Entre le président du Niger, Mahamadou Issoufou, et son ancien allié politique, Hama Amadou, le président du Parlement, rien ne va plus. Chacun soupçonne l'autre de complot. Le mois dernier, la tension est encore montée à Niamey, après l'attaque du domicile d'un député de la majorité et celle du siège du parti au pouvoir. Mohamed Bazoum est le chef de la diplomatie du Niger. C'est aussi l'un des hommes les plus proches du président Issoufou.
RFI : Le 3 juin, six opposants, dont l’ancien ministre de la Santé, Soumana Sanda, et l’ancien maire de Niamey, Oumarou Dogari, ont été inculpés pour atteinte à la sécurité de l’Etat et incarcérés. Y a-t-il volonté de bâillonner l’opposition ?
Mohamed Bazoum : Pas du tout. Ces personnes, les deux en particuliers, sont soupçonnées sur la base de preuves d’un certain nombre de choses graves et le dossier est entre les mains d’un juge.
Ces six inculpés sont tous proches du numéro un de l’opposition, Hama Amadou, et celui-ci affirme que les deux attentats pour lesquels ils sont inculpés sont des « simulacres » dans le but de le « criminaliser » lui, Hama Amadou, et de le faire arrêter.
Le simulacre, c’était plutôt ce qu’il avait fait à son domicile, lorsqu’il avait prétendu qu’on voulait le tuer alors que tout le monde savait que, ce soir-là, il était à Téhéran. Nous n’avons pas besoin de criminaliser monsieur Hama Amadou, même si nous savons qu’il a tenté de porter atteinte à la sécurité de l’Etat. Son entreprise a échoué à partir du moment où nous considérons qu’il a échoué. Cette situation est désormais derrière nous.
Et quand vous dîtes que Hama Amadou a tenté de porter atteinte à la sûreté de l’Etat, que voulez-vous dire ?
Je veux dire qu’il a créé les conditions d’une subversion à même d’accréditer l’idée que le régime est instable, que le pays prend feu et, donc, que quelqu’un, ailleurs, tirerait les conséquences…
Les militaires ?
J’imagine bien, dans son esprit.
Vous dites que vous ne faites donc que défendre la loi. Mais même un opposant modéré, comme le très discret Seyni Oumarou, l’homme qui a mis Mahamadou Issoufou en ballotage, dénonce la « paranoïa du pouvoir »?
Monsieur Seyni Oumarou est un instrument de monsieur Hama Amadou.
L’opposant Hama Amadou affirme que des gens qui se disent policiers ont approché son personnel de maison pour essayer de l’empoisonner. Que pensez-vous de ces accusations ?
Une information judiciaire est ouverte et monsieur Hama Amadou va encore se faire passer pour une victime. Monsieur Hama Amadou s’est toujours fait passer pour quelqu’un que ses adversaires veulent tuer. Je n’ai jamais entendu un seul autre opposant au Niger, sur les vingt longues années de notre existence d’Etat démocratique, porter des accusations comme le fait monsieur Hama Amadou. Il est coutumier de ce genre d’accusations. Ces arguments indiquent tout simplement que monsieur Hama Amadou n’est pas un homme courageux. C’est un homme paranoïaque et qui est incapable d’assumer la position de quelqu’un qui aspire à exercer le pouvoir.
Donc, la paranoïa n’est pas de votre côté comme le dit Seyni Oumarou, elle serait du côté de Hama Amadou ?
Hama Amadou tout seul, parce que Mamadou Issoufou a été opposant pendant au moins quinze années de sa carrière politique et jamais, malgré la force de l’adversité, on l’a entendu proférer de telles accusations contre ses adversaires.
Le mois dernier, la garde rapprochée de Hama Amadou a été changée, sur ordre du gouvernement et sans le consentement de l’intéressé. Cela ne peut-il pas être considéré comme une mesure vexatoire ?
Non ! Hama Amadou a subi un attentat contre son domicile, toute sa garde était présente ce jour là. Ils ont tous témoigné, sauf deux qui n’ont jamais rien entendu. Et pourtant, si l’évènement avait eu lieu, ils auraient pu procéder à l’arrestation des auteurs des tirs en question. Et, si c’est du faux, comme nous le pensons et comme cela a été accrédité par les investigations qui ont été faites, ils auraient pu dire tous à l’unisson que c’était faux.
Depuis son passage à l’opposition, votre ancien allié politique, Hama Amadou, refuse de quitter la présidence de l’Assemblée. Est-ce que ce n’est pas l'une des raisons de la très forte crispation de ces dernières semaines entre vous et lui ?
Il se peut que ce soit le cas. Mais ce n’est pas important dans la mesure où notre Constitution prévoit qu’il nous faut forcément disposer des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale pour pouvoir procéder à un vote de motion de défiance. Si nous avons les deux tiers, nous procéderons au vote. Si nous ne l’avons pas, nous y renoncerons.
C’est-à-dire que vous êtes prêt à vous accommoder d’un Hama Amadou qui resterait au perchoir jusqu’en 2016 ?
Bien sûr que, si nous n’avons pas les deux tiers, nous sommes obligés de nous en accommoder. Mais en même temps, il va lui falloir, lui aussi, accepter d’être président d’une institution et cesser d’utiliser ce poste à des fins qui n’ont rien à voir avec ce que devait en être la vocation.
Que répondez-vous à ceux qui disent que vous voulez empêcher Hama Amadou de se présenter contre le président sortant à la présidentielle de 2016 ?
Pourquoi nous le ferions ? Parce que si nous l’avions empêché, nous serions garantis que nous passerions à la prochaine élection ? Je pense que ce sont des questions qui ne nous intéressent pas. Nous, nous sommes totalement concentrés, le président de la République au premier chef, à réaliser les objectifs du programme. Ce qui est la condition pour que nous puissions prétendre au suffrage des Nigériens à même de nous permettre de revenir au pouvoir.
Quoiqu’il arrive, en 2016, vous êtes sûr de gagner ?
Ah non, non. Nous ne sommes pas du tout sûrs de gagner. Ce seront des élections ouvertes, parce que nous sommes dans un pays démocratique. Pour le moment, les jeux ne sont pas totalement faits.
Est-ce qu’en poursuivant les proches de Hama Amadou vous n’êtes pas en train d’en faire un martyr et, peut-être, de l’aider dans sa future campagne de 2016 ?
Ce n’est pas avec plaisir que nous sommes en train de procéder à la poursuite de ces quelques personnes qui restent encore en prison. Moi, mon vœu personnel le plus cher et, j’imagine que c’est celui du président de la République, c’est que la justice découvre qu’il n’y a pas assez de preuves pour les maintenir en prison.... suite de l'article sur RFI