Discours de Son Excellence Hama Amadou, président de l’Assemblée Nationale, à l’occasion de la cérémonie de clôture de la première session ordinaire au titre de l’année 2014
Excellence Monsieur le Premier Ministre ; Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions de la République ;
Honorables Députés, chers collègues ; Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement ;
Excellences Mesdames et Messieurs les Représentants du Corps diplomatique et des organisations internationales ;
Excellence Monsieur le Premier Ministre ; Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions de la République ;
Honorables Députés, chers collègues ; Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement ;
Excellences Mesdames et Messieurs les Représentants du Corps diplomatique et des organisations internationales ;
Monsieur le Gouverneur de la région de Niamey ;
Monsieur le Maire, Président du conseil de ville de Niamey ;
Messieurs les Maires d’arrondissements de la ville de Niamey ;
Messieurs les officiers généraux et supérieurs des forces de défense et de sécurité ;
Mesdames et Messieurs les représentants des partis politiqueset des organisations de la société civile ;
Honorables chefs coutumiers ; Respectables chefs religieux ; Mesdames et Messieurs, Distingués invités ;
Nous voici aujourd’hui, au terme de la première session ordinaire de l’Assemblée nationale, au titre de l’année 2014.
Une session à l’issue de laquelle nous nous séparons très malheureusement dans la confusion, la méfiance réciproque et la division.
C’est peu dire, que d’affirmer qu’au cours de cette session l’Assemblée a réussi à perdre les ressorts qui lui avaient donné jusque-là son dynamisme et son efficacité.
Néanmoins à nos invités, qui nous ont fait l’honneur d’être présents à cette cérémonie, je voudrais dire merci, mesdames et messieurs les députés, à notre nom à tous.
Ainsi que je le disais plus haut, la présente cérémonie vient clore les travaux d’une session, qui s’est révélée somme toute, particulière, spéciale même, sous certains aspects, au regard du climat qui l’a caractérisée, et des débats houleux, sinon douloureux, qui l’ont dominée.
Normalement, temple de la démocratie et haut lieu du débat contradictoire, parce que point de confluence, de la belle pluralité d’opinions, qui forme la nécessaire diversité de pensées et de conceptions, propre à toute nation démocratique, notre hémicycle s’est hélas cette fois-ci, un mois durant, transformé, en un lieu d’intolérance extrême, entre la majorité et l’opposition parlementaires; il s’est transformé en une sorte d’arène de violences multiformes ; d’invectives insupportables et d’incontinences verbales, au lieu d’être la chambre de travail parlementaire, qui aurait dû se focaliser plutôt, sur la confection des textes de loi, qu’attendait de ses élus, le peuple souverain qui les a mandatés.
Nos compatriotes ont pu ainsi, il faut le regretter, découvrir une autre facette de notre institution législative : sa facette la plus triste et certainement celle qu’il retiendra de toute cette législature.
Il retiendra aussi sans doute que nos travaux se sont embourbés dans des considérations, autres que la mission constitutionnelle, qui nous avait réunis, si bien que, aucun des objectifs que nous nous étions assignés à l’ouverture de cette session, n’a pu être atteint.
Comment pouvons-nous justifier ce gâchis ?
Car les nigériens, dont on ne peut douter, ni de la perspicacité, ni de la maturité, ont, quant à eux, certainement compris, et les mobiles, et les intérêts qui sous-tendaient ces comportements inadmissibles.
Ils ont compris, j’en suis presque assuré, que l’enlisement de nos travaux, dans des querelles dont les enjeux, à travers le renouvellement du bureau, semblent à première vue sans aucune pertinence, était en réalité dicté par des préoccupations de survie politique, ou à tout le moins, par des calculs politiciens aux antipodes des vrais intérêts de la nation.
En effet d’un côté, la majorité parlementaire se sentait contrainte et condamnée à soutenir au-delà du raisonnable, ses alliés en rupture de confiance avec leur groupe et leur parti ; et de l’autre l’opposition parlementaire, fidèle à la ligne du parti, n’entendait pas, quant à elle, accepter de briser l’unité de ses forces restantes qui l’a préservée jusqu’ici de la dislocation.
