Le groupe islamiste nigérian Boko Haram, qui détient plus de 200 lycéennes depuis un mois, menace de plus en plus la stabilité des pays de la sous-région, selon experts et diplomates qui appellent à une stratégie régionale.
A la demande du président nigérian Goodluck Jonathan, le président français François Hollande réunira samedi à l’Elysée sur ce sujet les chefs d’Etat du Cameroun, du Niger, du Tchad, et du Bénin - les quatre pays frontaliers du Nigeria -, ainsi que des représentants des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Union européenne. L’Union africaine n’a pas été invitée.
Pour Paris, il s’agit d’encourager les pays de la sous-région à coopérer avec Abuja dans la lutte contre Boko Haram et "voir comment les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France peuvent apporter leur soutien".
"Il n’est pas question d’une intervention militaire occidentale contre Boko Haram", insiste-t-on dans l’entourage du président français, alors que Paris, Londres et Washington ont dépêché des experts, notamment militaires, et des avions de reconnaissance pour aider les autorités nigérianes à retrouver les jeunes filles enlevées.
A plusieurs reprises par le passé, et notamment lors d’une visite à Abuja de François Hollande en février, le président Goodluck Jonathan a regretté le manque de coopération de ses voisins francophones dans la lutte contre Boko Haram qui réclame la création d’un Etat islamique dans le Nord du pays. Le sommet de Paris "s’inscrit dans le cadre de la mobilisation internationale actuelle par rapport à Boko Haram après l’enlèvement des jeunes filles qui a cristallisé l’opinion publique internationale ", indique-t-on à l’Elysée.
"Boko Haram représente un risque de fragilisation pour tous les pays de la région et il faut que les chefs d’Etat en prennent conscience", insiste une source diplomatique française, pointant en particulier le Cameroun qui a longtemps été en conflit avec son voisin et a été accusé de servir de base arrière aux combattants de l’organisation islamiste.
- ’métastases régionales’ -
"Aujourd’hui, Boko Haram peut assez librement franchir les frontières, trouver refuge dans les pays voisins, s’approvisionner en armes. L’idée, c’est de réduire ces possibilités à travers des échanges de renseignements entre le Nigeria et ses voisins", ajoute-on de même source. Le sommet pourrait également permettre aux pays de la sous-région de discuter de mesures pour sécuriser leurs frontières et lutter contre le trafic d’armes.
Apparu en 2002 dans le nord du Nigeria, Boko Haram, à l’origine une secte extrémiste dénonçant les valeurs occidentales, s’est radicalisé depuis 2009 et "a rapidement métastasé dans la sous-région", en premier lieu au Cameroun, confirme Thierry Vircoulon, directeur de programme à l’International Crisis Group, de retour d’une mission sur place.
"L’essentiel de la solution doit être nigériane mais il faut aussi une réponse régionale", estime-t-il.
"Dans l’extrême-nord du Cameroun, il ne s’agit plus seulement d’incursions mais d’une implantation de Boko Haram", affirme ce chercheur. Jusqu’à récemment, Boko Haram s’était borné à attaquer les intérêts occidentaux au Cameroun, par des prises d’otages notamment de Français, mais ces derniers mois, la population camerounaise a été directement prise pour cible et les forces de sécurité attaquées, rappelle-t-il, affirmant que "les Camerounais commencent à s’inquiéter".
Une évolution confirmée par une source diplomatique qui relève que "jusqu’à présent, le Cameroun a considéré qu’il n’était pas concerné par Boko Haram. Le fait que le président Paul Biya vienne à Paris montre que cela est en train de changer".
Après s’être disputés pendant plus de 15 ans la presqu’île frontalière de Bakassi, définitivement rendue au Cameroun seulement l’an dernier, Abuja et Yaoundé ont amorcé une timide normalisation de leurs relations. Sans pour autant envisager une coopération sécuritaire, voire des patrouilles mixtes comme c’est le cas entre le Nigeria et le Niger, autre pays à avoir récemment subi des attaques de Boko Haram sur son territoire.
Pour Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria et chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), "c’est là que la France peut jouer un rôle. Faire le +missi dominici+ pour que Paul Biya et Goodluck Jonathan se rabibochent, pour que Biya veuille bien impliquer d’une manière ou d’une autre les forces de sécurité camerounaises et qu’il y ait un peu de concertation".