Le samedi 9 mai 2014, la Cour Constitutionnelle a rendu un avis suite à la saisine de Hama Amadou. C’était le 2 mai dernier que le Président de l’Assemblée nationale par lettre n°18/PAN/SG demandait l’éclairage de la plus haute instance en matière d’interprétation de la constitution sur principalement deux questions.
Le requérant voulait non seulement savoir ce que recouvre le concept de « crise de confiance » énoncée à l’article 89 alinéa 4 de la constitution mais également si le président de l’Assemblée nationale peut être de l’opposition. Pour la première question, il s’agit, selon les termes du Président de l’Assemblée nationale, « d’en cerner les contours pour éviter toute interprétation abusive », «…le concept de crise de confiance (étant) introduit pour la première fois dans l’histoire constitutionnelle du Niger ». S’agissant de la seconde préoccupation, elle concourt sans doute à mettre fin à la polémique en cours sur l’absurdité évoquée par les députés de la ma- jorité parlementaire d’une présidence de l’Assemblée nationale assumée par l’opposant Hama Amadou.
Sur justement cette question, la Cour Constitutionnelle a donné son éclairage que tout député peut postuler à la présidence de l’Assemblée nationale quelle que soit son appartenance politique, mais n’est élu, en cas de pluralité de candidats, que celui qui recueille « la majorité des voix des députés requise par l’article 14 du règlement intérieur de l’As- semblée nationale. » Voilà qui est limpide. Autrement dit, en application au cas de Hama Amadou, il n’y a aucune aberration que dans sa nouvelle situation d’opposant que l’actuel Président de l’Assemblée nationale continue à occuper le fau- teuil du chef du parlement nigérien si tant est-il qu’il bénéficie de la confiance des députés. Voilà donc qui tait la polémique véhiculée par la majorité parlementaire sur l’aberration, selon elle, de voir un membre de la minorité dirigée le parlement.
Pour le cas du Niger, Hama Amadou était membre de la majorité parlementaire et c’est chemin faisant, après le retrait de son parti de la mouvance présidentielle, qu’il s’est retrouvé dans la posture actuelle de Président de l’Assemblée nationale appartenant désormais au rang de l’opposition minoritaire au parlement. Dès lors qu’il n’est plus dans le groupe de la majorité parlementaire, il court le risque de perdre la confiance des députés de ladite majorité. Ces derniers ont donc la pos- sibilité de le débarquer de son piédestal en faisant usage de l’article 89, alinéa 4 de la constitution qui évoque la « crise de confiance » entre les députés et le Président de l’Assemblée nationale, concept dont Hama Amadou a demandé l’éclairage. S’agissant de la crise de confiance, l’institution que dirige Mme Diori Kadidjatou Ly donne la précision suivante :
« les faits et actes susceptibles de servir de fondement à une procédure de destitution du Président de l’Assemblée nationale consécutive à une crise de confiance peut découler de l’exercice de ses charges consacrées par la Constitution et les textes régissant le fonctionnement de l’Assemblée nationale, dès lors que ces faits et actes sont de nature à affecter la confiance que lui ont accordée les députés en l’élisant au poste de Président de l’institution ». Mieux la Cour répond au requérant qu’il n’y a aucune contradiction entre l’exercice de la crise de confiance et ses droits et libertés consacrés par le paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques de 1966 et l’article 30 de la constitution qui évoque le droit de toute personne « à la li- berté de pensée, d’opinion, d’expression, de conscience, de religion et de culte », étant entendu que dans sa saisine, Hama Amadou a fait allusion à sa jouissance de ces deux textes, le premier supranational et le second national.
L’essentiel pour lui est de ne pas perdre la confiance placée en lui par les députés. Pour cela, il se doit d’observer la stricte neutralité dans la conduite de sa fonction de Président de l’Assemblée nationale, normalement au dessus de la mêlée des groupes parlementaires. C’est la seconde fois que la Cour Constitutionnelle met le Président de l’Assemblée nationale au devant de ses responsabilités. Si dans l’arrêt récent, elle fait remarquer à Hama Amadou son devoir de veiller au respect du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, ce qui insinue qu’il doit faire montre de neutralité dans l’exercice de sa noble fonction, cette fois encore, dans cet avis, elle le lui rappelle en évoquant le risque pour lui d’être soumis au vote de défiance s’il venait à heurter la confiance des députés qui l’ont élu. Saura-t-il être à la hauteur de cette délicate posture ?
Le défi lancé par la majorité de le faire débarquer tient-il toujours ? Le président de l’Assemblée pourra-t-il garder sa langue dans la poche et continuer à voir les choses politiques se conduire normalement ? Que dira alors l’opposition de lui qui est toujours partiellement aux affaires politiques de ce pays ?