L’affaire dite des bébés importés place le Niger sous les feux de la rampe. Au plan national comme international, un tel sujet domine l’actualité. S’exprimant sur les ondes d’une radio étrangère au sujet de ladite affaire, un haut responsable politique du Nigeria, un Député s’est dit très indigné d’apprendre que des responsables politiques de haut niveau au Niger seraient impliqués dans l’achat de ces bébés.
Ce dernier estime qu’en plus des poursuites judiciaires contre les auteurs et leurs complices, qui sont normales, l’Etat Fédéral du Nigeria doit demander dans les meilleurs délais le rapatriement des bébés importés au Niger. Nul ne peut donner avec exactitude le nombre des bébés importés au Niger depuis le début de ce trafic. Au Nigeria, l’opinion publique porte à cinquante deux le nombre des bébés ‘’achetés’’ par des couples nigériens, auprès de la «Baby factory», alors qu’au Niger on a connaissance seulement que d’une vingtaine des bébés sur lesquels porte encore les investigations. En outre, on n’ignore si tous ces bébés sont encore en vie ou s’ils résident tous sur le territoire nigérien. Une certaine opinion pense à tort ou à raison que ces genres de bébés sont assez souvent ‘’achetés’’ non pas pour intégrer des familles et devenir des dignes héritiers mais pour y être utilisés à des fins charlatanesques, indique-t-on dans certains milieux.
Seules des investigations très poussées peuvent permettre de connaître les motivations profondes qui président à ce trafic des bébés. C’est en cela qu’il faut saluer l’enquête ouverte par le procureur de la république. En termes clairs, le trai- tement judiciaire de ce dossier aura le mérite de mettre à nu une autre sale pratique dont en parle très peu autour du trafic des bébés. Les investigations menées par la police dans le cadre de cette affaire ont permis pour l’instant d’arrêter 31 personnes, toutes poursuivies pour infractions diverses à savoir : «la supposition d’enfants», «faux et usage de faux» et «déclarations mensongères», relève-ton du côté de la justice. Actuellement, dix-huit d’entre elles sont déférées à la prison civile de Kollo. Samedi dernier, le Procureur ad joint de la république, Samna Chaïbou a lors d’un point de presse donné plus de lumière sur ce dossier afin de mettre fin aux supputations en cours autour de ces arrestations.
Le procureur adjoint a relevé qu’aucune des femmes arrêtées ne présentait avant son accouchement des signes évidents d’une grossesse et celles-ci n’ont jamais effectué des consultations prénatales au Niger. Ces bébés auraient été tous conçus ailleurs avant d’être acheminés au Niger par des parents demandeurs, par l’entremise d’un réseau qui a ses tentacules au Niger, au Bénin et au Burkina Faso. Devant la gravité de l’affaire la justice nigé – rienne est déterminée à aller jusqu’au bout, en dépit des obstacles politiques dressées çà et là. L’affaire en question n’a aucune connotation politique a laissé entendre le procureur de la république, qui a appelé au passage les uns et les autres à cesser tout amalgame tendant à assimiler ce dossier à un quelconque règlement de compte politique, a-t-il expliqué en substance.
Une telle opinion est largement partagée dans plusieurs milieux politiques proches de l’opposition et du président de l’Assemblée nationale, dont l’une des épouses est accusée d’avoir acquis ses deux jumeaux auprès de la «baby factory». L’épouse de celui-ci est actuellement en détention, au même titre que les autres femmes citées dans ce scandale et leurs époux sont également arrêtés pour complicité. Il est im – portant de souligner qu’aucun des époux ne peut prétendre méconnaître le procédé d’acquisition desdits bébés. Dans les débats des rues suscitées par cette affaire, il n’est pas rare d’entendre certaines personnes déclarer tout de go que l’épouse de Hama Amadou est seule responsable pour avoir financé elle-même l’acquisition de ses jumeaux. Soit ! Nul ne peut tout de même nier le fait que l’époux de cette dernière a une part de responsabilité en organisant tambour battant le baptême de leurs nouveaux nés.
Mieux, ces enfants portent son nom, en atteste d’ailleurs les do cuments d’état civil qui leur ont été élaborés dans des conditions frauduleuses, indique-on. C’est le cas du ministre d’Etat Abdou Labo, dont l’une des épouses a acquis un bébé dans les mêmes circonstances que l’épouse de Hama Amadou. Cette dernière a été déférée à la prison civile de Kollo en même temps que les au tres femmes soupçonnées. A la date d’aujourd’hui seuls Hama Amadou et Abdou Labo ne sont pas encore inquiétés en rai- son de leurs statuts politiques. L’un exerce les fonctions du président de l’Assemblée nationale et l’autre celles du ministre d’Etat, en charge de l’agriculture. Pour entendre ces derniers dans le cadre de cette affaire, la justice sera obligée de demander leur mise en accusation, seul acte po litique qui va les priver de leur immunité. Sans quoi, on peut être sûr que les autres époux arrêtés
et leurs avocats vont monter au créneau pour dénoncer une sorte de deux poids deux mesures.
Toute chose qui va finir par enlever à la poursuite judiciaire tout son sérieux. Du côté de la communauté internationale également, les yeux restent braqués sur les plus hautes autorités du pays dont la crédibilité extérieure est désormais en jeu par rapport à la suite de cette sale affaire. Hama Amadou et Abdou Labo seront-ils concernés par l’enquête ? Ce dossier connaitra-t-il le même sort que l’affaire des fausses factures ? Les intérêts politiques auront-ils raison de la justice ? Ce sont autant de questions qui sont sur toutes les lèvres depuis l’ébruitement de ce scandale.