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Au nom de la morale religieuse et du principe de la présomption d’innocence consacré par la Constitution…
Publié le mercredi 2 juillet 2014   |  La Griffe


Bébés
© RFI par DR
Bébés nés à la maternité de Lagos, Nigeria.


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Depuis la semaine dernière, l’affaire dite des «bébés importés» est devenue le principal sujet de causerie de Nigériens. L’affaire est certes grave dans un pays jaloux de ses valeurs de civilisation et très rattaché à la religion musulmane.

Toutefois, force est de reconnaître que cette scabreuse affaire n’aura pas suscité un tel tollé et un tel déchaînement de passions, si elle n’impliquait pas les familles de certaines personnalités politiques dans ce contexte politique très tendu. En effet, qui peut empêcher à certains milieux du pouvoir de jubiler en apprenant qu’une des épouses du Président de l’Assemblée nationale est impliquée dans cette affaire ? Qui peut aussi empêcher à un partisan de Mahamane Ousmane de se frotter les mains en entendant le nom de l’épouse du Ministre d’Etat Abdou Labo parmi les personnes soupçonnées de s’être livrées à un trafic des bébés ? Nous sommes au Niger où, malgré leur promptitude à se réclamer de la religion musulmane, beaucoup de personnes ne s’empêchent pas de jouir du malheur de leur adversaire. On a même vu des gens qui ont dansé en apprenant l’assassinat de l’ancien Président Baré Maïnassara, avant de se rendre deux (2) heures plus tard dans les mosquées pour la prière du vendredi. Pour revenir à cette affaire dite des «bébés importés», depuis la semaine dernière, elle fait l’objet d’un véritable tintamarre, aussi bien de la part des médias, de la société civile que des simples citoyens. Mais le hic c’est quand certains intervenants essayent déjà d’établir la culpabilité des personnes mises en cause, alors même que la procédure judiciaire engagée contre ces personnes n’est pas bouclée. Ainsi, on a vu et entendu des responsables de certaines associations s’offrir des longs temps d’antenne sur certains médias de la place pour s’approprier cette affaire des «bébés importés» et s’ériger en véritables justiciers.

Que visent réellement ces Nigériens qui, sans attendre les résultats de l’enquête judiciaire, cherchent coûte que coûte à diaboliser d’autres Nigériens qui ne sont, pour le moment, que soupçonnés d’avoir commis les faits qui leur sont reprochés ? En tout cas, même la religion musulmane à laquelle ces Nigériens veulent se référer, pour sans doute embarquer la population dans leur jeu, n’a jamais demandé de condamner quelqu’un sur la base des simples soupçons. Au contraire, elle a même prévu des châtiments à quiconque se base sur des faits non établis pour accuser quelqu’un. Mieux, l’Islam recommande que vous souteniez votre frère, lorsqu’il est en difficulté ou, à défaut de le laisser dans sans sa situation, mais pas de chercher à l’y enfoncer davantage. Quand on vient sur le terrain de la loi des hommes, sur lequel aussi les mêmes intervenant essayent de s’aventurer, la Constitution nigérienne a consacré le principe de la présomption d’innocence à l’alinéa 1 de son article 20 qui stipule que : «Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées». Dans le cas de cette affaire dite des «bébés importés», toutes les personnes mises en cause ont seulement été auditionnées par la Police judiciaire et le juge chargé du dossier, qui a choisi de les placer sous mandat de dépôt en attendant leur comparution devant un tribunal qui va les juger. D’ailleurs, lors de son point de presse du samedi dernier, le Procureur de la République adjoint lui-même a indiqué que l’enquête n’est pas terminée. On peut donc légitimement se demander sur la base de quelles preuves matérielles ceux qui tentent de culpabiliser ces personnes se basent. Le Procureur de la République adjoint aurait dû d’ailleurs rappeler à ceux qui ne les connaissent pas ou qui semblent les ignorer cet important article 20 de la Constitution relatif à la présomption d’innocence et le 11 de la même Constitution qui proclame que : «La personne humaine est sacrée. L’Etat a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger». Qu’on se place donc du côté de la religion musulmane ou du droit positif, on ne peut, au stade actuel du traitement de leur dossier, culpabiliser et jeter à la vindicte populaire toutes les personnes citées dans cette affaire des «bébés importés».


H.A

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