Lors d'une célèbre « conférence de presse internationale » qu'il avait animée dans les années 1980 devant 200 journalistes des cinq continents, M. Félix Houphouët-Boigny, alors Président de la République de Côte d'Ivoire, avait répondu à ceux qui lui demandaient pourquoi il n'écrivait pas ses Mémoires : « Il y a deux grands hommes qui n'ont jamais rien écrit, pas un mot, et pourtant ils sont les plus lus au monde : Mohamed et Jésus. Vous me direz qu'ils ont fait écrire par leurs disciples mais vous êtes là, jeunes et vieux, disciples de mon action... ».
L'ancien Président de la République du Niger, M. Mamadou Tandja, aurait pu faire siens ces propos de Houphouët-Boigny ; mais Salou Gobi vient de l'en dispenser. En effet, ce journaliste et ancien membre de deux Gouvernements du régime Tandja vient de se pencher sur la vie et l'œuvre de l'ancien Président dans un livre paru en juin 2014 aux biens nommés « éditions L'Héritage ».
Ce livre de 185 pages est intitulé « Mamadou Tandja : Regards croisés » et il est préfacé par l'ancien ministre nigérien Aminou Tassiou, qui estime que « le récit des faits décrits tout au long de cet ouvrage et leur analyse contribueront (...) à éclairer davantage l'opinion sur cette phase importante de la vie politique nigérienne ».
Et M. Aminou Tassiou de saluer «l'effort de conceptualisation » de Salou Gobi.
A dire vrai, le terme « Regards croisés» renvoie plus à une comparaison de la méthode et des choix de M. Mamadou Tandja avec une autre gouvernance qu'à des échanges entre l'ancien Président et son ancien ministre ou à des témoignages circonstanciels et circonstanciés sur la vie et l'œuvre du grand homme. Il est aussi beaucoup question, dans le livre de Salou Gobi, de complots, de trahisons, de brouilles politiques internes et de manœuvres subversives étrangères pour expliquer «le rêve brisé » de M. Mamadou Tandja.
Et, puisque Gobi cite des noms, certains de ses lecteurs apprendront ainsi quels seraient les personnalités, partis politiques, syndicats et ONG ainsi que les puissances étrangères qui auraient provoqué la chute de M. Mamadou Tandja ; un homme d'Etat qui, assure Salou Gobi, est « un socialiste à la tête d'un parti de droite» et qui aurait même «voulu instaurer au Niger ''un Etat des masses''» à la Kadhafi. Pire, les lecteurs apprendront que le complot ourdi contre M. Mamadou Tandja remonterait au moins aux lendemains de sa réélection, en 2004, et surtout de la confirmation de M. Hama Amadou au poste de Premier ministre ! Certes, le livre nous apprend que l'auteur aurait demandé en vain (quand donc ?) à
M. Mamadou Tandja de surseoir au «Tazartché » ; mais, nulle part dans le livre, le Président Tandja lui-même ne parle à la première personne du singulier, sous la forme directe ou avec citations et guillemets.
A moins que Gobi ait fait siennes la pensée et l'œuvre du Président Mamadou Tandja au point d'en parler lui-même, dans son livre, en écrivant ici et là « Je ». Il est vrai que Salou Gobi a une excuse : le bilan de Mamadou Tandja est aussi, quoi qu'on en dise et qu'on en pense, celui de ses ministres. Et, fort heureusement, Gobi compare surtout les modes de gestion du pouvoir d'Etat, évitant le piège de mettre dans la même balance un bilan de dix ans d'actions et un bilan de trois ans de gestion seulement.
Mieux, comme pour tirer un enseignement de tout ce qui précède, Salou Gobi est « de ceux-là qui pensent qu'il est nécessaire d'instaurer et de veiller à l'éthique en politique » et il affirme - ce qui est encore mieux – qu'il faut un « sursaut national » : « seule une chaîne de solidarité nationale, auréolée par le dépassement de soi, et la cohésion sociale dans une unité sacrée du peuple nigérien autour des questions de développement et des richesses du sous-sol peuvent servir de rempart pour lutter efficacement contre les velléités hégémoniques des grandes puissances».
Que souhaiter de plus sinon - après ce livre-ci et le tout premier de Salou Gobi (paru en 2002 et intitulé « Le destin nigérien : le douloureux enfantement de la 5ème République ») - un troisième opus de Salou Gobi, avec plus de révélations et de tonus !