Il faut reconnaître pour s’en féliciter que la tension politique des derniers mois a baissé de plusieurs degrés. Certains attribuent cela à la fin de la session ordinaire de l’Assemblée nationale. Soit. Mais il y a également un autre facteur non moins important. Il s’agit de la stratégie politique de l’opposition qui a consisté à empêcher toute confrontation autre que verbale et démocratique. Analyse …
Beaucoup d’analystes avaient craint une dégradation de la situation politique avec en toile de fond un affrontement physique entre blocs politiques ou tout au moins entre forces de l’ordre et militants de partis politiques de l’opposition. Il faut dire que cela avait même commencé avec d’une part les étudiants et les forces de l’ordre, et d’autre part entre ces derniers et quelques citoyens présentés comme sympathisants du MODEN FA. Si pour les étudiants, ça n’avait rien à voir avec la politique, que c’était juste des revendications qui avaient tourné au vinaigre, il n’en est pas de même pour les seconds. Exprimant leur mécontentement suite à l’interpellation du coordonnateur régional Lumana Africa de Niamey, Soumana Sanda et 40 autres camarades, des individus avaient brûlé des pneus dans certaines rues. Heureusement, le maintien de l’ordre a permis de limiter les dégâts de ces mouvements d’humeur isolés. Pendant les 2 semaines que Soumana Sanda et les autres ont passées à l’école de police, les forces de l’ordre étaient déployées dans tous les coins du centre ville. Le camion à eau chaude était stationné en face de l’école de police ainsi que des policiers armés non pas avec des moyens classiques de maintien de l’ordre mais avec des armes à feu. Heureusement, les leaders de l’opposition politique, notamment, Hama Amadou dont le parti était le seul concerné, n’étaient pas dans une logique d’affrontement. Ils ont su calmer les ardeurs de leurs militants et sympathisants. L’apocalypse ne s’est pas produite. Pourtant, les choses ne devraient logiquement pas se passer ainsi. D’abord, le domicile du 4ème Vice-président de l’Assemblée nationale Mohamed Ben Omar est attaquée avec armes à feu au petit matin du 20 Mai 2014. L’intéressé s’est vite acharné à faire croire que cela était l’oeuvre de ses adversaires politiques, donc l’opposition. Le ministre de l’Intérieur Massaoudou Hassoumi est allé plus loin en affirmant que cette attaque venait du parti de Hama Amadou, raison pour laquelle le responsable de Lumana Niamey est arrêté. Dans le même temps, des cocktails Molotov ont explosé au siège du PNDS-Tarayya à Niamey. Là aussi, l’attentat est attribué au parti de Hama Amadou, le MODEN FA Lumana Africa. Des blessés sont alors exhibés à la presse comme un trophée. Une presse qui a tous les problèmes du monde pour accéder à l’hôpital national avec caméra. Mais ce jour-là, elle y a été conviée avec grand plaisir. Devant la presse, le médecin traitant Guémou Adamou a dit ceci :
« il y a 2 victimes, un qui est sérieusement brûlé sur une surface d’à peu près 40%. C’est un homme de la soixantaine (…) l’autre ça va beaucoup mieux, il a un peu moins de 10% ». Au siège du PNDS-Tarayya où il s’était rendu tôt le matin de l’attaque, le ministre du Pétrole, par ailleurs membre du bureau exécutif national du parti, Foumakoye Gado a confié aux journalistes ceci : « il y a eu 3 brûlés dont un très grave qui a eu tout le thorax, tous les membres supérieurs brûlés. Il ne s’agit pas d’une mascarade, il ne s’agit pas d’un montage, il s’agit bel et bien d’une attaque criminelle »
Outre la contradiction entre le médecin traitant qui parle de « 2 victimes » tandis que le ministre Foumakoye soutient le chiffre de « 3 brûlés », les plus vigilants ont pu constater sur les images rapportées par les télévisions ces quelques détails. Toute la partie supérieure du corps de l’homme « brûlé à 45% » ainsi que sa jambe gauche est recouverte de bande. Comment peut-on asphyxier des plaies fraîchement causées par le feu ? S’interrogent certains. On remarque également que certaines plaies montrées par les caméras ont déjà commencé à se cicatriser quelques 5 heures après les brûlures. Il faut dire que l’hôpital national est très fort pour obtenir de tels résultats.
L’un dans l’autre, un constat général se dégage. Ni le blocage des travaux de l’Assemblée nationale pendant 1 mois, ni l’emprisonnement des militants du MODEN FA n’ont créé de quelques troubles que ce soit dans le pays. L’attaque de chez Ben Omar, pas même celui du siège du PNDS-Tarayya n’ont suscité une vengeance pouvant compromettre la paix et la quiétude sociale. Les Nigériens sont restés fidèles à eux-mêmes, c’est-à-dire, tolérant et pacifiques jusqu’aux os. De même que les multiples interdictions des manifestations de l’opposition n’ont poussé celle-ci à braver l’autorité au risque d’affrontements dangereux pour le pays. L’ARDR est restée dans le cadre légal de l’Etat de droit et de la démocratie.
Ainsi, l’opposition en particulier, et les Nigériens de manière générale, a pu éviter le pire. Et tout porte à croire que l’ARDR est décidée à ne rien entreprendre qui puisse empêcher ou à tout le moins retarder les échéances électorales de 2016. Chose qui doit traumatiser le régime en place. Sûr qu’est Issoufou Mahamadou, qu’en cas d’élections libres et transparentes, de ne pas pouvoir battre Tandja Mamadou, Seïni Oumarou, Hama Amadou et Mahamane Ousmane qui se retrouvent dans le même camp. Traumatiser ? Oui ! Parce qu’en moins d’une année de premier scrutin, les locales, devant se tenir en 2015, rien ne semble bouger dans les préparatifs. Les membres du comité chargé du fichier électoral biométrique ne sont même pas connus à fortiori que le travail commence. Et si la stratégie politique de l’opposition est qu’il faut coûte que coûte aller à des élections en 2016, la seule alternative qui semble se poser au PNDS pour assurer la réélection du président Issoufou est un hold-up électoral dès le premier tour. Mais comment y arriver ?