Le Conseil des Ministres du jeudi 31 juillet 2014 a révoqué « en plein midi », Kassoum Mamane Moctar (RSD), Président du Conseil de Ville de Maradi, celui que les maradawa avaient surnommé « le petit qui travaille ». Aucune raison n’a jusqu’à présent été avancée par les tenants du pouvoir pour motiver leur décision.
Et généralement, quand le gouvernement agit de manière aussi ferme, sans donner d’explications, comprenez que cela ne vaut même pas la peine : La faute est grave.
Pour comprendre la prompte réactivité du gouvernement et la supposée gravité de la faute commise par « le petit », il faudrait suivre le fil des évènements qui se sont accélérés pendant le mois de juillet, à mesure que s’approchait la date indicative du 31 juillet, date butoir que les entrepreneurs avaient promise au Président Issoufou Mahamadou comme celle de la fin des travaux. Mais à ce jour les travaux sont loin d’être terminés, surtout du côté sud de l’édifice.
Indiscipline caractérisée.
Emporté par son bon droit de Président de conseil de ville, ne voulant rien lâcher de son leadership sur la reconstruction du marché central, poussé sans doute par des commerçants qui lui sont proches et qui voulaient se taper la part belle, Kassoum Moctar prit un arrêté pour formaliser un « comité bidon » chargé de l’attribution des boutiques aux commerçants. Un comité qui, vraisemblablement, ne répondait pas aux attentes de la tutelle et des pouvoirs publics représentés par Abdou Mamane, Gouverneur de la Région de Maradi, ingénieur de Génie Civil de son Etat et grand connaisseur du dossier.
Dans l’esprit et les vœux des pouvoirs publics qui ont consentis plus de 60% des investissements, la gestion du « plus grand marché du Niger » devrait être la plus démocratique et la plus transparente possible.
En la matière, la structure la plus appropriée pour gérer et optimiser efficacement cette importante infrastructure économique du pays, serait une agence genre SOCOGEM, ce dont le maire central de Maradi ne voulait pas entendre parler. D’où sa précipitation à s’approprier le leadership du dossier en mettant en place un comité à son gout, où d’après certaines langues, siègeaient « 80% de ses amis ».
L’affrontement eut lieu lors d’une réunion organisée à cet effet. Le gouverneur Abdou Mamane, après avoir relevé les insuffisances du comité mis en place par le président du conseil de ville, lui avait courtoisement demandé de revenir sur son arrêté, en l’abrogeant tout simplement.
Selon les témoins de la scène, Kassoum Moctar, pour se justifier, aurait proféré à sa hiérarchie que « la gestion du marché ne relève ni de la compétence, ni des attributions du Gouverneur » et il aurait invité assez vertement le Gouverneur Abdou Mamane à « relire les textes régissant la décentralisation et même ceux régissant l’Etat du Niger… ». Histoire de lui signifier qu’il ne reviendrait pas sur son arrêté.
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Attendu au tournant
Plus tard Kassoum Moctar, comme à son habitude, s’était répandu dans les médias locaux en invectivant sa hiérarchie et même à proférer des menaces genre : « On est là, on ne bouge pas ; celui qui n’est pas content, n’a qu’à essayer voir ! ».
Les Maradawas n’ont jamais vu cela de leur histoire. Même du temps des Idi Mallé, les choses ne se sont pas passées de cette manière. Aussi, des accusations de manipulations, par tel ou tel camp, dans le cadre de cette opération délicate de distribution de boutiques, fusaient de partout. La situation était devenue tellement préoccupante que le jour de l’Eid El Kebir, l’Imam de Maradi avait dans sa « Houdba » clairement appelé les deux personnalités à se réconcilier.
Mais déjà, le Gouverneur Abdou Mahamane avait rendu compte à sa hiérarchie de la manière dont Kassoum Moctar voulait gérer le dossier du marché et surtout, de la fronde qu’il organisait contre la plus haute autorité régionale. Une faute administrative grave que le Ministre de l’intérieur, Hassoumi Massaoudou apprécia à sa juste valeur. Aussitôt après avoir pris connaissance du compte rendu du Gouverneur et après s’être davantage informé sur le dossier, il enclencha la machine de destitution du Maire central de Maradi. Ayant senti la menace, car des échos pas très rassurants lui parvenaient de Niamey, Kassoum Moctar abrogea, la queue entre les pattes, l’arrêté qu’il avait pourtant dit porter et supporter, même au prix de son poste. C’était insuffisant pour arrêter la machine et, au premier conseil des ministres après le Ramadan, sur proposition du Ministre de l’intérieur, le Président Issoufou n’hésita pas à signer sa révocation avec celle d’un autre infortuné, le Maire de N’Gourti.
Pourtant, Kassoum Moctar n’était pas sans savoir qu’il était attendu au tournant. Après la destitution puis l’arrestation d’Oumarou Dogari, Maire central de Niamey, tous les regards se sont dirigés vers Maradi où Kassoum Moctar aurait commis les mêmes impairs.
Mieux les pouvoirs publics lui reprochaient sa mauvaise gestion des parcelles, l’endettement sans précédent de la ville, le bradage des espaces publics, sans compter les multiples affaires dans lesquelles son nom est cité, la forte présomption d’enrichissement illicite dont sa grosse villa « Doron Zabo », sise au quartier Ali Dan Sofo, en est l’exemple le plus éloquent, aux yeux de ses détracteurs.
Pour les autorités régionales et nationales, quelque soit le scénario mis en place dans le cadre de la distribution des boutiques et de la gestion du marché central de Maradi, Kassoum Moctar, compte tenu des casseroles qu’il traine, n’a plus le profil qu’il faut pour assurer un leadership positif dans ce management. En se comportant de manière indisciplinée envers sa hiérarchie, il offrait le prétexte rêvé par celle-ci, pour le destituer. D’autant que, après la destitution d’Oumarou Dogari de la ville de Niamey, tous les regards se sont tournés vers Maradi.
« Ce n’est pas encore fini… »
Aussitôt après la publication du décret de sa révocation le 31 juillet, son bureau est mis sous scellés et un détachement de la Garde Républicaine est affecté pour « sécuriser » la Mairie. Ayant appris que quelques uns de ses partisans se regroupaient autour de sa demeure pour organiser une manifestation de protestation, les FDS paradèrent discrètement dans le quartier, ce qui émoussa leurs velléités insurrectionnelles.
Le vendredi 1er Aout, le SG du Gouvernorat intronisa, en présence d’un huissier, monsieur Boukari Bako (PNDS), antérieurement 1er Vice et professeur d’anglais de son Etat, comme le nouveau Maire pour une durée de 45 jours, conformément aux dispositions légales en la matière. Pendant ce temps, Kassoum Moctar reste confiné chez ses parents flanqué d’une interdiction de bouger hors de Maradi.
Selon des sources proches de la Société civile de Maradi, des inspecteurs sont en route pour ausculter une énième fois la gestion du jeune Maire destitué. Beaucoup de gens craignent désormais pour sa liberté. Nombreux sont également les observateurs qui pensent que « ce n’est pas encore fini » pour le « petit »qui doit désormais affronter la redoutable justice nigérienne.