Il aura tout tenté, tout entrepris pour déstabiliser le régime de la Septième République dans le seul but de rendre ingouvernable le pays entier, ouvrant ainsi la voie à l’irruption de la grande muette sur la scène politique nationale. Il, c’est Hama Amadou lui- même, la »variable aléatoire de la politique nigérienne », pour parler en langage mathématique.
C’est désor- mais un truisme au Niger de constater que Hama Amadou est un facteur de troubles sociopolitiques tant qu’il n’exerce pas son hégémonie sur l’appareil d’Etat et la classe politique, le personnage souffrant gravement du complexe de supériorité qui le conduit souvent à une certaine condescendance à l’égard de son environnement immédiat et aussi vis-à- vis de ses relations sociales et poli- tiques. En réalité, Hama Amadou croit profondément qu’il est prédestiné à un destin hors du commun, comme d’ailleurs, il l’avait laissé entendre sur »Africable », lorsqu’il faisait observer que son ascension politique météoritique de simple contrôleur des douanes, à ses débuts, à la présidence de l’Assemblée natio- nale aujourd’hui. Il est irrémédiablement convaincu qu’il est le seul apte de toute la classe politique nigérienne actuelle à présider aux destinées du Niger, tous les autres politiciens n’apparaissant que comme des amateurs en la matière.
Lui et lui seul, le seul »goni » de la politique devrait avoir les premiers rôles et tout le Niger devrait être sous ses pieds pour le servir, tel un empereur romain ou un pharaon, deux incarna- tions suprêmes de majesté du pouvoir temporel ! Cette haute idée de soi ajoutée à l’absence de modestie et de relativité dans l’appréciation des choses de la vie l’ont souvent entraîné dans une sorte de solipsisme qui fut la source principale de ses malheurs politiques. Rappelez- vous la façon avec laquelle il avait dirigé le MNSD/Nassara, cette grande formation politique, la plus grande même de la période poste- Conférence nationale jusqu’à la Cinquième République, devenue aujourd’hui, Dieu merci, un énorme gâchis national. Chronique d’une carrière politique gâchée Faut-il le rappeler ici, le MNSD/ Nassara était réputé être le parti des grands commis de l’Etat qui ont sculpté le visage du Niger contemporain sous le magistère d’hommes d’Etat éclairés et surtout patriotes comme Diori Hamani, Seyni Kountché et Ali Saïbou.
Ce parti à lui seul symbolisait l’unité nationale, car il était implanté sur l’ensemble du territoire national pour des raisons historiques bien précises : il fut d’abord un parti-Etat. Pour l’écarter de l’exercice du pouvoir au sortir de la Conférence nationale de juillet 91, seule une coalition dix-huit (18) partis (Alliance des Forces du Change- ment pouvait réussir cet exploit. Cependant, l’immaturité de l’AFC devait conduire l’ancien parti-Etat à revenir au pouvoir par le biais d’une recomposition de la majorité parlementaire suite au retrait du PNDS/ Tarayya de l’AFC en septembre 1994. C’est le point de départ d’une cohabitation houleuse entre le Président de la République, Mahamane Ousmane et le Premier Ministre, Hama Amadou qui débouchera sur le coup d’Etat du 27 janvier 1996 du Colonel Baré.
Après une longue traversée du désert qui dura trois (3) ans, le MNSD revint au pouvoir à l’automne 99 avec l’élection à la magistrature suprême de son candidat, Mamadou Tandja. Dieu avait entendu les immenses prières du peuple nassariste : porter Tandja à la présidence de la république. En même temps que se réalisait ce vœu cher au peuple nassariste, le MNSD amorçait par là son déclin avec Hama Amadou comme président du parti, à partir de décembre 2001. Ce fut alors le début de la période noire du MNSD qui consacrera plus tard la »hamisation du parti et gare désormais à tous ceux qui oseraient se mettre au travers de la route du Seigneur de Youri ! La première rébellion, conduite par douze membres du Bureau politique du MNSD, appelée »la déclaration des douze », dont un certain Ali Sabo et un certain Mallam Maman Sani, avait été vigoureusement matée.
Les meneurs de cette fronde venaient de signer-là leur arrêt de mort politique, puisque, dorénavant, ils devaient connaître le pire ostracisme au sein du parti, et cela, durant plusieurs années que dura le règne omnipotent du Seigneur de Youri. Ali Sabo, Wassalké Boukary, Ibrahim Tamponé, Oumarou Sidikou, Professeur Hamidou Sékou, Mallam Maman Sani, Mounkaïla Arouna, Almoustapha Soumaïla, Amadou Salifou, la liste étant loin d’être exhaustive, tout ce beau monde sera pourchassé jusque dans ses derniers retranchements pour faire régner au sein du parti la seule loi qui vaille : la loi de Hama. Dès lors, le MNSD, sous la direction de Hama Amadou, entamait sa crétinisation, car tous les cadres du parti ayant encore quelque dignité ou attachés à leur indépendance d’esprit prirent leurs distances du parti, et ne restaient autour du Seigneur Hama que les béni-oui- oui et autres applaudisseurs pour chanter les louanges de leur maître !
