Monsieur le directeur général, depuis le lundi, un peu avant de 22 heures, les populations nigériennes ont vécu un arrêt brusque de la fourniture en électricité. Qu’en est-il réellement ?
Effectivement, le lundi 28 juillet 2014, jour de l’Aid El Fitr, à exactement 21h21, nous avons enregistré une coupure générale sur le réseau électrique desservant la zone ouest de notre pays dite zone du fleuve dans notre jargon.
Un réseau électrique est une sorte de vaste toile d’araignée qui se répand sur plusieurs centaines de kilomètres où une panne peut survenir à n’importe quel point. Quand il y a coupure, tout le tronçon concerné est isolé par les appareils de protection. Il faut alors entreprendre des recherches pour identifier la panne.
Dans le cas d’espèce, le tronçon en défaut est la ligne 330KV qui part du barrage de Kandji à la ville de Birnin Kebbi au Nigéria. Elle a une longueur de 310km, ne longe pas les routes, et certaines parties sont en pleine forêt. Elle compte 765 pylônes. Il faut donc faire le parcours en passant par chaque pylône, qu’il faut inspecter avec des jumelles pour identifier un éventuel défaut. C’est ce travail que les équipes mixtes TCN (Transmission Company of Nigeria) et NIGELEC sont en train de faire depuis le mardi matin.
Quelles sont les zones touchées et pourquoi ?
La ligne en défaut arrive au poste électrique de Birnin Kebbi à partir duquel sont alimentés les Etats de Kebbi, Sokoto et Zanfara au Nigéria, et la zone fleuve du Niger qui couvre les régions de Dosso, Niamey et Tillabéry. En l’absence de la ligne, NIGELEC met en marche toutes ses capacités propres de production dans chaque localité, mais qui ne suffisent pas à couvrir toute la demande. Le taux de couverture moyen dans la zone varie de 55 à 80% selon la période de la journée.
Monsieur le Directeur général, y’a-t-il espoir de rétablir assez rapidement la distribution du courant ?
Les équipes sur le terrain ont bouclé les recherches. Aucun pylône n’est cassé, ce qui est la première bonne nouvelle, car c’est sur cette même ligne qu’on a enregistré la casse de 4 pylônes l’année dernière. Les équipes de recherche ont enregistré des isolateurs cassés sur trois pylônes et présentement elles sont en train de les remplacer. Dès la fin de ces travaux, on pourra reprendre la ligne, au plus tard ce vendredi, Inch’ALLAH.
Depuis l’année dernière, dans la même période, les populations ont vécu, la peur au ventre, d’assister à une interruption de la régularité de la fourniture d’électricité.
Quelles sont les mesures que vous comptez mettre en œuvre pour qu’elles ne vivent plus jamais ça ?
Je trouve que vous exagérez un peu. L’absence de l’électricité n’est pas de nature à mettre en péril la vie des hommes. Au Niger, seulement 12% de la population a accès à l’électricité, et pourtant les 88% restants sont vivants. C’est vrai que dans certains cas, des risques existent comme un malade en salle d’opération par exemple. C’est pourquoi la priorité des priorités, en cas de coupure, c’est la reprise des hôpitaux, avant même le Palais présidentiel, contrairement à ce que l’opinion peut penser. Ce sont des normes universelles dans notre métier. Ce qu’il faut dire, c’est que des normes existent qui imposent, même dans les pays où les coupures sont rarissimes voire inexistantes, que certains lieux soient obligatoirement équipés de groupes électrogènes toujours fonctionnels. Ce sont les blocs opératoires des hôpitaux, les stations de pompage, les grands immeubles avec ascenseurs, les aéroports, etc. Mais ici, souvent les groupes n’existent pas ou ne sont pas opérationnels (faute d’appoint en carburant quelquefois) et la responsabilité est imputée à NIGELEC.
Les mesures d’atténuation que nous prenons, c’est d’assurer que la puissance disponible soit supérieure à la demande maximum de l’année. C’est pourquoi chaque année, depuis 2012, nous augmentons la puissance de location, en attendant la réalisation des projets en cours. Mais s’il survient une panne, de nature imprévisible, qui affecte la principale source d’approvisionnement, on subit.
Monsieur le directeur général, dans l’optique d’optimiser sa production, n’est-il pas important voire nécessaire, pour votre société de prospecter et d’inclure d’autres alternatives telles que l’énergie solaire?
Le Programme de Renaissance du Niger a fait une analyse des potentialités énergétiques dont disposent notre pays et, DIEU merci, le Niger dispose de toutes les sources de production d’électricité. Ces sources ont été classifiées par ordre croissant du coût de production du kWh. En premier lieu, il y a l’hydraulique; en 2ème position, il y a le charbon ; le solaire et le fuel viennent respectivement en 3ème et 4ème positions.
