Aspect politique : Depuis un certain temps, la vie politique nigérienne, sinon, tout court, la vie des nigériens est rythmée par l’affaire dite « Trafic de bébés ».
Tout d’abord il faudra relever le contexte de cette « affaire » car on ne saura apprécier objectivement la situation sans la relier à des faits politiques qui semblent caractériser l’ensemble des actions reliées les unes aux autres.
Comme tout le monde le sait, après la funeste aventure du Tazarché et la transition militaire qui s’en ai suivie, le candidat du PNDS Tarayya a été triomphalement élu président de la république par le peuple nigérien le 14 mars 2011.
Il faut rappeler que Mahamadou Issoufou a obtenu au second tour, 57,95% des voix, devançant ainsi Seïni Oumarou ayant obtenu un score de 42,05%. Hama Amadou, arrivé troisième en obtenant 19 % des voix (avec un parti crée 4 mois plus tôt) a soutenu le candidat M.Issoufou qui a obtenu au 1er tour 36% des voix.
Composant ensemble la majorité parlementaire et présidentielle, ce tandem politique aboutit à la formation d’un gouvernement contrôlé par un pouvoir législatif ayant à sa tête Hama Amadou.
Comme cela peut arriver dans toute alliance politique, en Aout 2013, le parti de Hama Amadou décida de quitter la majorité présidentielle et par conséquent rejoindre l’opposition politique.
A partir de cette date, l’opposant Hama, vit déferler sur sa personne une série de « déboires » qui seraient tous comiques les uns, les autres, si ce n’est le risque que de tels actes font peser sur la quiétude de nos compatriotes dont les priorités sont éloignées de celles qui sont au centre des discussions de salon à Niamey.
Mais pour le moment attardons sur nous cette affaire de « Trafic de bébés ».Il est indéniable qu’aucun esprit normalement constitué ne resterait insensible face à toute l’horreur socio-économique qui peut entourer les circonstances caractérisant cette tragédie humaine, si jamais le trafic est avéré.
Mais apprécions ces évènements dans un contexte pluriel qui sera tant judiciaire, politique, moral et constitutionnel :
Aspect moral et social :
Dans cette affaire, nous faisons face à un faisceau d’indices assez troublant qui sème le doute dans l’esprit de certains et provoque chez d’autres tout simplement un sentiment d’indignation. Comment si cela est avéré accepter qu’un trafic porte sur qu’il ce qu’il de plus innocent sur cette terre qu’est l’enfant ? Comment accepter que la misère humaine soit exploitée et par conséquent entrainer des femmes à se séparer de la plus belle richesse qu’on puisse avoir sur cette terre ?
Sur le plan moral et social comme dans toute affaire de ce type, avant toute condamnation judiciaire, très souvent la vindicte populaire fait son effet. Mais fort heureusement le contexte politique et les différents protagonistes de l’affaire ramènent tout simplement à la raison toute personne qui porte sur ces événements un regard objectif teinté d’une appréciation circonstancielle des choses.
Aspect judiciaire :
Malgré le tollé soulevé par cette histoire, force est de constater que sur le plan judiciaire le dossier de l’accusation reste totalement vide en termes d’éléments tangibles et irréfutables qui puissent conforter l’accusation. En effet fort heureusement dans un tribunal, ce n’est point l’émotion et le faisceau d’indices qui oriente la décision de justice mais les preuves.
D’abord la première interrogation qu’on a dans cette affaire constitue la procédure de déclenchement de cette affaire. En effet, comment comprendre, que si cette affaire, avait réellement eu lieu au Nigéria que ce ne soit pas les juridictions de ce pays qui fassent appel au Niger et aient par la même occasion fourni à nos autorités des éléments leur permettant d’identifier toutes les personnes qui seraient impliquées dans l’affaire ?
Dans le droit, en matière de compétence territoriale, cela interpelle et suscite de nombreuses interrogations.
Mais revenons à l’affaire et analysons le déroulement de la procédure et le contenu du dossier.
En se saisissant de cette affaire le juge l’a qualifié de supposition d’enfants qui, au passage, est un délit et non un crime.
Selon l’article 248 du code pénal nigérien, est qualifié de supposition d’enfants le fait qu’une femme ait simulé sa grossesse pendant qu’une autre cacherait la sienne en vue de permettre à la première de supposer avoir donné naissance à l’enfant né.
