S’il ya un domaine où le controversé Hama Amadou excelle et détient une avance avérée sur les politiciens nigériens, voire même, sur les politiciens africains, c’est sans conteste sur la plate forme panafricaniste. Pour ceux qui ne savent pas trop ce que panafricanisme veut dire, lisez plutôt :
« Notre responsabilité commune (…) est de mettre un terme aux barrières artificielles de toutes natures érigées par l’ancien colon, aux fins de balkaniser notre continent. Et il est fort étrange que ce soit nous-mêmes africains, qui en entretenions encore à l’époque actuelle où nous nous targuons d’être libres et émancipés, la douloureuse permanence. La raison ? L’égoïsme des nations, qui malgré l’impitoyable pauvreté qui les étreint toutes, continuent malheureusement de nourrir les réticences de nombre de nos Etats à accélérer l’intégration africaine… » Formidable ! Applaudissez très, très fort !
Car ces mots pouvaient être attribués à Nkrumah, Sankara, Djibo Bakary, Cheik Anta Diop ou Edem Kodjo. Mais c’est Hama Amadou, président de l’Assemblée Nationale qui les a prononcés devant le parlement tchadien, le lundi 7 avril 2014, alors que Mahamadou Issoufou, président de la République, posait en grande pompe, la première pierre de la gare ferroviaire de Niamey. C’est peut-être ce qui a occulté la portée de son discours intervenu à un moment où ses compatriotes avaient les yeux rivés sur la « magie du train » ; mais un discours qui, sans nul doute, va compter dans les annales du néo-panafricanisme.
Hama Amadou est bien dans sa boutique, me diriez-vous. Il est le président du seul parti ouvertement panafricaniste en vue, le MODEN – FA Lumana, un parti œuvrant pour l’avènement de la « Fédération Africaine » ou des « Etats unis d’Afrique ». Mais il fallait avoir le culot d’en parler. Traditionnellement, les plus hautes personnalités africaines évitent de parler publiquement de panafricanisme. Depuis les vagues panafricanistes des années 90, le mouvement s’est quelque peu estompé, malgré les efforts de Kadhafi de relancer la machine. Et on le ressent bien aujourd’hui, depuis la mort du « guide libyen », il n’ya que la voix inaudible de Dlamini Zuma qui en parle occasionnellement. S’il ya un homme, du niveau de responsabilité de Hama Amadou, qui en parle ouvertement, devant les plus hautes tribunes africaines, cela ne pourra que contribuer à (re)booster la cause panafricaniste.
Hama amadou peut se targuer d’être le porte parole d’un pays foncièrement panafricaniste, le Niger, et continuer ainsi à distiller les « belles paroles » partout où il se doit. Car le Niger est sans conteste l’un des pays les plus panafricanistes d’Afrique. Un panafricanisme qui a ses précurseurs et ses héritiers. Parmi les précurseurs, l’on pourra mentionner Djibo Bakary, partisan du « non » au Général De Gaule, Boubou Hama, premier PAN et auteur de « Fondement de l’Unité Africaine », Abdou Moumouni Dioffo, activiste de la FNEANF, père de l’énergie solaire et auteur de « l’éducation en Afrique », et bien d’autres illustres. Les héritiers quant à eux sont nombreux. Toute cette génération 90 qui a contribué à « panafricaniser » la constitution nigérienne dès l’entame de la 3ème République, est fondamentalement panafricaniste. Parmi ceux qui ont réussi à écrire quelque chose sur le sujet, on peut citer le vétéran Hassane Diallo auteur de « De l’OUA à l’Union Africaine », Moumouni Farmo, un neveu de Boubou Hama, auteur de « Repenser l’Afrique », notre collègue et patron de rédaction, El Kaougé Mahamane Lawaly, auteur de « Lettre ouverte aux militants des états unis d’Afrique » et le cinéaste et écrivain Harouna Coulibaly dont le dernier film se termine quelque part aux Etats Unis d’Afrique.
Reste maintenant à Hama Amadou de démontrer aux sceptiques qu’il est réellement capable de servir de locomotive au panafricanisme nigérien. L’absence de références historiques dans ses discours panafricanistes, montre clairement son faible niveau en la matière.