Sinon comment expliquer autrement que, le renouvellement du bureau de notre institution, qui se déroulait chaque année, comme une simple formalité, parce que reposant sur la base d’un consensus entre les groupes parlementaires, ait été confronté cette fois-ci à une rigidité inhabituelle ?
Inhabituelle assurément, parce que l’inflexible entêtement constaté, de part et d’autre, n’est que la résultante logique, des manœuvres souterraines de division opérées, à dessein, au sein des groupes parlementaires de l’opposition, en octobre 2013.
En son temps, nous avions eu à stigmatiser ces manœuvres pernicieuses, que nombre d’entre vous, mes chers collègues, avaient interprété comme une insulte.
Insulte que je ne peux jamais me permettre, croyez-le, surtout envers les membres d’un corps qui représentent la nation tout entière.
Toutefois, en ma qualité de président de l’Assemblée nationale, il m’incombe la difficile responsabilité de dénoncer tout comportement ou pratique susceptible de ternir l’image de notre institution ou de créer à terme des difficultés à son fonctionnement.
Aujourd’hui, force est de reconnaitre que les problèmes de l’Assemblée nationale procèdent de ces machinations aux conséquences insuffisamment, appréhendées à l’époque.
L’un dans l’autre, il convient de se résumer en disant que, cette année le consensus n’a pas prévalu.
Il n’a pas prévalu pour le motif que je viens d’évoquer.
Il n’a pas prévalu aussi parce qu’au surplus, les interprétations les plus fallacieuses, très souvent, éloignées de l’esprit et de la lettre de notre règlement intérieur, ont été avancées pour tenter de justifier l’injustifiable, jusqu’à conduire, à force d’arguties inutilement échangées, au blocage pur et simple des travaux de notre institution, pendant un mois entier.
De ce blocage, on a voulu faire de moi le bouc émissaire, à travers des requêtes adressées à la cour constitutionnelle, avec des arguments aussi imparfaits que dictés par un esprit partisan aux visées, où la subjectivité extrême le dispute à la pure malveillance.
En fait, tous les moyens leur semblent bons, pour débarrasser la présidence de l’Assemblée nationale, d’un opposant plus que gênant.
La Cour, je dois le reconnaître, a su habilement se garder de tomber dans le piège de la compromission, se contentant par des artifices juridiques nouveaux, d’inciter les députés à s’orienter vers le déblocage relatif de la situation.
Même s’il est vrai que les requérants, eux, ont plutôt voulu que la Cour prononce la destitution pure et simple du président de l’Assemblée nationale aux prétextes qu’ils ont abondamment et faussement invoqués.
A cet égard, il convient de leur rappeler que la Cour constitutionnelle est juge des textes et non juge des personnes.
C’est pourquoi la procédure contradictoire de destitution reste et demeure celle prévue par l’article 89 de la Constitution.
Aussi n’a-t-elle pas abondé dans le sens des espérances des requérants, évitant ainsi elle-même de tomber dans le parjure.
L’Assemblée nationale n’en a pas pour autant, retrouvé la plénitude des conditions favorables, à son fonctionnement harmonieux.
Les groupes parlementaires restant campés sur leurs positions, tous, à leurs calculs politiciens.
Il faut espérer que la raison finira par l’emporter et ramènera les uns et les autres à ce consensus inévitable.
Bien que tout laisse penser, qu’aucun des camps n’entend faire des concessions à court terme, liant à son inflexibilité actuelle, sa survie politique.
Mais là n’est pas le plus important.
Le plus important est de retenir que ce fut un mois au cours duquel, le spectacle que nous avons offert au monde n’est pas des plus honorables, parce qu’il aura malgré tout gravement contribué, à dégrader l’image du représentant de la Nation, que nous sommes censés être, dans ce pays.
C’est que, avant que l’Assemblée nationale ne s’embourbe, personne n’avait pensé, un seul instant, que la défense de ces positions extrémistes, y compris en recourant massivement aux moyens de la mauvaise foi, pourrait nous conduire à l’impasse, jusqu’à faire oublier aux uns et aux autres l’essentiel, c’est-à-dire, la mission constitutionnelle de l’Assemblée, sans l’accomplissement de laquelle, l’Etat s’arrête de fonctionner.
