Licencié en histoire et enseignant du lycée de carrière, l’actuel quatrième vice-président de l’Assemblée nationale est sans conteste l’un de ces Nigériens qui, pour y avoir goûté aux délices, ont désormais décidé de ne vivre désormais que de la politique. Quitte à fouler aux pieds tous les principes de certaines valeurs de notre société comme la décence et l’honneur ! Enseignant dans un lycée de Diffa, Ben Omar Mohamed n’a fait son apparition publique sur la scène politique qu’après les élections présidentielles de 1996 organisées et remportées par Feu le Président Ibrahim Baré Maïnassara.
Militant convaincu et même zélé du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDSTARAYYA) d’un certain Issoufou Mahamadou à l’époque, Ben Omar Mohamed était aussi le coordonnateur régional, à Diffa, du Front pour la restauration et la défense de la démocratie (FRDD) que le PNDSTARAYYA et les autres partis de l’opposition, dont le Mouvement national pour la société de développement (MNSD-NASSARA) et la Convention démocratique et sociale (CDS-RAHAMA), avaient créé pour s’opposer à ce qu’ils avaient qualifié de «hold-up» électoral du Président Ibrahim Baré Maïnassara. En bon militant du PNDS-TARAYYA, dont le président s’était le plus montré hostile à Feu Baré, Ben Omar Mohamed avait dirigé la coordination régionale du FRDD de Diffa avec beaucoup de zèle. Il agitait tellement le climat sociopolitique qu’il fut arrêté et transféré manu militari à Niamey. Tout naturellement, son PNDS et les autres partis de l’opposition, qui appréciaient la façon dont Ben Omar Mohamed défiait le régime d’Ibrahim Baré Maïnassara, s’étaient mobilisés pour exiger sa libération.
Mais quelques jours après, ils furent estomaqués d’apprendre que leur préféré Ben Omar Mohamed a rejoint avec armes et bagages les rangs du pouvoir. Le même Ben qui accusait le régime de Baré de tous les noms d’oiseau en devint subitement un des principaux soldats. Le voilà donc qui passe du rose en jaune, en abandonnant son PNDS natal pour le Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP-JAMA’A), le parti créé par Baré et ses partisans. Après le coup d’Etat du 9 avril 1999, qui coûta la vie à Ibrahim Baré Maïnassara et à son régime, Ben Omar Mohamed et son RDP-JAMA’A vécurent quelques mois à l’opposition, avant de se retrouver dans la gestion du pouvoir de Tandja Mamadou. Et même quand ce dernier a décidé de tordre le coup à la Constitution pour rester au pouvoir, après son deuxième et dernier mandat constitutionnel, Ben et les siens n’avaient pas trouvé à redire. Au contraire, le même Ben Omar était l’un des grands artisans et défenseurs du projet Tazartché visant à maintenir Tandja Mamadou au pouvoir.
Quand la Cour constitutionnelle de l’époque rendait des arrêts pour démontrer l’impossibilité de réviser la Constitution de la 5ème République et accorder un bonus à Tandja Mamadou, c’est le même Ben Omar et certains acteurs politiques et de la société civile qui prenaient d’assaut les médias pour soutenir le contraire. Mais c’était surtout pendant la période du référendum contesté du 4 août 2009 que Ben Omar Mohamed s’est illustré dans le soutien au Tazartché, à travers ses interventions ‘’ivresques’’ lors des meetings. On le voyait sur les écrans des télévisions, les deux mains levées et les doigts en signe de victoire, vociférer : «Référendum vive !». Cette phrase était presque répétée tous les jours par Ben Omar sur les écrans de la télévision nationale qu’elle avait été mémorisée même par des enfants n’ayant pas atteint l’âge d’aller à l’école. Avec son titre de ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, l’homme avait une emprise totale sur les médias de l’Etat qu’il utilisait pour se forger en réalité une image de leader politique.
