NIAMEY- Après une semaine à peine, la signature du contrat d'exploitation entre le gouvernement nigérien et le groupe nucléaire français Areva qui exploite depuis plus de 40 ans, à travers ses filiales la SOMAÏR, la COMINAK, les gisements d'uranium d'Arlit, dans la région d'Agadez (extrême nord), suscite de vive polémique au sein de la société nigérienne.
En rappel, le Niger représenté par son ministre d'Etat en charge des Mines, M. Omar Hamidou Tchana et le groupe Areva représenté par son président directeur général, M. Luc Oursel, avaient signé, le 26 mai dernier à Niamey, après plus de 5 mois d'intenses négociations, un nouveau contrat d'exploitation de l'uranium nigérien.
Aux termes de cet accord de partenariat stratégique, avec notamment la mise en vigueur des dispositions fiscales du code minier de 2006, le Niger et Areva proposeront aux Conseils d'administration des deux sociétés (Somaïr et Cominak) des directeurs généraux de nationalité nigérienne en 2014 et 2016, respectivement.
S'agissant du gisement d'uranium d'Imouraren, 5 000 tonnes par an, "son exploitation dépendra de l'amélioration des conditions du marché international", ont convenu les deux parties.
Par ailleurs, quelques 90 millions d'euros seront injectés dans la réhabilitation de la route Tahoua-Agadez-Arlit dite "Route de l'uranium" et 17 autres millions seront versés à travers des projets de développement dans le nord du Niger qui abrite les mines d'uranium, toujours selon l'accord.
Un accord que le ministre nigérien en charge des Mines a qualifié de "juste et équilibré pour le Niger, qui donne satisfaction à tous". "Le Niger a défendu ses positions et obtenu la compréhension et la satisfaction de la part d'Areva", a-t-il indiqué.
Pour lui, l'accord ouvre la voie à une nouvelle page de cette histoire et à la conclusion des conventions minières pour SOMAÏR et la COMINAK qui mèneront leurs activités d'exploitation des cinq prochaines années "sous l'empire de la loi minière 2006".
Au bénéfice de cet accord, le Niger espère désormais des deux sociétés entre 22 et 25 milliards de FCFA de recettes sur une année fiscale.
Par contre, le son est tout autre du côté de la société civile nigérienne.
Ainsi pour le collectif "Sauvons le Niger", dans une déclaration rendue publique mercredi, "la signature de cet accord n'est que les prémices d'une nouvelle modification de la loi minière 2006" et a invité par conséquent les députés nationaux "à ne cautionner aucune modification tendant à remettre en cause les acquis de cette loi".
Selon son coordonnateur, M. Nouhou Arzika, "cette loi minière fera, en vérité, l'objet d'une modification pour tenir compte de toutes les considérations d'Areva et sera soumise très prochainement à l'adoption à l'Assemblée nationale avant le 30 juin (...), ce qui est une violation flagrante de nos textes réglementaires".
De son coté, la coordination de la société civile d'Arlit, région qui abrite les sociétés minières, a marqué sa "grande déception à propos du report sine die de l'exploitation de la mine d'Imouraren".
En effet, il est à rappeler qu'avec l'exploitation de la nouvelle mine d'Immouraren (toujours dans le département d'Arlit), initialement prévue à partir de 2014, le Niger se hisserait au premier rang en Afrique, et deuxième au niveau mondial, de producteur d'uranium, après le Canada, avec une production annuelle qui passerait de 3.000 à 8.000 tonnes, d'après les études techniques d'Areva.
En outre, la coordination de la société civile d'Arlit a regretté que les questions de protection de l'environnement et la santé des populations riveraines des mines n'a fait l'objet d'aucun traitement spécial et "conforte AREVA à poursuivre le désastre qu'elle a commis depuis un demi- siècle".
"Ainsi donc le Niger hérite à la date de la signature de l'accord de plus de 45 millions de tonnes de résidus radioactifs à 80 % dont l'extinction aura lieu dans des milliards d'années , un bilan épidémiologique sanitaire inconnu et probablement catastrophique, une zone totalement dévastée et défigurée sans aucune chance de réhabilitation au minimum des sites exploités", s'est-elle indignée.
Pour d'autres, "la première des erreurs du gouvernement a été de négocier avec une entreprise, en lieu et place d'un pays ... s'il y a des accords à signer, c'est avec la France qu'il faudra les négocier et non avec AREVA", estiment-ils.
Le Niger, 4ème producteur mondial d'uranium, 2ème fournisseur du groupe nucléaire français Areva, est, paradoxalement, de nos jours, l'Etat le plus pauvre du monde. Les bénéfices tirés de l'exploitation de l'uranium ne contribuent jusque-là qu'à hauteur de 5% au budget général du pays, selon les statistiques officielles.