L’incarcération, aujourd’hui à la prison de Saye, du ministre d’Etat du Niger chargé de l’Agriculture Abdou Labo, l’un des alliés du régime du Président socialiste Mahamadou Issoufou, ouvre la voie à celle de la bête noire du régime, l’opposant Hama Amadou, président de l’Assemblée nationale du pays.
Les épouses des deux hommes sont déjà inculpées et écrouées depuis deux mois dans le cadre de l’affaire dite des « bébés importés », pour le délit de « supposition d’enfant », qui réprime, au Niger, la fausse maternité. Selon l’article 248 du code pénal, la peine prévue pour une mère à qui l’on attribue une maternité ou un enfant qui n’est pas le sien est de deux à huit ans d’emprisonnement.
Les enquêteurs ont mis au jour des preuves que les enfants, presque tous jumeaux, baptisés depuis plusieurs mois dans plusieurs familles de la haute société nigérienne, provenaient d’un trafic organisé au Nigeria autour d’une clinique de l’Etat d’Ondo. Des intermédiaires ont reconnu avoir falsifié l’origine de ces enfants pour leur obtenir de faux certificats de naissance au Niger. Une trentaine de personnes ont été interpellées.
Les mères de ces enfants ont, elles, déclaré avoir été abusées par un charlatan qui leur a fait croire qu’elles étaient enceintes, après leur avoir prescrit des drogues suscitant les symptômes de la maternité, avant de les faire venir pour un accouchement sous anesthésie.
Si l’affaire défraie la chronique sociale du Niger, où la filiation reste un sujet très sensible et l’adoption à l’occidentale rarissime, elle permet surtout au régime de tenter de se débarrasser pour de bon de celui qui est devenu, au fil des mois, son principal opposant après avoir été son principal allié.
Plusieurs poids lourds du régime ont publiquement affirmé ces derniers mois que Hama Amadou devrait quitter son poste de président de l’Assemblée nationale. Mais la procédure de déchéance du président de l’Assemblée prévue par les textes n’a pas pu aboutir, faute de pouvoir réunir la majorité des deux-tiers des députés. L’affaire des bébés apparaît donc comme une opportunité judiciaire de poursuivre, incarcérer et écarter durablement l’ancien homme fort du parti Etat, le Mouvement National pour la Société de Développement, sous réserve de la levée de son immunité parlementaire par le bureau de l’Assemblée.
Pour répondre, d’avance, aux soupçons de politisation du dossier, le régime a dû sacrifier l’un de ses ministres, preuve de la neutralité de la justice dans cette affaire très sensible. Il y a un mois, Abdou Labo avait convoqué une conférence de presse pour affirmer qu’il « n’était pas du genre à démissionner » et qu’il resterait à son poste au gouvernement.
On ignore encore comment Abdou Labo a été démis du gouvernement. Et surtout, quelle sera la réaction de Hama Amadou et de ses proches, notamment au sein de son parti Lumana Africa. Parmi eux, plusieurs sont incarcérés depuis mai pour des soupçons de complot contre l’autorité de l’Etat, malgré leur remise en liberté par le juge d’instruction, le parquet ayant fait appel de cette décision.
La capitale passe pour un fief de Hama Amadou et de son parti Lumana. Elle a connu, depuis quelques mois, une agitation sociale et estudiantine très vive, reflétant la tension entre Lumana et le parti socialiste au pouvoir