Or pour aucune des femmes arrêtées, malgré dans certains cas, la présence d’indices troublants, le dossier d’accusation n’a pas montré un seul élément tangible permettant d’affirmer de façon irréfutable qu’une ou plusieurs femmes aurait désigné chacune de celles soupçonnées comme celle qui aurait « acheté », « enlevé » ou « récupéré » l’enfant ou les enfants à qui ou auxquels l’accusatrice aurait donné naissance.
Certains ont des interrogations sur les différences entre les lieux de naissance et les lieux d’établissement des actes de naissance. Mais s’il ne s’agit que de cela, les prisons nigériennes ne seraient pas assez nombreuses pour accueillir tous ceux de nos compatriotes dont les actes d’état civil seraient truffés de ces incohérences.
Par ailleurs, si trafic il y a, ni le juge d’instruction, ni le procureur n’ont montré aucune preuve tendant à mettre en rapport chacune de ces femmes ou leurs maris avec ledit trafic.
Et même dans l’hypothèse où ces femmes auraient simulé leurs grossesses ou seraient impliquées dans un trafic, l’accusation n’a dans son dossier aucun élément permettant de relier les maris à ces éventuelles forfaitures. Mais on verra plus tard l’objectif de cette démarche.
Parmi les personnes soupçonnées se trouve la femme du Président de l’assemblée nationale nigérienne Mr Hama Amadou.
Comme cela a été signalé précédemment, non seulement le dossier d’accusation reste vide au regard du délit reproché, mais en plus, pour ce qui est du cas de Hama Amadou, à aucun moment, le doyen des juges d’instruction ne l’a convoqué. Pire la demande d’arrestation transmise au bureau de l’assemblée par le parquet est viciée car à aucun moment le doyen des juges n’a demandé au parquet un réquisitoire supplétif lui permettant de poursuivre Hama Amadou.
En plus, pourquoi ce n’est pas le juge en charge du dossier qui saisit le gouvernement ? En effet, non seulement, c’est le procureur qui est à l’origine de cette requête mais en plus ladite requête est datée du 16 Juillet 2014, c’est-à-dire, en pleine session de l’assemblée nationale. L’assemblée nationale n’aurait-elle pas été le cadre juridique et constitutionnel requis pour cela ?
Comme on le voit l’ensemble de la procédure est vicié, le dossier est vide.
Alors l’arrestation de ces femmes, et surtout celle de leurs maris, n’est-elle pas un leurre afin de pouvoir atteindre la véritable cible qu’est Hama Amadou ?
En effet, depuis le départ de Hama Amadou de l’alliance au pouvoir, le ministre des affaires étrangères Mohamed Bazoum et celui de l’intérieur H.Massaoudou n’ont-ils pas crié publiquement à toute la presse nationale et internationale qu’ils allaient tout faire pour provoquer la chute et la neutralisation de Hama ?
Maintenant que, Hama Amadou s’est « mis à l’abri », l’enquête a-t-elle avancé depuis? Ou alors toutes ces personnes arrêtées croupiront dans les geôles comme c’est le cas de plusieurs centaines de nos compatriotes, dans l’attente d’un hypothétique jugement ?
Surtout que dans ce cas, les personnes arrêtées risqueraient d’être les « otages » d’un agenda politique et électoral.
Aspect constitutionnel :
Sur le plan constitutionnel, concernant l’appréciation de l’article 88 de la constitution nigérienne, plusieurs spécialistes en la matière tendent à avoir une lecture différente mais à priori beaucoup plus objective que celle tronquée du Gouvernement. En effet, la seule prise en compte de l’alinéa 4 de cet article en ignorant les précédents dont le 1er qui fait état de l’immunité parlementaire constitue une vue de l’esprit.
Dans la même logique de concassage des partis politiques, et ce, au mépris de la charte des partis politiques, ce gouvernement tend à bafouer le contenu et l’esprit de la loi fondamentale qu’est la constitution nigérienne.
Avec tout le respect qu’on doit à la Cour constitutionnelle, son arrêt du 4 septembre 2014 témoigne tout simplement du fait qu’en plus d’une justice aux ordres, cette noble institution n’est pas capable de résister à un exécutif totalement dominant.
En tout état de cause, ce qu’il faut surtout retenir c’est l’échec, l’irresponsabilité et l’incapacité de la classe politique, véritables « enfants gâtés » de la république dont les « espiègleries » ont fini d’amuser le peuple nigérien.
Par ailleurs, le retour au premier plan des principaux chantres du Tazarché n’est pas pour rassurer les démocrates nigériens….