L'argent est rare, disent couramment les Nigériens. À cette complainte, les tenants du pouvoir n'ont cessé de rétorquer que c'est parce que c’est bien géré. Répartie d'une grande séduction mais qui n'a pas longtemps résisté aux faits.
Outre les 1000 milliards d’Exim Bank, contestés par le gouvernement mais confirmé par l'agence de presse officielle Xhinua et les 50 milliards du Trésor congolais passés à la trappe, l'ARTP a fait les frais, par deux fois, de la gestion mafieuse des affaires publiques.
En février 2013, alors que l’Assemblée nationale vient à peine de voter, à la demande du gouvernement, un collectif budgétaire de 40 milliards pour faire face aux urgences induites par l’envoi de troupes au Mali, l’État, par le biais de ses autorités financières, signe une convention d'avance de trésorerie portant sur un montant de dix milliards de francs CFA.
L’ARTP a-t-elle vocation à faire une telle opération ? La réalité, c'est qu'elle l'a fait, non seulement en février 2013 mais aussi en janvier 2014 où elle a renouvelé l'opération. Au total, ce sont 20 milliards de nos francs qui sont passés à la trappe puisque personne, à l'exception des auteurs de l'acte, ne sait quelle destination ces milliards ont pris exactement.
Détail frappant dans ce dossier sulfureux, « les montants, effectivement prélevés sur le Fonds d'accès universel de l’ARTP, n’ont jamais transité par le Trésor national comme initialement convenu dans la convention ». Où sont-ils passés alors et à quelle fin précise ?
Le député Nassirou Halidou, qui a expliqué que leur démarche s'inscrit dans la volonté de dévoiler le vrai visage de ceux qui nous gouvernent en mettant sur la place publique les innombrables affaires dans lesquelles ils sont compromis, a souligné que, visiblement « le malheur du peuple malien et le devoir de solidarité du Niger ont servi de fonds de commerce à des gouvernants sans scrupule pour se remplir la poche ».
Amener les Nigériens à comprendre pourquoi l'argent est si rare, telle est la motivation essentielle de ce point de presse qui, selon son animateur, sera suivi par d’autres affaires bien plus croustillantes.
« lls comprendront, ajoute-t-il, la supercherie qui consiste à dilapider les ressources publiques qui prennent des destinations révoltantes alors que l'on accumule les dettes pour financer des projets dont la particularité est de générer de très fortes commissions.
Ainsi, malgré les 40 milliards votés par l’Assemblée nationale pour le compte du contingent nigérien au Mali, le gouvernement a parallèlement soutiré des comptes de FARTP, par le biais de deux conventions, la somme de 20 000 000 000 FCFA.
La première convention, signée le 20 février 2013, est assumée, pour le compte de I'ARM [Ndlr l'institution était déjà en transformation en ARTP] par le chargé de l’expédition des Affaires courantes, un certain Almoustapha Boubacar qui assurait l'intérim de la patronne dont le mandat a été écourté pour des raisons non clairement établies. Son départ a-t-il un quelconque lien avec ce qui va se passer par la suite ? Un chargé de l’expédition des Affaires courantes, même lorsqu'il assure l'intérim du titulaire du poste, peut-il s'arroger des prérogatives que ne sauraient lui conférer ses attributions ?
N'y a-t-il pas faux et usage de faux en écriture à partir du moment où il ne s'agit pas véritablement d’intérim puisque les prérogatives que s'est arrogés le sieur Almoustapha ne découlent pas d'un acte volontaire du titulaire pendant une période d'absence temporaire ? Bref, la lecture du document soulève beaucoup de questions qui pourraient intéresser un juge d'instruction.
Dans ces conventions dont le Monde d’Aujourd’hui s’est procuré copies, que d'incongruités. Ainsi, entre autres arguments sur lesquels la convention s'est appuyée, il est écrit, en première ligne, « en vertu des principes généraux sur les pouvoirs et obligations d'un chargé de l'expédition des Affaires courantes, notamment celles qui ont un caractère d’ « urgence » dont la résolution peut éviter de faire courir à l'État, aux citoyens ou à la vie économique et sociale du pays de très graves dangers. L'expédition des affaires courantes implique-t-elle une telle responsabilité ?
La vérité, c'est que l'envoi de troupes nigériennes au Mali a fait l'objet d'une double ponction sur l'argent public. Une première fois de façon régulière à travers un collectif budgétaire ; une seconde fois en porte-à-faux avec les principes de bonne gouvernance et en violation des textes qui régissent I’ARTP, notamment la loi n° 2012-70 du 31 décembre 2012 portant création, organisation et fonctionnement de l’ARTP. Y'a-t-il eu deux ponctions ou trois ?
Peut-être bien que trois puisque l'avance de trésorerie prélevée sur le Fonds d'accès universel collecté par l’ARM devant être remboursée, avant le terme convenu (2ans) par les montants reçus des Nations Unies, il est fort à craindre que ça n'ait jamais été ni l'un ni l'autre. Des interrogations, il y a tout un panier.
La première convention a été signée le 20 février 2013, la seconde est intervenue un an après. La période des deux ans convenue n'a pas été observée et le doute est permis sur l'hypothèse d'un remboursement grâce aux fonds versés par les Nations Unies à titre de contribution du Niger à la participation à la Misma. Or, il est spécifié que « Tout montant qui ne serait pas remboursé à la fin de la deuxième année, supporte un taux d'intérêt annuel de quatre pourcent (4%).
Pour le député Nassirou Halidou qui a soulevé le lièvre, Cette affaire fait partie des dossiers sales pour lesquels la majorité parlementaire a bloqué, sur instruction de l’Exécutif, les travaux de l’Assemblée nationale.
« Autrement, convie-t-il, sortez de ces débats creux dans lesquels la majorité au pouvoir a embourbé le Niger depuis des semaines et posez-vous une seule question à ces gens qui vous embobinent. En quoi l'élection de Falké Bacharou peut-il contrarier le travail du gouvernement ? En d'autres termes, entre bloquer l'élection de Falké Bacharou et lever le coude pour permettre au Niger d'avancer, le choix est-il si difficile ?