimé que, par parallélisme de forme, le mandat des membres du bureau élus le 17 avril 2013 prend fin le 16 avril 2014, à minuit. C'est donc autour de ces deux interprétations que les députés étaient restés divisés toute la matinée, avec souvent des ''montées de températures'' ayant nécessité deux suspensions de séance pour permettre le retour de la sérénité dans la salle.
A la reprise, dans la soirée, aux termes de la 2ème suspension, le constat était que les partisans d'inscrire absolument le point de révision du Règlement intérieur se sont consultés pour abandonner leur exigence, et c'est ainsi que la séance a continué avec le renouvellement des membres du Bureau, à l'exception du poste du Président de l'Assemblée nationale. Mais la trêve apparente ne sera que d'une très courte durée, car après le passage aux voix des différents postes à pourvoir, les deux vice-présidents de l'opposition, à savoir Falké Bacharou, candidat du groupe ARN au poste de 2ème vice-président, et Salah Amadou Djermakoye, candidat du groupe parlementaire Lumana Africa au poste de 3ème vice-président, n'ont recueilli chacun que 44 voix contre 69 sur les 113 députés votants. Même si étant candidats uniques aux postes, ils ne sont pas passés, faute d'avoir recueilli chacun la majorité absolue des votants.
Les résultats des élections sont donc les suivants : 1er Vice président : Daouda Mamadou Marté (groupe PNDS Taraya) ; 4ème Vice président Mohamed Ben Omar (groupe des democrates) ; 5ème vice-président : Djibo Atnine (groupe ANDP Zaman Lahiya) ; questeurs : Moussa Waziri (groupe PNDS Taraya) et Moussa Adamou (groupe ARN) ; 5 secrétaires parlementaires élus soit un (1) par groupe parlementaire : Mariama Manzo ; Daouda Djigo ; Nouhou Moussa ; Boukari Abdou et Maman Lawali Gonda.
Ainsi, tous ces candidats ont donc été reconduits sauf les deux vice-présidents cités plus haut. Cela a ravivé la colère cette fois-ci des députés de l'opposition. Le débat juridique houleux a aussitôt repris sur la légalité même du Bureau reconduit parce que presque incomplet. Pour les députés de l'opposition, leurs amis de la majorité ont presque manqué de loyauté en refusant de reconduire les deux vice-présidents qui reviennent à l'opposition alors qu'eux ont voté pour tous ceux qui reviennent à la majorité. Mais du coté de la majorité, on rejette cette accusation en disant que les deux postes reviennent bel et bien à l'opposition, que le reflet de la configuration politique au niveau du Bureau sera respecté, qu'il n y aura pas de candidats autres que ceux de l'opposition, et qu'il s'agit simplement de retourner au Règlement intérieur pour corriger le vide ou le mutisme du texte pour le cas des candidatures uniques qui n'auront pas recueilli la majorité absolue pour passer. Une solution qui ne semble pas agréer les députés de l'opposition.
Pour sortir de cette nouvelle impasse juridique, certains ont même proposé de faire un recours en interprétation au niveau de la Cour constitutionnelle. La séance reprend aujourd'hui, vendredi, avec la désignation des membres des Bureaux des 7 commissions permanentes de l'Assemblée et aussi avec la recherche d'une solution consensuelle pour régler le cas des postes des deux vice-présidents qui doivent absolument être pourvus.