Niamey - Située à 160 km au sud-ouest d’Agadez, la ville d’In Gall, qui s’apprête à accueillir dans quelques heures, la Cure salée, le grand rassemblement des éleveurs du Niger et de la sous-région, est bâtie en contrebas de la colline Awalawel.
Cette bourgade, lieu de convergence des pasteurs sahéliens, pointe de loin à l'horizon, bien avant que le fortin ou la palmeraie n'apparaissent au voyageur après qu’il ait fini de parcourir la bretelle de 60km qui la sépare du village de Mararaba.
A la croisée des grandes routes caravanières, à mi-chemin entre Agadez et Tahoua, In’ Gall, tel un mirage surgi des grands espaces désertiques tente de donner un sens à son destin. Casée entre une palmeraie et une ceinture verte qui servent de remparts contre les vents de sable, In’ Gall se laisse découvrir dans son âme et ses mystères. Le brassage des populations du sud et du nord restitue davantage à la localité, son cliché passé et présent. Un passé qu’on évoque comme si le temps s’est arrêté à une époque récente de son apogée.
En effet grâce au florissant commerce caravanier, In’ Gall fut une plaque tournante d’activités socio-économique de la région. Point de transit entre le nord et le sud, elle était également le point de passage entre Tahoua, Agadez et Arlit d’une part et entre Assamaka, Tamanrasset et Arlit d’autre part.
Le commerce des dattes, de sel et des produits pastoraux a été florissant à un moment donné de l’histoire. Ce commerce n’est plus ce qu’il était. En réalité, le « déclin » économique est arrivé ici comme le couperet d’une guillotine : cette route de l’uranium dont le tracé a ignoré In’ Gall.
Il a été dévié d’une soixantaine de kilomètres. Au fait sur le tracé initial, il était prévu que la RTA (Route Tahoua-Agadez), passe par la cité des In’Gallawa, mais l’on impute cette grosse erreur, ce destin à certains pontes de la zone qui n’ont pas lutté suffisamment pour qu’il en soit ainsi. La RTA allait permettre à In’ Gall de bénéficier des retombées du trafic routier Tahoua, Agadez, Arlit. Cela a périclité In’ Gall dans la liste des villes oubliées par les traceurs de routes de l’époque.
Oublions la route pour dire que la fête peut commencer dans moins de 48 heures. Elle a d’ailleurs commencé avec l’arrivée des différents groupes nomades drapés dans leurs tenues d’apparat qui sied bien à leurs montures bien harnachées.
Pendant la cure salée, la ville d’In’ Gall s’anime et ses ruelles invitent à la découverte. Le marché local rassemble de très nombreux des éleveurs, peulhs, touaregs … autour de quelques commerçants arabes et haoussa et les populations résidentes. On y trouve de beaux harnachements de chameaux, des tissus indigo qu’affectionnent les touaregs, des bijoux, de fanfreluches, de selles de méharée confectionnée avec art etc.…la localité de In’ Gall est très riche en produits artisanaux.
Pour preuve, la région a toujours été valablement représentée au Salon d’Artisanat pour la Femme (SAFEM).
La fête a déjà commencé
Devant la tribune officielle construite aujourd’hui en matériaux définitifs, le tendé résonne, frénétique et les peulhs bororos ou waddabés animent le guéréwal, la grande fête de la beauté du corps qui donne l’occasion à des mariages bororos.
La cure salée, ce grand mouvement de la transhumance pastorale en direction des zones salées, n’est pas une simple manifestation. C’est plutôt un mouvement progressif qui s’opère dès les premières pluies et jusqu’à la fin de l’hivernage pour libérer les zones agricoles du sud et exploiter les pâturages du nord. Le bétail y trouve l’amcheken, plante caractéristique de cette plaine et boit l’eau salée aux sources de Tiguidan Tessoum, de Gélélé, Azelik, in’abangarit, Fagoshia ou de tessan Intaguelgué.
Les services techniques de l’Etat profitent pour des séances de vaccination de bétail, l’établissement des pièces d’Etat civil et des campagnes de sensibilisation sur les préoccupations de l’heure.
Dans la zone de l’Irhazer, aires de pâturage par excellence des éleveurs, pays de plaines et de collines, l'horizon s’étend sans fin et frémit en mirages où se reflète le moindre arbuste ou le chameau de passage, dont les lignes verticales prennent des dimensions sans proportion avec la réalité.
Les localités les plus importantes du département de In’ Gall et Tigidan-tessoum qui forment deux flots sédentaires dans une région occupée uniquement par des nomades, se trouvent dans la dépression périphérique des argilites de l'Irhazer, au pied de la falaise de Tigiddit jusqu'aux premiers contreforts de l'Aïr. Cette falaise, bien marquée par un arc de cercle au Sud-est d'In’ Gall, atteint sa courbure jusqu’à Marandet.
