AGADEZ (Niger) - Les islamistes préparaient une "attaque" depuis le Sud libyen contre le Tchad parallèlement aux deux attentats suicide qui ont visé le nord du Niger, a affirmé lundi le président
nigérien, mais la Libye a démenti être "un foyer du terrorisme".
"Pour le Niger en particulier, la menace principale s'est déplacée de la frontière malienne vers la frontière libyenne. En effet je le confirme, l'ennemi qui nous a attaqués à Agadez et Arlit vient du Sud (libyen, ndlr), d'où parallèlement une autre attaque est préparée contre le Tchad", a-t-il
déclaré à l'occasion d'une cérémonie d'hommage aux victimes de l'attentat d'Agadez perpétré le 23 mai par des groupes jihadistes.
M. Issoufou, qui s'exprimait dans cette ville devant une délégation officielle du Tchad, n'a pas dit si ce projet d'"attaque", sur lequel il n'a pas donné de détail, avait été déjoué.
Cependant, Tripoli a formellement démenti que les auteurs du double attentat suicide au Niger aient pu venir de Libye. Ces allégations sont "sans fondement et ne correspondent pas à la réalité", a assuré le Premier ministre libyen, Ali Zeidan, en visite à Bruxelles. La Libye n'est "pas un foyer du terrorisme", a-t-il soutenu.
"C'est (l'ancien dirigeant libyen Mouammar) Kadhafi qui exportait le terrorisme", a-t-il lancé, demandant à Niamey d'extrader le fils du défunt "Guide", Saadi Kadhafi, et d'anciens dignitaires du régime auxquels le Niger accorde l'asile.
Selon de nombreux experts, le Sud libyen est devenu ces derniers mois l'un des sanctuaires où se sont reformées les cellules jihadistes après que les mouvements islamistes armés ont été délogés du nord du Mali depuis janvier par une opération militaire franco-africaine.
Le Tchad est le pays africain le plus engagé aux côtés des troupes françaises dans le Nord malien.
"La situation au Mali, qui n'est qu'une conséquence de la crise en Libye, ne doit pas détourner la communauté internationale de son devoir de stabiliser la situation en Libye, (qui) constitue aujourd'hui le principal foyer de déstabilisation du Sahel", a insisté lundi le président nigérien, qui a plusieurs fois tiré la sonnette d'alarme depuis la chute de Kadhafi en 2011.
L'attentat contre le grand camp militaire d'Agadez, principale ville du nord désertique du Niger, a fait au total 24 morts, essentiellement des militaires nigériens, selon les autorités, qui ont aussi annoncé que huit assaillants avaient été tués.
Presque au même moment, à Arlit (plus de 200 km au nord), un autre attentat à la voiture piégée sur un site d'uranium d'Areva faisait un mort et 14 blessés parmi les employés nigériens du groupe nucléaire français. Deux kamikazes y ont trouvé la mort, selon Niamey.
Ces attaques, les premières du genre dans le pays, ont été revendiquées par deux groupes islamistes, Les Signataires par le sang du jihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar, et le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao).
Belmokhtar, alias "Le Borgne", qui était donné pour mort par le Tchad depuis avril, a menacé de s'en prendre à nouveau au Niger et aux autres pays engagés militairement au Mali.
"la production d'uranium se poursuivra"
Appelant à la "vigilance", M. Issoufou a averti: "l'ennemi tentera encore d'autres actions à l'avenir, mais son sort est scellé: il sera, plaise à Dieu, vaincu".
Les "terroristes" voulaient "ébranler nos institutions et discréditer notre modèle de société démocratique et de liberté", et s'en prendre aux "intérêts économiques" du Niger, a-t-il ajouté. "Qu'ils sachent qu'ils ont échoué car les dégâts matériels seront vite réparés et la production d'uranium se
poursuivra".
De retour d'une visite à Arlit, le ministre des Mines, Oumarou Hamidou, a toutefois estimé devant la presse que le Niger, l'un des pays les plus pauvres du monde, allait "perdre quelques milliards" de francs CFA (plusieurs millions d'euros) "pour les mois d'arrêt" de la production que l'attentat allait causer, selon une première évaluation.
Lors d'une cérémonie sur la place d'armes du camp d'Agadez, M. Issoufou a décoré et promu à titre posthume les soldats tués.
Il s'est rendu sur le site de l'attentat, où lui ont été présentés les nombreux débris d'explosifs retrouvés sur place, où un cratère d'environ trois mètres de diamètre est encore visible.
Le chef de l'Etat a également visité le dortoir où s'étaient retranchés deux assaillants, tués lors d'un assaut des troupes nigériennes et des forces spéciales françaises. Un énorme désordre y régnait encore. Les murs, les portes et les fenêtres restaient percés de nombreux impacts de balles.
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