Il a été retenu de développer les projets dans cet ordre et les plus prioritaires sont Kandadji (hydraulique) et Salkadamna (charbon). L’objectif, tel qu’il a été explicité dans le programme, est de réduire le coût du facteur Energie (ainsi que celui du facteur Transport avec le rail et les routes) ce qui contribuera à rendre l’économie nigérienne compétitive.
Si le projet de centrale thermique de Gorou Banda (Fuel) a été lancé par le Gouvernement dès son installation, c’est face à la gravité de l’héritage : les groupes équipant les centrales existantes à Niamey datent de 1982-83 (moi qui assume aujourd’hui, j’étais en classe de 5ème). Il était donc urgent de sécuriser l’alimentation électrique de la capitale en attendant l’avènement des deux premiers projets qui, de par leur taille et les financements requis, prendront plus de temps. La Centrale de Gorou Banda sera, à terme, une centrale de secours en cas d’urgence après la réalisation de Kandadji et Salkadamna.
Donc pour revenir à votre question, le solaire est recensé comme une option, et nous avons eu plusieurs propositions de partenaires privés. Mais le solaire est défavorisé par le coût de sortie du kWh affecté par les poids des investissements lourds qui sont requis, et la non maturité de cette technologie à date. Sans subvention, il est difficile de livrer au client final un kWh moins cher que le coût de vente actuel de NIGELEC.
Je dois annoncer, pour terminer, que le Gouvernement a obtenu, auprès de Eximbank Inde, un financement dont une composante porte sur la construction d’une tranche solaire de 5MW minimum.
Quelles sont actuellement vos capacités de production ?
Nous alimentons la ville de Niamey à partir de trois nœuds qu’on appelle des postes: Niamey II (Gamkallé), Goudel et Francophonie. De ces nœuds, partent 18 lignes moyenne tension (20kV) dont certaines sont en câble souterrain, les autres en réseau aérien.
Nous avons un ordre de priorité de reprise des lignes en cas de coupure en fonction du caractère plus ou moins prioritaire des clients qui y sont raccordés, la priorité n°1 étant les hôpitaux, maternités et autres centres de santé, la n°2 étant les stations de pompage d’eau, ainsi de suite. Il se trouve que ces points sont dispersés un peu partout dans la ville de Niamey: HNN, Hopital Lamordé, Maternité Gazobi, Maternité Poudrière, etc. et donc sont desservis par plusieurs des départs électriques. Il se trouve également que ces lignes prioritaires desservent au passage plusieurs quartiers, et ceux qui vous dites se vantent d’être privilégiés sont situés, par hasard, dans les quartiers desservis par ces lignes prioritaires qu’on ne coupe pas tant que possible. C’est la seule raison. Le hasard a fait que le départ prioritaire n°1 est celui qui dessert l’Hôpital national, et il passe par le quartier Kouara Kano, la zone des ambassades, les villas ministérielles et le Palais Présidentiel. Mais il y a beaucoup de membres du gouvernement et autres officiels qui subissent le rationnement, comme moi-même (et je me fais la discipline de ne pas installer un groupe secours à mon domicile).
Dès qu’il y’a black out, certaines populations vivent avec le spectre des coupures, tandis que d’autres se vantent d’avoir en permanence le précieux jus. Comment est-ce que vos services établissement le programme de délestage ?
Je terminerai par le dernier point pour dire que notre combat, l’objectif du Gouvernement, découlant du Programme de Renaissance du Niger, c’est de réaliser les grands projets tantôt évoqués pour définitivement mettre fin aux coupures d’électricité, faire en sorte que tous nos abonnés puissent se vanter d’être des privilégiés, assurer l’indépendance énergétique de notre pays et en faire l’exportateur d’électricité qu’il a vocation à être de par les potentialités dont la nature l’a doté. L’exportation de l’électricité, produit fini s’il en existe, doit être, à terme, une des principales sources de devises de notre pays. Je viens d’entendre sur RFI que Electricité de France (EDF), principal exportateur d’électricité en Europe, a réalisé un résultat de 3 milliards d’euros en 2013, plus de 1900 milliards de FCFA (pour donner un nouveau thème de dissertation à certains de ceux qui nous acculent sur les médias à longueur de journée, sans même être enregistrés dans notre base de données comme clients).
Nous sommes ardemment engagés sur cette trajectoire de réalisation de nos grands projets électriques et vous avez dû voir l’évolution du projet Gorou Banda que Son Excellence Monsieur le Président de la République a visité hier matin. Kandadji se prépare à repartir, et Salkadamna a été lancé par le Président de la République le mois passé.
Parallèlement, le programme du gouvernement prend en compte l’accès des populations rurales à l’électricité et sur cet aspect, des dispositions nouvelles viennent d’être prises pour accélérer le rythme des réalisations en cours depuis 2012 et raccorder les 500 localités nouvelles, tel que prévu dans le programme d’ici 2016. Inch’ALLAH, c’est un objectif que nous réaliserons.