Des reliefs de la falaise dévalent des koris qui vont se perdre dans l'Irhazer qui draine toute la dépression et se dirige en direction d'In Abangarit, grossi pendant l’hivernage des crues souvent violentes d'affluents venus de l'Aïr.
Entre ces reliefs, s'étend une immense plaine, parsemée de flots, avancées de la falaise de grès du Tegama, de Tegidda, de la montagne d'Azuza, qui se trouve au delà de l'Eghazer.
Dans l'îlot central, moins élevé, le grès apparait à nu, et les sources, profitant de ces cassures, sourdent dans le creux des rochers à Tegidda, Gélelé, et Azelik.
Les crues des koris qui dévalent de la falaise de Tiguidit modifient en dépit des digues de protection la palmeraie d'In Gall, en arrachant les dattiers des rives connexes.
In Gall et Tigidan-tessoum d’après S.et Edmond Bernus, se trouvent dans une région déjà présaharienne.
Région de plaines argileuses aux horizons infinis, sur lesquels se détachent des buttes de grès, sentinelles avancées de la falaise de Tiguidit, c’est aussi une terre de contrastes entre les koris, les lits de sable sec, les plaines où le vent arrache une fine poussière qui souvent se concentre en tourbillons à axe vertical montant haut dans le ciel, en se déplaçant rapidement.
Dans cette région, la saison des pluies donne la récolte des dattes, alors qu'elle interdit la production du sel.
L’ancienne colonie de l’Empereur Songhay Askia Mohamed, fut jadis un important carrefour des routes caravanières
C’est sous le règne des Sultans Co-régnants Mohammed El Adel et Mohammed Homad, qui succédèrent à Mohammed Ben Abd-Rahman après que celui-ci fut assassiné en 1502, que l’Askia Mohamed conquit l’Aïr. Le Fondateur de l’Empire Songhaï, étendit son autorité jusqu'au Sénégal à l'ouest, et à l'Est jusqu'à l'Aïr et au Bornou, plus au sud.
La puissance de l'Empire songhaï était liée au contrôle des routes caravanières transsahariennes par lesquelles parvenait à Tombouctou, l'or du Soudan, et repartait le sel des mines de Teghazza, directement exploitées par les Askia.
À sa plus grande extension, cet empire centralisé s'étendait sur 2 500 km d'Est en ouest, de l'embouchure du Sénégal aux confins du Tchad et des cités haoussas du Nigeria. Au nord, il contrôlait les salines de Tehgazza essentielles pour les échanges avec la savane et la forêt.
Askia Mohamed relança l'islamisation et laissa derrière lui une réputation de puritain intransigeant, que transmirent les griots.
Selon la Tarikh-Es-Soudan, cette campagne de l’Askia contre l’Aïr aurait duré une année, du 26 février 1514 au 15 février 1515.Cette conquête n’était la première attaque de l’Askia contre l’Aïr. En 1500, l’Empereur Songhay avait déjà envahi l’ouest de la région d’Agadez. Revenu d'un pèlerinage qu’il effectua à La Mecque en 1408 l’Askia Mohamed qui prit le titre de calife dirigeant de la communauté musulmane pour le Soudan, est passé par l’Aïr où il dut remarquer le rôle considérable d’Agadez, nœud de grandes routes caravanières.
Le Sultan Mohamed Ben Talazou qui succéda aux Co-régnants après leur mort survenue après leur éviction, payait un tribut au Souverain Songhay. Ce tribut sera payé jusqu’à la fin de l’Empire Songhay en 1591. C’est sous le règne de l’Askia Mohamed que s’installèrent dans le sud-ouest de l’Aïr, notamment à In’ Gall et Agadez, des colonies songhay pour consolider la conquête, mais surtout pour renforcer la route caravanière Gao-Egypte selon le Professeur A. Aboubacar in ‘’ Agadez et sa région ‘’.
Les habitants des centres de l’Aïr parlaient une langue très proche du songhay. Cette langue a survécu pour l’histoire. Elle est de nos jours usitée à In’ Gall : il s’agit du Tassawak, qui comporte beaucoup de termes tamasheq et haoussa.
A Agadez, elle l’était au XIXème siècle, au passage de l’explorateur allemand Henri Barth. Aujourd’hui encore le parler agadésien reste très marqué par le songhay. Il en est de même de la toponymie : Hougoubéré, Foune Imé, Hougou Farda, Agajibéré, Tanu Béré, Obitarat, Tendekaïna etc.
La suzeraineté songhay a assuré aux caravanes de la boucle du Niger vers l’Egypte la sécurité. Agadez, carrefour des convois de la boucle du Niger et des pays haoussa connut un siècle de prospérité. A peu près à la même époque selon la tradition orale rapportent S.et Edmond Bernus, arrivèrent dans la région d'Agadez deux Isherifen venus de la Mecque qui ont emporté avec eux, des plants de dattiers de Médine qui seraient à l’origine de la palmeraie de In’ Gall.