La mouvance pour la renaissance du Niger (MRN) avait tous les atouts pour réussir. Le pouvoir, la force publique, l’argent et la chance. Chance qu’elle a eu de l’arrêt n°006 de la Cour constitutionnelle qui lui ouvrait le boulevard de la réussite. Il ne manquait qu’une seule petite chose à la majorité : la finesse politique.
Ce samedi 17 mai 2014, cela faisait exactement un (1) mois que la 1ère session ordinaire de l’Assemblée nationale était dans l’impasse totale. La veille, avec l’arrêt du juge constitutionnel, beaucoup avaient dit que les carottes de l’opposition sont cuites. En vérité, il n’y avait de quoi sombrer dans le désespoir pour les sympathisants de l’opposition, et crier victoire pour les tenants du pouvoir. En effet, l’arrêt de la plus haute juridiction en matière constitutionnelle n’a laissé aucune ambiguïté.
« dit qu’en ne procédant pas à l’élection des deux membres du Bureau restant après notification de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, le président de l’Assemblée nationale qui a la haute main des débats à l’Assemblée nationale, dont il a la plus haute autorité en vertu de l’article 19 du règlement intérieur, a méconnu l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions de la cour constitutionnelle et par voie de conséquence a violé la constitution ; Dit que les présidents des groupes parlementaires concernés par les deux postes, (ndlr, ARN et Lumana, opposition) qui sont chargés de déposer les candidatures, conformément à l’article 13 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, n’ont toujours rien entreprit dans le sens de se conformer à l’arrêt de la Cour constitutionnelle et par conséquent ont violé les articles 117 alinéas 2 et 134 alinéa 1 de la constitution » dira la Cour constitutionnelle dans son arrêt.
Ces 2 paragraphes, indiscutables à tous égards, (les décisions de la Cour étant sans recours aucun) ont sonné pour certains comme un brancard dans lequel échoiraient inéluctablement l’opposition parlementaire et le président de l’Assemblée nationale Hama Amadou. Mais c’était sans compter que nous sommes bien dans l’arène politique et que ce ne sont les muscles qui font les victoires. La stratégie politique de l’opposition ne tardera pas à porter ses fruits. A l’ouverture de la plénière, Hama Amadou donna lecture du contenu des 2 derniers arrêts du juge constitutionnel. Ensuite, faisant sien les décisions de la Cour constitutionnelle, le président de l’Assemblée va diriger la plénière avec une main de fer. Rigidité et rigueur s’entremêlaient dans l’autorité de Hama Amadou du haut de son perchoir. Tel un général face à son armée, la voix était grave, le ton tranchant.
« Nous ne sommes pas à l’université ici … » ,« on s’en tient au respect strict du règlement intérieur et de l’arrêt de la Cour … » , « je veux des candidats, donnez-moi des candidats » n’a-t-il cessé de dire aux députés. S’ensuivra une sorte de guéguerre entre le groupe parlementaire ARN (opposition) et le président de l’Assemblée (opposant). Hama voulait des candidats et l’ARN voulait s’en tenir à son seul candidat : Falké Bacharou. La majorité en bon spectateur se délectait silencieusement de cette divergence. Perdu dans ce plaisir pourtant éphémère, la MRN ne verra pas le coup venir. Alors que la polémique semblait s’installer au sein du groupe ARN d’une part, et entre ce groupe et le président de l’Assemblée, d’autre part, Hama Amadou demanda les urnes. Sans laisser la moindre petite chance à la polémique, le président de l’Assemblée fait débuter les votes. Premier tour, deuxième Vice-présidence, Falké Bacharou recueille 36 voix contre 64. Il n’a pas la majorité nécessaire donc n’est pas élu. Deuxième tour : même scénario, même résultat. Hama demanda qu’on passe au vote pour la troisième Vice-présidence qui concerne Amadou Salah du groupe Lumana. Avant que les bulletins ne commencent à choir dans l’urne, le président du groupe parlementaire Lumana prit la parole pour annoncer le retrait de la candidature du député Amadou Salah. La majorité est alors comme hypnotisée un instant. Elle n’en revenait pas. Mais c’était trop tard, la stratégie politique de l’opposition venait de se refermer sur la MRN comme le couvercle d’une marmite sur la fournaise. Elle tenta quelques sursauts, voulant s’accrocher au fait que le règlement intérieur de l’Assemblée nationale n’ait pas prévu le retrait de candidature. A cela, Hama Amadou demanda qu’on lui lise un article du règlement intérieur qui interdirait le retrait de candidat peu avant l’élection. La réalité est sans appel : aucune disposition n’existe en la matière. Et en quelqu’un qui a « la haute main des débats à l’Assemblée nationale, dont il a la plus haute autorité » comme l’a si bien signifié la Cour constitutionnelle, Hama Amadou leva la séance plénière donnant rendezvous le lendemain aux 11 membres élus du bureau pour l’installation officiel de celui-ci.
Ici, 2 directives de la Cour constitutionnelle ont été respectées à la lettre à savoir lorsque le juge constitutionnel disait : « Dit que le président de l’Assemblée nationale est tenu de convoquer l’Assemblée pour la reprise des travaux et poursuivre sans discontinuer l’élection des deux membres du Bureau restant dès notification du présent arrêt ;
Dit que tout refus persistant de la part des présidents des groupes parlementaires concernés de déposer des candidatures aux postes vacants est considéré comme une renonciation temporaire de leur droit à occuper les postes qui leur reviennent conformément à l’article 89 alinéa 1 de la Constitution ; que par conséquent, les autres membres du Bureau élus doivent assurer le fonctionnement régulier de l’Assemblée nationale » Maintenant, voyons en quoi la majorité a-t-elle perdu son derby contre l’opposition. Le blocage a commencé depuis que la MRN a exigé que le groupe parlementaire ARN « consulte » dans un premier les dissidents et plus tard, elle va demander du même groupe d’accepter les candidatures de ces dissidents là. Le manège était simple, une fois que ces candidatures seront introduites, la majorité allait tout simplement utiliser sa supériorité numérique pour faire élire ses alliés, les dissidents de l’opposition. A la lumière de ce qui vient de se passer, la MRN n’a pu atteindre son objectif, pire, ses manoeuvres ont fini par plonger l’Assemblée nationale dans une situation inconfortable liée au nouveau bureau qui ne reflète pas la configuration politique exigé par la constitution. Pour l’instant, la majorité a été surprise donc elle n’a pu réagir. On attend de voir le prochain tour qu’elle va sortir son profond sac. La seule certitude pour le moment est qu’elle a joué et a perdu le premier round. Heureusement, pour cette fois, il n’y ni coupable ni juge pour déclarer quelqu’un coupable. Pour l’instant, la majorité a été surprise donc elle n’a pu réagir. On attend de voir le prochain tour qu’elle va sortir son profond sac. La seule certitude pour le moment est qu’elle a joué et a perdu le premier round.