Et le contexte lui était favorable dans la mesure où même le MNSDNASSARA, qui avait porté deux fois de suite Tandja Mamadou au pouvoir, ne s’était pas véritablement investi pour la réussite du projet Tazartché. Ben Omar Mohamed était donc seul sur la scène, avec quelques acteurs de la société civile qui agissaient au nom d’un prétendu patriotisme. Contre la volonté du vrai peuple et d’une grande partie de la Communauté internationale, Ben Omar Mohamed et compagnie aidèrent donc Tandja Mamadou à violer la Constitution de la 5ème République, à dissoudre la Cour constitutionnelle dirigée par la très intègre magistrate Mme Salifou Fatimata Bazèye et à organiser le référendum du 4 août 2009 qui donna naissance à la 6ème République. S’étant senti pousser les ailes, Ben Omar Mohamed abandonna son poste de ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement au jeune acteur de la société civile Kassoum Moctar, pour entrer dans la cour des grands, en devenant député et ensuite vice-président de l’Assemblée nationale. Mais son rêve fut de courte durée car, leur nouvelle 6ème République n’a vécu que quelques misérables 57 jours, avant d’être balayée par le coup d’Etat du 18 février 2010 organisé par le Commandant Djibo Salou.
Comme tous les autres soldats du Tazartché, Ben Omar s’éclipsa dans la nature après le renversement de Tandja Mamadou. Lui qui hier haranguait des foules d’individus qui seraient favorables au maintien de Tandja au pouvoir n’avait même pas eu le courage d’accorder une simple interview à un média privé pour dire que lui et leur peuple ne sont pas d’accord avec le coup d’Etat. Le Commandant Salou Djibo et ses compagnons passèrent un an et quelques mois au pouvoir avant d’organiser de nouvelles élections. Toujours aux aguets de regroupements politiques ayant des chances d’accéder au pouvoir à la suite d’une transition militaire, Ben Omar et son RDP ne se trompèrent pas de choix en s’éloignant du MNSD-NASSARA, dont le régime a été renversé par les militaires, pour se rapprocher du principal parti de l’opposition, le PNDSTARAYYA, qui avait en plus l’avantage d’être soutenu par le Mouvement démocratique nigérien pour une fédération africaine (MODEN/FA-LUMANA-AFRICA) dont le candidat Hama Amadou était arrivé en troisième position suite au premier tour des élections présidentielles de 2011.
Mais l’autre grande chance que Ben Omar Mohamed et son RDP avaient aussi eue, au sortir de la transition militaire de Salou Djibo, c’est que toutes les listes de la Convention démocratique et sociale (CDS-RAHAMA) de Mahamane Ousmane avaient été rejetées dans son fief incontesté de Zinder. Et Zinder est aussi la région d’origine de Ben Omar Mohamed. Non seulement l’intéressé se fit élire, sans coup férir, comme député au titre de la circonscription de Gouré, mais en plus le RDP recueillit un nombre important de députés. Voilà donc notre brave Ben Omar revenu au sein de l’hémicycle avec une certaine respectabilité. Lui et ses collègues du RDP se joignent aux députés de l’Union pour la démocratie et la République (UDR-TABBAT), eux-mêmes élus à la faveur du rejet des listes du CDS-RAHAMA, pour constituer un groupe parlementaire dit Rassemblement des démocrates dont Ben Omar passe pour être l’illuminé. Dans le cadre de la représentation des différents groupes parlementaires au niveau du bureau de l’Assemblée nationale, Ben fut alors élu comme quatrième viceprésident.
Mais sans que personne ne sache quelles en étaient les vraies raisons, Ben Omar Mohamed se transforma très vite en principal opposant de leur régime. Dans plusieurs entretiens qu’il avait accordés à des médias privés, l’homme s’était à maintes fois pris au régime du Président Issoufou Mahamadou qu’il accusait de tous les noms d’oiseau. Dans une longue interview qu’il a accordée à la Radio Télévision Ténéré, il avait même déclaré regretter avoir apporté son soutien au Président Issoufou Mahamadou. Ben Omar Mohamed s’opposait tellement à leur propre régime qu’il était devenu la coqueluche de nombreux Nigériens qui voyaient en lui l’exemple d’un politicien courageux, vertueux et honnête avec sa propre conscience. Il faut reconnaître que ses sorties ont même fait oublier à beaucoup de Nigériens le rôle trouble qu’il avait joué dans la démolition du cadre démocratique entre 2008 et 2009. Et puis, sans qu’ils ne comprennent ce qui s’est encore passé, les Nigériens ont arrêté de voir et d’écouter l’opposant Ben Omar Mohamed sur les médias pendant plusieurs mois.