Voilà donc un parti politique dont l’originalité résidait justement dans son caractère élitaire transformé en clan et popularisé pour les seules ambitions de son nouveau maître ! Dès cet instant, les réflexions fécondes qui ont en fait la richesse, les débats contradictoires (concer- tation) en son sein et sa tendance fédératrice (consultation et participation) laissèrent la place au pouvoir personnel et à l’égocentrisme de son président de cette époque comme les nouveaux ressorts du leadership de Hama Amadou. Ainsi, sous le populisme le plus abject de son leader, le MNSD/Nassara va se scléroser pour ne plus devenir qu’une simple seigneurie au profit d’un homme et de son clan : Hama Amadou. Cependant, comme nous l’avions écrit à maintes reprises dans ces mêmes colonnes, le destin politique de Hama Amadou est semblable à la scène tragique grecque (Sophocle, Homère, Virgile) où le héros a beau faire, il n’échappera pas à son destin. Icare, à force de vouloir trop s’approcher du Soleil, a fini par se brûler les ailes !
Tel est le destin de Hama Amadou surpris dans ses certitudes un jour du mois de mai 2007, quand il ne s’y attendait pas du tout, la foudre s’abattit sur sa tête et il fut renversé par une motion de censure votée à une écrasante majorité de députés, y compris ceux de son parti, le MNSD. Alors, tout s’écroula subitement, comme un château de cartes, à la grande espérance de la veille succéda le temps du doute et des regrets. L’horizon 2009 pour lequel tout avait été préparé pendant deux quinquennats devint soudainement fuyant pour Hama, car hors du pouvoir, le hamisme est un papillon incapable de résister aux grandes tempêtes. Mais le pire est à venir, Hama Ama- dou goûtera à l’infamie, lorsqu’accusé de détournement du fonds d’aide à la presse, il sera écroué et incarcéré à la prison de haute sécurité de Koutoukalé, le seul édifice majeur qu’il avait construit en sept ans de règne à la primature !.
Ce fut ainsi la descente aux enfers pour le Seigneur de Youri. Nous laissons le soin volontiers à Omar Hamidou Tchiana, alias Ladan, de nous nar- rer cet épisode pathétique de l’effondrement d’un homme aux abois, lors de l’entretien que cet ancien lieutenant de Hama, fidèle parmi les fidèles, avait accordé à la télévision »Africable » ! Sorti des griffes de Tandja grâce à l’humanisme des dirigeants du PNDS/Tarayya, Hama Amadou s’exila du Niger, car selon lui, Tandja voulait le tuer. Il revint au pays après le décès du PF Djermakoye, en juin 2009, puis re- partit clandestinement déguisé en »Yao » sur une moto, quand il apprît que la Police était à ses trousses. Il ne rentra définitivement au Niger que sous la période de la transition du CSRD du Général Djibo Salou, juste à la veille du verdict de la Justice dans l’affaire du MNSD. Peut-être le temps de la rédemption pour Hama Qu’il est difficile pour Hama d’ac- cepter et d’intérioriser qu’aujourd’hui il est à l’opposition et que c’est d’autres nigériens qui exercent ce pouvoir.
Le plus grave pour Hama et ses amis c’est que tel que les cho- ses semblent se dérouler, 2016 ne sera pas du tout l’année d’un chan- gement de leur situation actuelle, car le Guri aura d’ici-là abattu toutes ses cartes : le chemin de fer reliera, pour la première fois, le Niger à un débouché maritime, la Cimenterie de Keita sera fonctionnelle et fera du Niger un pays exportateur de ciment, Imouraren sortira ses pre- mières tonnes d’uranium, des mil- liers de Km de routes bitumées dé- senclaveront définitivement la plu- part des contrées, des milliers de point d’eau, des milliers de classes seront construites, des milliers de jeunes nigériens seront engagés dans la Fonction Publique, dans le privé, le Barrage de Kandadji per- mettra l’irrigation de milliers d’hec- tares pour les cultures de contre- saison, la Centrale de Gorou Banda fera définitivement oublier les dé- lestages intempestifs de la Capi- tale, la Centrale de Salkadamna fabriquera des briquettes de charbon pour la ménagère et produira également de l’électricité, voilà, grosso modo ce qui fait l’angoisse des Hama Amadou et consorts !
Ils ont raison, car de toute évidence personne ne pourra encore vendre des chimères au peuple nigérien maintenant que la Renaissance lui a ouvert les yeux. C’est cette peur existentielle que porte en écharpe l’opposition nigérienne. Il n’y a aucu- nement rien de grave au Niger, le pays est stable, les institutions ré- publicaines fonctionnent normale- ment, la majorité gouverne sans problème, l’opposition s’oppose, quoique de manière négative, la paix et la sécurité règnent dans le pays.