Dans un entretien exclusif accordé à Nigerdiaspora, le journaliste et écrivain nigérien Seidik Abba revient sur les raisons de son départ de son poste de rédacteur en chef à Jeune Afrique et clarifie ses relations avec Hama Amadou et le pouvoir nigérien.
L’ex-chef du Bureau de Panapress, qui est par ailleurs chercheur associé à l’Université de Valenciennes, évoque aussi ses perspectives professionnelles.
Question : Différentes raisons ont été avancées ici et là pour expliquer votre départ de Jeune-Afrique. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Seidik Abba : Je n’avais pas prévu de m’exprimer publiquement sur ce sujet. Mais des amalgames nauséabonds, le torrent de haine, d’injures et de jalousie ainsi que la litanie de contrevérités m’ont convaincu de reconsidérer ma position initiale. Sachant que mon honneur et ma réputation ne peuvent être jetés aux chiens. Cela dit, Jeune Afrique et moi avons décidé d’un commun accord de mettre fin à la collaboration que nous avons entamée en octobre 2013. Cette rupture conventionnelle répond à des considérations internes au journal qu’il ne m’appartient pas d’exposer ici. Si j’avais quitté le journal pour avoir commis une faute, j’aurai fait l’objet « d’un licenciement pour faute grave ». Au risque de meurtrir ceux qui l’ont allégué avec une certaine jubilation, mon départ n’a absolument rien à voir avec le confidentiel publié par l’hebdomadaire sur l’extradition de Saadi Kadhafi dont je ne suis absolument pas l’auteur. Ce que les autorités nigériennes savent au demeurant. Ce départ n’a non plus rien à voir avec une prétendue demande formulée par le président Mahamadou Issoufou puis relayée auprès de M. Ben Yahmed par Anne Meaux. Cette allégation est complètement débile. Parce que je n’ai commis aucune faute et parce que j’ai assumé pleinement mes fonctions, l’ensemble de la rédaction m’a rendu un hommage unanime écrit et signé nominativement. Un des journalistes qui a travaillé sous ma responsabilité a d’ailleurs résumé ce sentiment général en ces termes : « En quelques mois, tu as apporté tout ce dont une rédaction a besoin : le savoir, l’expérience, l’ironie, l’humour… Tu nous laisses aujourd’hui le gout de l’injustice dont tu es victime. Respect éternel ». Un autre a écrit : « Maréchal, j’aurais souhaité te servir plus longtemps, et je salue au garde à vous l’excellent chef que tu es. A bientôt ». Je vous fais grâce des appréciations de mes chefs à moi sur « mes qualités humaines et professionnelles ». De mon petit village de Diffa à Paris, en passant par Haské, le Démocrate, Panapress j’ai construit ma carrière dans la douleur et la sueur ; elle ne peut être remise en cause par d’autres qui doivent encore faire leur preuve à eux. Je reçois tous les jours de témoignage d’estime, de reconnaissance et d’encouragement de compatriotes et d’Africains anonymes fiers de mes prestations sur France 24, TV5, RFI, Canal plus, BFM Business, Africa N°1, BBC Hausa, la Voix de l’Amérique en hausa… Vous comprenez donc que les élucubrations de quelques énergumènes ne m’affectent pas du tout.
Question : On vous présente aussi comme un journaliste proche de Hama Amadou et hostile au pouvoir nigérien. Qu’avez-vous à répondre ?
Seidik Abba : Je n’ai aucune relation autre que professionnelle avec le président de Moden-Lumana. En 13 années de métier de journaliste en France, je n’ai rencontré Hama Amadou qu’une seule fois à Paris. C’était en janvier dernier, en présence de Vincent Fournier, photographe à Jeune Afrique avec qui j’ai réalisé l’interview publiée plus tard dans Jeune-Afrique. J’ai ensuite interviewé en février de cette année avec un collègue le ministre d’Etat chargé des Affaires étrangères Mohamed Bazoum ; l’entretien a été publié dans l’hebdomadaire et sur le site internet. A l’occasion d’une enquête sur la menace que Boko Harma fait peser sur les pays voisins du Nigeria, j’ai interrogé le ministre nigérien de l’Intérieur Massaoudou Hassoumi dont les propos ont été également publiés dans Jeune Afrique. Je trouve totalement idiot de m’attribuer une proximité avec Hama Amadou et une hostilité à l’égard du pouvoir, à partir d’une simple interview. On ajoute même que Hama Amadou m’a donné de l’argent. Au nom du saint-coran, j’invite le président de l’Assemblée nationale ou toute autre personnalité de l’opposition nigérienne qui m’a donné le moindre cadeau à le dire publiquement ou à en donner la preuve aux instances de contrôle de l’éthique et de la déontologie des journalistes professionnels en France. J’invite aussi mes accusateurs à faire la même démarche, si tant est qu’ils croient au saint-coran. Je les aiderai moi-même à entrer en contact avec les instances de sanction des journalistes ; je leur rappelle du reste qu’ici une telle entorse à la déontologie suffit à entraîner le retrait pur et simple de la carte de presse. Pour eux, ce sera certainement plus efficace que de répandre maladroitement leur bile sur le net. Je réaffirme solennellement que je suis un journaliste indépendant, c’est-à-dire un professionnel capable de dire sur tout sujet c’est bon quand c’est le cas, c’est mauvais, quand il estime que c’est mauvais. Que l’appréciation porte sur le pouvoir ou l’opposition. Comme l’a si bien dit le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Niger, il ne peut y avoir d’un côté des journalistes du pouvoir et de l’autre des journalistes de l’opposition. A mon niveau professionnel, c’est à la fois clair et irrévocable.
Question : que comptez-vous faire après votre départ de Jeune Afrique ?
Seidik Abba : Certains ont annoncé avec une joie ostentatoire la fin de ma carrière professionnelle. Je prie Dieu de leur accorder longue vie parce qu’ils attendront encore longtemps avant de célébrer cet événement. Dès que l’information sur mon départ de Jeune Afrique s’est ébruitée, j’ai reçu deux offres de collaboration ici à Paris dans des publications de référence travaillant sur l’Afrique. J’y réfléchis encore. J’ai également reçu une proposition pour rejoindre une organisation internationale basée en Afrique de l’Ouest avec des bureaux en Afrique du Nord. Ces opportunités ne tiennent pas compte de la possibilité que j’ai de reprendre mes activités d’expertise auprès de l’OIF, de la BAD et de l’UNESCO. Comme je l’ai indiqué, lorsque Nigerdiaspora m’avait choisi comme Nigérien de la semaine, mon ambition est de donner espoir aux jeunes Nigériens en montrant qu’on peut partir de zéro comme moi et bâtir une carrière nationale puis internationale. Je suis fier d’avoir été le premier Nigérien journaliste à plein temps à Jeune-Afrique en plus de 50 ans d’existence de ce titre. C’est un fait historique que personne ne pourra effacer ; même si mon nom est Seidik Abba.