L’Union africaine (UA), jadis connue sous l’acronyme de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), a cinquante ans. Cinquante ans dans la vie d’un homme ou d’une institution, cela renvoie à l’âge de la sagesse. Il est donc de bon ton que cet évènement soit célébré avec faste. Car, depuis près d’une semaine, Addis Abéba, la capitale de l’Ethiopie qui abrite le siège de l’Union africaine, vibre au rythme des festivités de ce cinquantenaire. Seulement, ce cinquantenaire qui devrait consacrer la maturité de l’institution, intervient dans un contexte de crise marqué par la récurrence des actes terroristes sur le continent. Un cinquantenaire sous des bombes, pourra-t-on dire. On ne parlera plus ici de ce qui s’est passé au Mali depuis que les djihadistes y ont assis leurs tentacules, encore moins de ce qui se passe en Somalie où les Shebabs dictent au quotidien leur loi. Mais, on s’appesantira volontiers sur les récents attentats intervenus au Niger au moment même où les festivités du cinquantenaire battaient leur plein à Addis Abeba, en Ethiopie. A quelque chose, malheur est bon, est-on tenté de dire. Cela d’autant que ce double attentat vient rappeler aux chefs d’Etat africains qu’il est plus que jamais urgent d’agir face à la menace djihadiste qui ne connaît pas de frontière. On sait que l’UA, tout comme bien des institutions sous-régionales sur le continent, a inscrit en lettres d’or la prévention et la gestion des conflits comme priorités dans son plan d’actions. Mais, au résultat, on se rend compte qu’il n’en est rien. Excepté le Soudan à travers le Darfour, et la Somalie où d’énormes efforts ont été faits pour un retour à la paix, l’UA s’est toujours illustrée par sa nonchalance et son inertie dans la gestion et la prévention des conflits sur le continent africain. Dans bien des cas, les institutions étrangères lui ont damé le pion. Pourtant, en plus des rébellions et des coups d’Etat, l’UA doit désormais faire face à la menace islamiste qui, si rien n’est fait pour l’endiguer, finira un jour par phagocyter tout le continent. Il urge donc de trouver des solutions qui conviennent à ce mal endémique. Car, comment peut-on renaître (panafricanisme et renaissance, thème du cinquantenaire de l’UA) dans un contexte d’insécurité caractérisé par des attentats terroristes à répétition ? On ne saurait construire une démocratie sans sécurité, encore moins se développer sans sécurité. Mais, on a parfois la fâcheuse impression que les dirigeants africains se comportent toujours comme de grands enfants, convaincus qu’en cas de menace réelle, les occidentaux, la France notamment, voleront à leur secours. Encore une fois, c’est sur l’initiative du président français François Hollande que se tiendra en décembre prochain à Paris un « sommet pour la paix et la sécurité en Afrique ». Tout se passe comme si les dirigeants africains n’étaient pas conscients du danger qui guette leur pays. Si fait qu’ils se claquemurent dans une indifférence remarquable qui frise parfois la poltronnerie. Et comme pour s’excuser, la plupart des chefs d’Etat africains présents à Addis Abéba en Ethiopie ont souhaité, à l’occasion de ce cinquantenaire, que l’accent soit mis sur les perspectives et non sur le passé de l’UA ; oubliant que l’on ne peut rien entreprendre pour l’avenir sans un feed-back sur le passé. Le passé constitue toujours un réverbère pour le présent et le futur. Ne dit-on pas souvent qu’il faut savoir d’où l’on vient afin de savoir où l’on va ? En tout état de cause, ce cinquantenaire est une belle occasion pour les chefs d’Etat africains de mener une profonde introspection pour essayer de repartir du bon pied. Ils doivent aller au-delà des discours et des festivités. Ils doivent aussi savoir aller au-delà de la joie frénétique que procurent les remises de dettes du genre de celles que vient de faire la présidente du Bresil à douze Etats africains, portant sur un montant de 900 millions d’euros. Car, c’est un véritable camouflet que les djihadistes viennent de leur infliger ; eux qui, après cinquante ans d’indépendance, peinent toujours à prendre leurs responsabilités, face à la moindre menace extérieure. C’est la preuve que bien des Etats africains sont vulnérables et que n’eût été le parapluie de la France, certains d’entre eux seraient déjà tombés, tels des fruits mûrs dans les mains des djihadistes.