L’une des plus grandes équations que le président de la République Issoufou Mahamadou doit résoudre ces jours-ci, ce n'est pas les incertitudes qui planent sur la saison agricole mais bien comment régler le cas Abdou Labo depuis le déclenchement de cette sale affaire de « bébés stigmatisés ». L'épouse du ministre de l'Agriculture est à la prison de Kollo, accusée de « supposition d'enfants en d'autres termes du trafic de bébés.
De facto, Abdou Labo est complice dans cette accusation qui frappe son épouse. Pourtant il continue de siéger dans le gouvernement. Et c'est là tout le souci du régime. Pour donner une bonne vraisemblance à la procédure judiciaire engagée dans ce qu'il convient d'appeler « l'affaire des bébés stigmatisés », il a été nécessaire d'impliquer certains ténors du régime dont le ministre Labo. Selon l'avocat de l'épouse et de la sœur de Hama Amadou, maître Souley Oumarou, cette affaire a été ficelée au cours d'une réunion tenue à la primature avec la participation de magistrats en fonction. Dès lors, il est inconcevable que le régime ignore que ladite affaire va éclabousser ses propres proches. Donc, Guri System a volontairement décidé de « sacrifier » quelques proches dans l'espoir d'atteindre la cible principale à Hama Amadou, président de l'Assemblée nationale et du MODEN FA, deuxième formation politique de l'opposition.
Mais visiblement, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu puisque le ministre de l'Agriculture n'a pas voulu démissionner de lui-même.
Or, aucun gouvernement sérieux ne peut garder en son sein une personne dont l'épouse est accusée d'un crime aussi grave que le trafic d'être humain et que lui-même en serait complice.
Maintenant, comment mettre Abdou Labo à la disposition de la justice. Cela est très simple du point de vue juridique. En effet, l’article 144 de la Constitution du 25 novembre 2010 stipule: « La mise en accusation du Président de la République est votée par scrutin public à la majorité des deux tiers (2/3) des députés composant l’Assemblée nationale. La mise en accusation d’un membre du Gouvernement est votée dans les mêmes conditions, à la majorité absolue. »
Ainsi, pour mettre en accusation Abdou Labo, le président lssoufou n'aura qu'à le limoger et le gouvernement demande sa mise en accusation à l'Assemblée nationale. Là, il suffit que 57 députés votent la mise en accusation pour qu'elle soit effective. Un nombre de voix très facile à obtenir pour un régime qui dispose de 69 députés au parlement. Donc, du point de vue juridique, aucun obstacle ne se pose. Cependant, vu d'un œil politique, ce n'est pas aussi simple que ça en l'air. Abdou Labo, vice-président du CDS-Rahama, parti de l'opposition, est l'un des premiers soutiens du candidat lssoufou Mahamadou. Alors que le CDS-Rahama de Mahamane Ousmane a appelé de voter pour le candidat du MNSD-Nassara Seïni Oumarou, Abdou Labo va créer une véritable fronde au sein du parti. Avec le soutien d'autres Vice-présidents du parti, il va œuvrer- corps et « âme » à la victoire de Mahamadou lssoufou au deuxième tour des présidentielles de 2011. Ce qui fût fait. Mieux, nommé ministre d'Etat à l'intérieur dans le premier gouvernement du président lssoufou, Abdou Labo va peser de tout son poids pour déstabiliser son propre parti politique, le CDS-Rahama au profit du parti au pouvoir, le PNDS-Tarayya du président lssoufou. C'est ainsi qu'à son corps défendant, le CDS s'est retrouvé dans d’interminables procédures judiciaires qui n’ont pas encore connu leur épilogue.
Ce rappel des faits est nécessaire pour comprendre l’embarras dans lequel se trouverait le président de la République lssoufou Mahamadou.
Etant entendu qu’il est hors de question de continuer de garder Abdou Labo dans le gouvernement, le limoger apparaîtrait comme une sorte de trahison à son égard. Pire, cette éventualité risque d’ameuter tous les autres soutiens du président lssoufou notamment, les transfuges des partis de l’opposition l’ayant rejoint. Ces derniers, risquent, et à juste titre, de se dire que leur moment de disgrâce va probablement arriver un jour ou l'autre. Il est vrai que la perte du sieur Labo n'a pas de véritable conséquence électorale car le poids de l’homme en la matière ne vaut pas grand-chose. Mais le sacrifier pieds et poings liés sur l’autel de l’implacable lutte contre Hama Amadou pourrait créer une turbulence dans le Boeing de la Renaissance. Déjà mécontents, d'autres dissidents pourraient se résoudre à regagner leurs partis politiques d’origine pour éviter de se retrouver dans une situation similaire à celle du ministre Labo. Et compte tenu du fait que pour beaucoup de dissidents, leur soutien au Guri System est guidé par un espoir d'impunité relativement aux indélicatesses qu’ils auraient commises antérieurement. Comme on peut le voir, cette affaire de « bébés stigmatisés »risque de poser d'énormes problèmes à ceux qui l’ont suscitée, ébruitée et menée. Pire, il pourrait même n'apporter aucun gain pour le régime du président Issoufou. Car même dans le cas où la culpabilité des personnes mises en cause venait à être établie, la principale cible, Hama Amadou, semble hors de portée. Au pire des cas, son épouse pourrait continuer de garder prison mais pour que lui, soit atteint, il faudra lever son immunité parlementaire. Chose extrêmement difficile puisqu’il faut avoir l'aval de 76 députés pour le faire. Et si le pouvoir avait à, son compte 76 parlementaires, soyez sûrs, que Hama Amadou ne serait pas en ce moment président de l’Assemblée nationale. Une motion de défiance l'aurait emporté depuis la dernière ‘session du parlement. Ce qui laisse penser que cette histoire de « bébés stigmatisés » pourraient coûter plus cher à la majorité qu'à l'opposition.