Le débat en cours sur le blocage des travaux de l’Assemblée nationale est, depuis un certain temps, l’occasion de déclarations et de sorties médiatiques plus doctes les unes que les autres sur la vie de la Nation, plus précisément sur l’attitude que doit tenir le Président de la République sur la question, en sa qualité de Magistrat suprême et de Garant du fonctionnement régulier des institutions.
Politologues en manque de chaire, juristes du dimanche, journalistes-analystes autoproclamés, chacun y va de son trémolo, tous rivalisant d’explications plus ou moins farfelues et inutilement alarmistes sur »la crise politique » au pays. Des pelés et quelques tondus poussent l’outrecuidance jusqu’à interpeller directement le Chef de l’Etat, le sommant, non sans impertinence, d’ »agir » pour »régler le problème », de convoquer en urgence le Conseil de la République, quand d’autres lui demandent de dissoudre purement et simplement le Parlement. Rien de moins…
Paradoxe ! Voilà un Président de la République à qui on reproche- sans preuves et sans vergogne- d’ »acheter » à coups de centaines de millions de nos francs des députés de l’opposition en vue d’élargir sa majorité, qu’on invite, dans le même mouvement, à intervenir dans les affaires internes du Parlement, pour mieux le prendre en flagrant délit d’immixtion dans le fonctionnement des institutions, et donc de violation de son serment. Qu’est donc devenu le principe, intangible en république, de la séparation des pouvoirs ? Nos pseudo-intellectuels n’en ont cure. La ficelle est trop grosse et le piège grotesque!
De quoi s’agit-il ?
A l’occasion du renouvellement du Bureau de l’Assemblée nationale, deux élus membres de cette instance, candidats à leur reconduction sont recalés, plusieurs de leurs collègues ayant refusé de leur renouveler leur confiance. Dans n’importe quel Parlement digne de ce nom, les mécanismes internes de consultation et de concertation entre élus de la Nation aurait permis de régler sans tambour ni trompette un tel problème, somme toute courant en pareille société.
Las ! Depuis bientôt un mois, l’Assemblée Nationale nigérienne, deuxième institution de l’Etat, ne discute que de cette question, les députés se donnant en spectacle devant une opinion médusée et impuissante. Ni les avis et arrêts de la Cour constitutionnelle saisie de la question, ni les appels à la sérénité d’autorités morales dignes de respect tels les prélats, n’ont réussi à ramener le calme au sein de l’hémicycle.
Comme saisis par un moment de grâce, les dirigeants de l’institution ont enfin, il y a quelques jours, mis en place un comité chargé de trouver une issue heureuse à la question. Les échos qui nous parviennent depuis mercredi 14 mai sur les premières conclusions des travaux de ce comité ad-hoc ne présagent hélas pas d’un retour de la sagesse et d’une solution définitive de l’équation. Aux dernières nouvelles, tout semble indiquer que nous en sommes encore au statu quo ante, et que le problème resterait entier, les uns et les autres campant sur leurs positions respectives.
Pendant ce temps, des dossiers d’importance capitale pour lesquels la session a été convoquée attendent. Il y aurait aujourd’hui en souffrance, selon des sources parlementaires, près de cinquante projets de lois, dont un portant sur le Collectif budgétaire et un autre sur la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
L’actuelle session parlementaire devrait s’achever à la fin de ce mois de mai, c’est-à-dire dans pratiquement quinze jours. Même à supposer que l’imbroglio délibéré créé pour des raisons aux antipodes de ce pour quoi le peuple a mis les honorables députés là où ils sont soit résolu dans les heures qui suivent, il semble peu probable qu’un tel ordre du jour soit épuisé dans les délais.
Il est temps, grand temps, que les représentants du peuple, toutes obédiences politiques et appartenances partisanes confondues, arrêtent leur nombrilisme et trouvent une solution à un problème qui, tout en étant leur création, handicape le pays tout entier. Il est temps, grand temps, qu’on cesse de désigner un confortable bouc émissaire, en l’occurrence le Chef de l’Etat, à qui on a trop souvent tendance à faire gratuitement sur ce sujet comme sur tant d’autres, toutes sortes de faux procès en sorcellerie.
Car enfin, si notre loi fondamentale dispose que le Président de la République est le garant du fonctionnement régulier des institutions, elle dispose aussi que les responsables de ces institutions, le Président de l’Assemblée nationale, dans le cas d’espèce, et ses autres collègues, sont comptables du bon fonctionnement de cette dernière.
Assurément, attribuer au Président de la République le blocage actuel des travaux du Parlement, c’est faire insulte à l’intelligence !