Et voilà que, sans qu’ils ne comprennent encore et encore ce qui s’est passé, les Nigériens redécouvrent le même Ben Omar Mohamed, non pas cette fois-ci en tant qu’opposant du régime du Président Issoufou Mahamadou, mais en tant que bouclier. C’était le samedi 19 avril dernier, lors d’une conférence de presse animée par les députés de la majorité sur les derniers évènements survenus à l’Assemblée nationale à l’occasion du renouvellement du bureau de cette Institution. C’était lui Ben Omar Mohamed, le pestiféré d’hier aux yeux des gens du PNDS-TARAYYA, qui a été chargé de venir insulter et dénigrer le Président de l’Assemblée nationale Hama Amadou. «Hama Amadou n’est pas plus que moi. Il n’est pas plus Nigérien que moi. Il a des ambitions, moi aussi j’ai des ambitions. Ou bien il est né deux fois ?», crânait-il devant les caméras des télévisions.
Tout ça pour répondre à la question d’un journaliste qui lui demandait s’il était intéressé par la présidence de l’Assemblée nationale au cas où la majorité parlementaire réussirait à débarquer Hama Amadou au moyen d’une motion de défiance ! Parlant justement de cette motion, Ben Omar Mohamed s’est encore fait le porte-voix de la majorité parlementaire, en affirmant haut et fort que leur intention est désormais de faire partir Hama Amadou de la présidence de l’Assemblée nationale parce que, d’après lui, c’est un fait inédit au Niger, en Afrique et au monde qu’un opposant occupe la présidence de l’Assemblée nationale. Que pense donc l’auteur de la fameuse formule «il n’y a pas 36.000 manières !» de cette autre situation inédite au Niger où un Président de la République nomme des militants de l’opposition dans le gouvernement alors même que cette opposition a officiellement manifesté son refus de participer à ce gouvernement ? A l’heure qu’il est, la réponse honnête à cette question ne viendra certainement pas de Ben Omar Mohamed ?
Habitué à profiter des situations troubles pour accéder aux hautes fonctions, l’homme est certainement entrain de caresser le rêve de remplacer Hama Amadou à la présidence de l’Assemblée nationale. Il est certes bon et même nécessaire d’avoir des ambitions dans la vie. Mais entre nous, comment Ben Omar Mohamed peut-il raisonnablement croire à la réalisation d’un tel rêve ? D’abord, lui et sa majorité sont loin d’avoir les 76 députés nécessaires pour faire aboutir une motion de défiance. Ensuite, même au cas où Issoufou Mahamadou aura le courage de dissoudre l’actuelle Assemblée nationale, quelle chance lui Ben Omar et beaucoup d’autres députés ont-ils de revenir à l’Assemblée nationale avec la participation effective des candidats du CDS-RAHAMA à Zinder ? Malheureusement pour Ben Omar Mohamed et tous les autres opportunistes qui brûlent d’impatience à voir Hama Amadou débarqué de la présidence de l’Assemblée nationale, la Constitution n’a pas prévu le mécanisme de destitution du président de l’Assemblée nationale à travers un décret du Président de la République.
C’est soit on a la majorité des 2/3 des députés, donc 76 députés sur les 113 que compte l’actuelle Assemblée, soit on a le courage de dissoudre l’Assemblée nationale. Et le même Ben Omar qui hurlait qu’ils vont faire partir Hama Amadou demandait en même temps à ce dernier de démissionner. Mais cet enseignant, devenu politicien par opportunisme, est apparemment loin de comprendre que l’actuel Président de l’Assemblée nationale n’est pas du genre à se laisser impressionner par n’importe quel porteur d’eau.