Après six mois de tractations et un bras de fer avec les organisations de la société civile, le groupe nucléaire français Areva vient de signer le 26 mai, un nouvel accord avec l’Etat nigérien. Ce nouvel accord fixe les conditions d’exploitation de gisements d’uranium dans le Nord du pays. Soulignons qu’avant la conclusion de cet accord, on assistait à la perpétuation, depuis l’indépendance du pays, à un partenariat totalement déséquilibré entre l’Etat nigérien et Areva.
L’exploitation des ressources en Afrique est avant tout un problème politique
Désormais, après la signature de cet accord qui établit les fondements d’un nouveau partenariat gagnant-gagnant, l’Etat nigérien peut redresser la tête. De même, Areva a pris plusieurs engagements pour soutenir des projets de développement et d’infrastructures au profit des populations des régions nord du pays.
Evidemment, en ce siècle dominé par une mondialisation dure, et dont les enjeux énergétiques en constituent le noyau, un pays aussi pauvre et démuni que le Niger n’a de chance de remonter la pente qu’en refusant la grande braderie de ses ressources minières. Et comme on le voit, avec le nouvel accord obtenu par les autorités nigériennes, le problème de l’exploitation des ressources minières, pétrolières, et gazières en Afrique est avant tout, un problème politique, et qu’on ne peut comprendre vraiment qu’en questionnant la nature des régimes qui ont gouverné et qui gouvernent nos sociétés. Rappelons que sur le continent noir, nombre de dirigeants souffrent d’une sorte de complexe d’infériorité pathologique face à ces multinationales occidentales. Bien sûr, personne ne nie leur capacité de nuisance hors pair, prêtes à tout pour préserver leurs positions stratégiques juteuses : parrainage occulte de coups d’Etat, déclenchement de guerres civiles, opérations de déstabilisations intérieures et extérieures, etc.
Ainsi, ces puissantes multinationales ont passé divers contrats d’exploitation minière et pétrolière avec des régimes africains prédateurs, servant leurs intérêts. En contrepartie, ces grands groupes aident ces régimes à se maintenir au pouvoir. En vérité, toutes ces multinationales qui pullulent sur le continent noir, entourent leurs stratégies économiques d’un nuage d’hypocrisie, en usant de double langage. Avec l’exemple nigérien, pour la première fois dans l’histoire du continent, un Etat, de surcroît dit « faible », a pu tenir tête à une grosse multinationale occidentale. Durant ce long bras de fer entre l’Etat nigérien et Areva, il faut relever la force du lien organique qui a uni les Nigériens dans la défense des intérêts vitaux de leur pays. Le courage, la ténacité et la persévérance du président Issoufou ont payé. Rien ne justifie que les enfants nigériens naissent, grandissent et meurent dans l’obscurité, alors que leur pays regorge de ressources qui servent à illuminer les villes du monde occidental. L’indignation de la société civile nigérienne, notamment celle des syndicats, était pleinement justifiée, et légitime.
Le Niger vient de montrer qu’un autre chemin est possible
Areva n’a donc pas réussi à étouffer leurs revendications. Si l’exemple du Niger prouve qu’un tel combat, si ardu soit-il, n’est pas perdu d’avance, le peuple nigérien le doit au fait que c’est un régime réellement démocratique qui le gouverne. Décidé à mettre les ressources du pays au service de son peuple, le pouvoir démocratique du président Issoufou s’est montré capable de bouleverser les rapports de force, en brisant le partenariat gagnant-perdant, et qui perdurait jusque-là. Et, contrairement à l’Etat autoritaire, voire totalitaire, l’Etat démocratique donne aux entreprises et aux entrepreneurs la triple sécurité juridique, économique et politique qu’ils demandent. Il ne cherche donc pas à prendre en charge « toute l’économie nationale », bien qu’il soit très fortement impliqué dans son organisation rationnelle. Le Niger vient de montrer qu’un autre chemin est possible. Mais son exemple peut-il faire école sur le continent ? Dans une Afrique encore dominée par des dictatures civiles et militaires, les ressources du continent sont encore mises au service de la survie politique des régimes prédateurs.
Cela dit, le destin d’aucun peuple n’est fixé pour l’éternité, et comme on le voit au Niger, rien ne voue fatalement nos peuples à la misère, à la maladie et à l’ignorance. Espérons que l’exemple nigérien servira à changer le cours de l’histoire de nos peuples, à éradiquer tous les partenariats gagnant-perdants. En Guinée, entre le groupe Rio Tinto et l’Etat, le bras de fer se poursuit en vue de la signature d’un « accord transactionnel », concernant l’exploitation de gros gisements miniers dont regorge le pays.
Quoi qu’il en soit, et comme on l’a vu avec l’exemple nigérien, c’est la volonté politique qui fera la différence, en Guinée ou ailleurs. Et, pour devenir de véritables puissances émergentes, les Etats « sous-développés » du continent doivent s’en donner les moyens, tant politiques que stratégiques. En attendant, il existe bien, dans le dénouement du bras de fer entre Areva et Niamey, une belle morale humaine : il faut souvent apprendre à respecter le faible. Et ce dernier doit, s’il ne veut pas périr, avoir la culture de l’audace.