L’essentiel, c’est bien évidemment l’intérêt collectif, qui doit en toutes circonstances, primer sur les considérations partisanes aveugles.
L’essentiel, c’est aussi la paix et la quiétude sociale ; c’est la stabilité politique et institutionnelle ; toutes ces choses qui se conjuguent, pour former les conditions de base indispensables, dont un régime politique a nécessairement besoin, pour bien conduire les destinées de la Nation.
Et ce sont toutes ces choses qui concourent aussi à apaiser, et rassurer les citoyens, en leur permettant de vaquer sereinement à leurs occupations, tout en espérant jouir de façon paisible, de leurs droits constitutionnels les plus élémentaires en démocratie, c’est-à-dire, vivre libre, et sans craindre, quotidiennement le pouvoir, qu’ils ont élu pour défendre, cette liberté, sans laquelle, ils sont réduits à un simple état de sujets, tel que l’ont vécu nos parents sous le régime d’indigénat de triste mémoire.
D’un autre côté, ce sont ces conditions seules, qui peuvent également créer le climat favorable à la réalisation des objectifs de développement économique et social, espérés.
En effet dans l’instabilité politique, un pays, aussi puissant, soit-il, ne peut avancer.
Encore moins notre pays immergé depuis de nombreuses années déjà, dans la cacophonie des disputes politiciennes interminables, au surplus, pauvre et fragile à tous points de vue, qui a intérêt à mieux gérer ses contradictions internes, s’il veut garder quelque attrait pour les investisseurs étrangers, ainsi que les partenaires au développement, véritablement fatigués, de notre incapacité nationale à tirer les leçons du passé.
Mesdames et Messieurs,
De cette douloureuse expérience d’un mois, qui s’est révélée préjudiciable, en fin de compte, aussi bien, pour l’image de notre institution, que pour l’action gouvernementale, il ressort que nous devons nous interroger sur nos conduites respectives afin de les amender, mais aussi, revoir nos textes en vue de les améliorer, de sorte que leur formulation autant que l’agencement révisé de leurs dispositions, ne soient les causes de ces disputes stériles, néanmoins pernicieuses, pour le bon fonctionnement de nos institutions.
Réexaminer la Constitution, le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la charte des partis politiques ainsi que d’ailleurs le statut de l’opposition, en vue de les réécrire, pour rendre leur compréhension plus facile et moins tendancieuse, s’avère pour le législateur, un devoir, d’une urgente et impérieuse, nécessité.
Clarifier ces textes tout en précisant le sens de certaines de leurs dispositions, permettra aux différents acteurs, à la condition bien entendu, qu’ils s’imposent eux-mêmes un minimum de bonne foi, de s’accorder à l’avenir sur une seule et unique interprétation de celles-ci.
Cependant, il restera toujours que les textes, quel que soit leur degré de perfection, ne vaudront que par la sincérité et l’honnêteté, des hommes appelés à les appliquer.
Mesdames et Messieurs,
Ce qui s’est passé ces derniers jours à l’hémicycle, n’est au fond, que la traduction regrettable d’une crise politique enfantée par une crise morale qui affecte la société nigérienne dans son ensemble.
Une crise politique et morale qui, malheureusement, ne fait que s’empirer chaque jour davantage, jusqu’à exaspérer, même nos concitoyens, parmi les plus indifférents à la chose politique.
Car tout laisse penser que nos concitoyens, dans leur écrasante majorité, leurs réactions semblent l’indiquer, sont de plus en plus excédés, par les querelles politiques suscitées par l’animosité personnelle et des haines que l’adversité seule, ne peut justifier.
Au point où ils considèrent que ces querelles ne font que miner et ruiner, jusqu’aux perspectives les plus prometteuses, que peuvent offrir à notre pays, le contexte, tout aussi agité soit-il, de notre sous-région et que peuvent offrir aussi les opportunités du moment, notamment la forte croissance économique du continent africain.
C’est pourquoi la classe politique, notamment, la partie qui a en charge les destinées du pays, se doit de comprendre que l’adversité politique dans un Etat de droit, ne peut être assimilée à la féroce inimitié qui oppose les acteurs politiques, dans les régimes dictatoriaux, où le débat contradictoire est réglé par la force brute et la violence aveugle.
