La visite de François Hollande à Niamey, vendredi 18 juillet, a été l'occasion pour lui de réaffirmer son « amitié » pour son homologue Mahamadou Issoufou. Le président français, venu officialiser le lancement de l'opération Barkhane a salué, « un pays qui veille à préserver la démocratie et à respecter le pluralisme ». Il a évoqué l'accord conclu en mai avec Areva, mais n'a rien dit du climat politique de ces derniers mois. Hama Amadou, président de l'Assemblée nationale du Niger, à la tête du le Moden Fa Lumana, est le numéro un de l'opposition. De passage à Paris, il est l'invité de RFI.
« L'impression que nous avons, c'est que le président [Mahamadou] Issoufou fait une fixation sur mon parti et sur ma personne. Chaque mois, un dossier sort qui tend à vouloir m'impliquer ou m'incriminer. »
RFI : Le Niger devient, avec l’opération Barkhane, l’un pilier du dispositif antiterroriste de la France au Sahel. C’est là que seront installés les drones, l’essentiel des moyens de renseignements. Quel est votre regard sur cette opération ?
Hama Amadou : Il est tout à fait naturel que le Niger qui constitue en quelque sorte le verrou du problème de la sécurité, puisque le Niger est au carrefour de toutes les insécurités, que l’opération Barkhane s’appuie puissamment sur le Niger. Je ne crois pas qu’un Nigérien, de quelque bord politique qu’il soit, puisse trouver quelque chose à redire par rapport à ça puisque nous sommes tous conscients de la fragilité de nos capacités d’autodéfense.
Il y a quelques mois, vous déploriez que l’installation d’une base militaire française au Niger n’ait pas fait l’objet d’une concertation nationale.
Nous ne sommes pas informés du contenu et des conditions sur la base desquels cet accord a été signé. Il est important que cet accord soit soumis à la ratification de l’Assemblée nationale.
Ce qui est prévu ?
Je ne sais pas. Comme vous le savez, les relations entre moi et l’Exécutif ne sont pas des plus excellentes.
Le 26 mai 2014, le gouvernement et Areva sont parvenus à un accord sur l’exploitation de l’uranium du Nord. Une partie de la société civile s’est montrée critique sur cet accord. Vous semble-t-il équilibré ?
Cet accord, de notre point de vue est incomplet.
Le fait que l’exploitation du gisement géant d’Imouraren soit à nouveau reportée ?
Cela m’inspire des inquiétudes légitimes. Le site de Cominak est en voie d’épuisement, probablement d’ici deux ans. Et si la Cominak ferme sans qu’Imouraren ait démarré, cela signifie des pertes d’emplois énormes. Le protocole d’accord qui a été signé ne fait pas cas de cette difficulté qui se profile à l’horizon.
Est-ce que, à la fois avec les accords de sécurité et avec cet accord sur l’exploitation d’uranium du Niger, vous diriez que s’instaure une forme de néocolonialisme ?
Ce sont des termes qui ne sont pas appropriés. Malheureusement, les habitudes ont la peau dure. Areva campe sur des positions qui lui sont favorables. Le Niger a-t-il les moyens de forcer véritablement la main d’Areva ?
En août 2013, vous aviez claqué la porte de la coalition gouvernementale. Et depuis cette rupture, le climat politique s’est fortement dégradé entre vous, vos partisans et ceux du président Mahamadou Issoufou. Comment l’expliquez-vous ?
L’impression que nous avons c’est que le président Issoufou fait une fixation sur mon parti et sur ma personne. Chaque mois, un dossier sort, qui tend à vouloir m’incriminer ou m’impliquer.
Au mois de mars : une volonté marquée de me débarquer du perchoir. Et malheureusement, il faut 76 députés pour débarquer le président de l’Assemblée nationale. Des députés ont été intéressés financièrement, intéressés à travers des postes, intéressés à travers des marchés publics. Et malgré tout, ils n’ont pas pu éroder la cohésion des députés de l’opposition restants qui constitue une minorité de blocage.
Au mois de juin : 56 membres de mon parti ont été arrêtés, gardés pendant dix jours, ensuite transférés devant le tribunal. Le juge d’instruction en a gardé six sous mandat de dépôt, a mis en liberté provisoire les autres, parmi lesquels mon fils.
L’ancien ministre de la Santé, Soumana Sanda, l’ancien maire de Niamey, Oumarou Dogari ?
Oui. Ils sont actuellement en prison, accusés de complot contre l’autorité de l’Etat, mais sans aucune preuve. Toutes ces actions, pensent-ils, sont menées uniquement dans la perspective des élections de 2016. Il faut se débarrasser d’un adversaire qui peut être très gênant.
Que répondez-vous malgré tout à ces accusations – très graves – de création d’une campagne de terreur devant aboutir à un putsch militaire comme l’a dit le ministre de la Justice ?
La moindre des choses, dans un Etat de droit, c’est d’apporter quelques éléments de preuve. Est-ce qu’au niveau de l’armée ils ont de gens qu’ils accuseraient de vouloir faire un coup d’Etat ? Quel est le lien qui puisse justifier cette déclaration entre moi et des militaires, entre mon parti et des militaires ?
Jeudi dernier, le président Mahamadou Issoufou déclarait : « Il n’y a pas de crise politique au Niger, il y a juste des débats. C’est le signe de la vitalité démocratique du pays ».
Tous les Nigériens sont conscients que le climat politique actuel est délétère. L’Etat de droit souffre gravement !
Le nom de votre deuxième épouse est cité dans cette affaire de trafic présumé d’enfants qui a fait la Une il y a quelques semaines. Elle est actuellement incarcérée ?
Dans cette action présumée de trafic d’enfants aucun élément n’a été fourni pour l’étayer !Donc pour moi c’est un dossier politique comme les autres. Parler de trafic d’enfants, il eu fallut qu’on nous dise au Nigeria le réseau a été démantelé, les responsables arrêtés, que ces responsables interrogés puissent dire : nous avons vendu des enfants à telle, telle famille.
Lors de la dernière présidentielle en 2011 vous étiez arrivé en troisième position, 2016 c’est très bientôt. Vous avez envie de vous porter candidat ? De défendre les couleurs de votre parti ?
En 2016, je compte arriver en première position ! Je ferai de mon mieux pour être en face de lui (Mahamadou Issoufou, NDLR) en 2016.
Donc vous nous annoncez votre candidature aujourd’hui ?
Mais bien sûr ! Sauf si la démocratie consiste à dire : celui qui est élu est le roi et personne ne devrait se présenter contre lui jusqu’à ce qu’il cesse d’être, après son deuxième mandat, candidat.
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