Le Niger, l'un des pays les plus pauvres au monde, tente depuis plusieurs années de maîtriser sa fécondité galopante, provoquant la colère des islamistes radicaux, qui assimilent la contraception à "une oeuvre satanique de l'Occident".
Sa croissance démographique est la plus forte au monde à 3,9% par an, soit 7,6 enfants par femme, selon les statistiques officielles.
Conséquence : la population nigérienne a bondi de 3 millions en 1980 à plus de 17 millions en 2014. Elle atteindrait, si aucune réforme n'intervient, 56 millions en 2050.
Ce baby-boom ininterrompu inquiète énormément dans un pays aride victime de crises alimentaires récurrentes liées à la sécheresse.
La malnutrition infantile, provoquée par la faim, la maladie ou encore le manque d'hygiène et de structures, atteint des sommets : 5.900 décès d'enfants en 2012, 4.100 en 2011, 5.560 en 2010, selon l'Unicef.
"Notre agriculture très archaïque n'arrive plus à nourrir la population, dont 80% vit en campagne", note l'économiste Hamid Ahmoud, interrogé par l'AFP.
"Avant, les pluies étaient abondantes, les terres très fertiles et le coût de la vie acceptable. On pouvait s'offrir beaucoup d'enfants", admet-il. Ce n'est plus le cas.
D'après l'Unicef, cette forte croissance est "sous-tendue" notamment par le mariage "précoce" et une "faible" pratique contraceptive.
Près de 80% des filles sont déjà mariées avant d'atteindre 18 ans, précise l'agence onusienne.
"Elles sont mariées en bas âge et procréent jusqu'à 40 ans", constate Amadou Ali, instituteur à Maradi (sud-est) où le mariage précoce est en vogue.
Pour espérer ramener sa courbe démographique à 2,5% d'ici 2015, le Niger a lancé dès 2008 une politique visant à faire grimper le taux de contraception de 5% à 11% et obtenir une réduction de l'indice de fécondité à 5 enfants par femme.
Dans les campagnes, le pari est de ramener les mariages précoces à 11%, contre 59% actuellement.
Mais dans ce pays presque intégralement musulman, ces politiques se heurtent aux réticences des islamistes, qui y voient des "moyens dictés par l'Occident" visant à "stopper les naissances".
- La contraception passe mal -
"Nous demandons aux musulmans de barrer la route à tous les textes non conformes à l'islam et à ses valeurs, dont la remise en cause des mariages (...) considérés par les féministes comme des +mariages précoces+", ont déclaré mi-mai des organisations musulmanes dans un communiqué.
"Les Blancs nous disent de diminuer nos naissances. En France ils sont plus de 50 millions. Pourquoi ne baisseraient-ils pas les leurs ?", questionne, provocateur, Cheick Youssouf, un prêcheur radical d'une mosquée de Niamey, devant des centaines de fidèles.
"C'est un péché que de limiter les naissances", explique à l'AFP Alpha Issa Djibo, un autre prêcheur, plus modéré, de la capitale.
"Allah a dit : +même si vous êtes plus de 100 milliards vous parviendrez à vous nourrir+", affirme-t-il.
La contraception passe mal au sein des ménages. Mariama, 35 ans et mère de sept enfants, était la troisième femme d'un pieux commerçant de Niamey, qui en avait déjà eu une quinzaine avec ses deux premières épouses.
"Je prenais la pilule à son insu. Quand il l'a su, il m'a répudiée", raconte-t-elle.
Jusqu'ici réservé sur ce sujet très délicat dans le pays, le président du Niger, Mahamadou Issoufou, a récemment appelé à procréer "de manière responsable".
"Nous avons le devoir de nourrir, d'éduquer, de soigner les enfants que nous mettons au monde", a-t-il déclaré lors d'une visite à Maradi, région fortement influencée par des courants extrémistes venus du Nigeria voisin.
"Nulle part dans le Coran, il n'a été dit que l'acquisition du savoir est exclusivement réservée aux hommes", a-t-il soutenu, en référence à la contraception.
Pour le sociologue Sani Janjouna, les autorités ont toutefois commis une "erreur" aux débuts du programme de planning familial, "présenté ni plus ni moins qu'une façon de +limiter les naissances+", quand le problème est bien plus vaste.
Ultime conséquence de la trop forte natalité, misère et pénuries vivrières poussent des milliers de Nigériens à quitter leur pays.
Quelque 92 d'entre eux, essentiellement des femmes et des enfants fuyant la disette, sont morts de soif en octobre 2013 alors qu'ils traversaient le désert pour rejoindre l'Algérie. Des dizaines d'autres périssent régulièrement dans l'indifférence générale.