Et même dans ce contexte, il a été prouvé que recourir abusivement à ces moyens, loin de briser les résistances, ne fait au contraire que les aviver, en leur offrant les motifs d’une plus grande détermination, c’est-à-dire celle engendrée par les nécessités de la survie.
Alors que dans l’Etat de droit pour lequel les nigériens se sont battus, et se battent encore, l’Etat n’a besoin en principe de recourir à la force, que pour les besoins du service de l’intérêt général, en particulier pour préserver la quiétude sociale, et non pour museler et neutraliser les adversaires politiques au mépris des règles démocratiques.
C’est pourquoi je m’interroge légitimement sur le sens véritable qu’il faut donner aux événements qui dominent l’actualité dans notre pays.
Et je m’interroge aussi sur la signification des arrestations massives de militants politiques, d’étudiants et des responsables de la société civile de ces derniers jours, ainsi que des accusations quelque peu fantaisistes et saugrenues, par lesquelles elles sont justifiées.
Car ces allégations à l’évidence mensongères supposent que ces séquestrations de citoyens, ne sont que le prélude, à la mise en œuvre d’un complot d’Etat, contre les leaders de l’opposition et tous les libres penseurs hostiles à l’unanimisme idéologique que certains comptent instaurer dans ce pays.
Aussi faut-il en craindre les développements ultérieurs qui peuvent conduire le Niger au pire.
Chers collègues,
Si j’ai tenu à faire ces quelques rappels, c’est uniquement pour que nous ne perdions pas de vue ce qui nous unit et qui me parait, plus fondamental que ce qui nous sépare.
L’ennemi n’est pas l’adversaire politique, l’ennemi c’est l’instabilité politique et institutionnelle, la famine, la pauvreté, l’ignorance, l’insécurité grandissante ainsi que toutes les formes d’intolérance qui les accompagnent, et qui sont causes de tant de dégâts et de malheurs.
Or chacun sait que ces malheurs, lorsqu’ils surviennent, n’épargnent rien, ni personne, car ne faisant ordinairement aucune distinction entre bons et méchants, même s’il faut se placer du point de vue manichéiste des tenants de la force qu’ils prétendent légitime, du point de vue légal.
Honorables députés, chers collègues, Distingués invités, Mesdames et Messieurs,
Malgré tout, au regard de ce qui se passe dans certains pays voisins, le Niger apparait pour les observateurs lointains, étrangement encore, un ilot et un havre de paix.
Tous ces pays, j’en suis sûr, sont prêts aujourd’hui à donner tout le stock d’or dont ils disposent dans les banques centrales pour retrouver leur cohésion, leur stabilité sociale, et un peu de leur sérénité d’antan.
Il nous revient donc, en ce qui nous concerne, de préserver coûte que coûte l’accalmie relative qui prévaut, un tant soit peu, chez nous, pour la sauvegarder et la renforcer absolument.
Nos contradictions politiques, qui du reste sont inévitables et même nécessaires, dans un cadre multipartite, ont des limites qu’elles ne doivent jamais franchir.
Les acteurs politiques et sociaux se doivent donc de cultiver la modération et se mettre tous à l’école du dialogue.
Au demeurant nos contradictions elles-mêmes, n’ont d’intérêt que si elles s’inscrivent dans la perspective de la réalisation concrète de l’épanouissement des nigériens dans un pays, à la fois stable et laborieux, c’est-à-dire un pays où le travail créateur de richesses, est sacralisé ; où la justice est effectivement rendue équitablement ; où l’école fonctionne normalement ; et où les libertés fondamentales et les droits socioéconomiques sont garantis, pour tous les citoyens accomplissant leurs devoirs et obligations envers la nation.
Mesdames et Messieurs,
C’est sur ces derniers mots que je déclare clos, les travaux de notre première session ordinaire au titre de l’année 2014, tout en priant Dieu le tout puissant, de nous gratifier d’un hivernage fécond, et de veiller sur notre pays et son peuple, en nous incitant à la paix des esprits et des cœurs.