Ce mois béni de Ramadan est venu apporter la preuve que la crise politique est allée loin, très loin. Le fossé est désormais très profond entre les acteurs de la classe politique nigérienne. C’est devenu une tradition pour le président lssoufou Mahamadou, d’inviter, à l’occasion de chaque Ramadan, les différentes couches socioprofessionnelles du pays à rompre le jeûne à la présidence de la République.
Comme aux éditions précédentes, cette année aussi, les chefs des institutions, les membres du gouvernement et les élus étaient les premiers à passer à table. A la différence que cette fois, le président de l’Assemblée nationale, Hama Amadou, les députés membres des groupes parlementaires de l’opposition et les leaders de l’ARDR dont le chef de file de l’opposition Seïni Oumarou ont, tous, brillé par leur absence. Les raisons de ce boycott sont connues de tous.
Le cas Hama Amadou
Tout président de l’Assemblée nationale, deuxième personnalité de l’Etat, qu’il est, Hama Amadou a, dans les geôles du Guri system, sa deuxième épouse, ses amis et fidèles compagnons politiques. Son fils a aussi séjourné une dizaine de jours entre les mains du pouvoir, de même que la sœur du président du MODEN FA a goûté à la privation de liberté sous le règne de celui dont le soutien de Hama Amadou a permis l’élection à la présidence de la République.
Depuis mai 2014, le président de l’Assemblée nationale est dépouillé de sa garde rapprochée. Il n’a plus d’agents de sécurité que ce soit à son domicile ou à ses bureaux. Pire, il y a quelques semaines, le président du MODEN FA a affirmé avoir échappé à une tentative d’empoisonnement. Dès lors, on peut facilement comprendre qu’il ne saute pas de joie lorsqu’on l’invite à manger ailleurs que chez lui. Ça c’est concernant le seul Hama Amadou.
Pour les autres leaders de l’opposition ARDR, notamment, Seïni Oumarou et Mahamane Ousmane, tous souffrent dans leur chair la division créée au sein de leurs formations politiques respectives depuis que le président de la République a nommé leurs militants au gouvernement sans le consentement des bureaux politiques nationaux.
Le cas Seïni Oumarou
Depuis cette décision du président lssoufou, la sérénité n’est plus revenue au MNSD-Nassara. On voit des militants de ce parti sortir sur les médias pour vilipender le président Seini Oumarou dont ils se réclament toujours du parti. Pour ceux qui seraient tentés de croire que l’absence de Seïni Oumarou à l’invitation d’lssoufou Mahamadou n’est qu’un manque de courtoisie et d’intolérance doivent se rappeler plusieurs choses.
D’abord, le président du MNSD-Nassara est réputé être un fervent musulman. Un homme modéré, calme et respectueux des valeurs morales, sociales et religieuses. Seïni Oumarou a été l’un des premiers à se déplacer chez lssoufou Mahamadou pour le féliciter lorsque celui-ci a été déclaré vainqueur des élections qui l’ont justement opposé à Seïni Oumarou. Le président Seini était également à l’investiture du président lssoufou le 7 avril 2011. Mieux, au début de la législature, il avait accepté de participer à des rencontres mensuelles avec le président de la République pour échanger sur la marche du pays. Et c’était Seïni qui se déplaçait à la présidence.
Donc on ne peut pas dire que le chef de file de l’opposition est contre la présidence d’lssoufou Mahamadou.
Mais que voulez-vous ? Lorsque quelqu’un essaie de détruire ce que vous avez de plus cher en l’occurrence le MNSD-Nassara, que pouvez-vous faire sinon que tenter de vous protéger en mettant une certaine distance entre vous et cette personne ?
Le cas Mahamane Ousmane
Le président du CDS-Rahama est la première victime politique du Guri system. Avant même d’accéder au pouvoir d’Etat, le PNDS-Tarayya a réussi à diviser profondément le parti de Mahamane Ousmane. C’est à la veille du deuxième tour des présidentielles de 2011 que le Vice-président du CDS Abdou Labo a créé une véritable dissidence au sein du parti. Alors que Mahamane Ousmane et le bureau politique national décidaient de soutenir le candidat MNSD-Nassara, Seïni Oumarou, Abdou Labo a préféré prendre le contre pied en soutenant le candidat du PNDS-Tarayya lssoufou Mahamadou.
ll parvint à rallier à sa fronde quelques autres Vice-présidents et depuis lors, le parti de Mahamane Ousmane est divisé plus que jamais. Une interminable procédure judiciaire s’engage alors. A la date d’aujourd’hui, le parti est scindé entre aile Mahamane Ousmane et aile Abdou Labo.
Comment veut-on que le président du CDS réponde à une invitation du président lssoufou ? Précisons que c’est la démission de ce dernier à la primature en 1994 qui a fait basculer le régime de Mahamane Ousmane alors président de la République démocratiquement élu.
C’est dire que tous ces partis ont de bonnes raisons de couper les ponts avec le président lssoufou. Ceci dénote aussi du niveau culminant que la mésentente a atteint entre ces leaders politiques et le chef de l’Etat. Les premiers ne semblent plus disposer à offrir la moindre occasion au second pour les « achever » politiquement ayant déjà réussi à porter un coup dur à leurs partis politiques respectifs.
Et le plus grand perdant de ce désamour politique sera certainement le président de la République lssoufou Mahamadou.
Au Niger, il y a 4 grandes formations politiques qui se partagent le pouvoir depuis la démocratisation du pays dans les années 90. Il s’agit du PNDS-Tarayya, du MNSD-Nassara, du CDS-Rahama et désormais du MODEN FA. La parenthèse Baré Mainassara mise à part, ces 4 partis ont été directement ou indirectement à la base de toutes les victoires électorales des 20 dernières années dans notre pays. Aujourd’hui, tous les 3 se retrouvent dans un camp avec en face le seul PNDS-Tarayya. ll n’y a pas match.
