WASHINGTON - Selon un nouveau rapport publié par la Banque mondiale et Elsevier*, la croissance économique impressionnante affichée par l’Afrique subsaharienne depuis quelques années se traduit par des capacités grandissantes en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques. Mais la recherche dans ces domaines ne parvient cependant pas encore à satisfaire les besoins d’un continent qui se modernise rapidement, soulignent les auteurs du rapport.
« Alors que le volume de la recherche africaine en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques a doublé au cours de ces dix dernières années, avec d’immenses progrès sur le plan qualitatif, la recherche ne constitue cependant pas encore un moteur de croissance, », analyse Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour la Région Afrique. « Nous devons renforcer les capacités de recherche dans les domaines de pointe pour stimuler la compétitivité des économies africaines mais aussi favoriser une collaboration accrue entre pays afin de trouver des solutions communes et éprouvées aux défis les plus urgents. »
Selon le rapport intitulé Une décennie de développement de la recherche en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques en Afrique subsaharienne, la part de l’Afrique dans la production mondiale de recherche est inférieure à 1 % — un faible pourcentage sachant que le poids démographique mondial du continent est de 12 %. En outre, et par rapport à des pays comme la Malaisie et le Viet Nam, les États africains affichent une corrélation plus faible entre la production scientifique et la croissance économique.
« Des investissements judicieux et ciblés dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique peuvent être de véritables facteurs de changement à mesure que les économies évoluent, souligne Claudia Costin, directrice principale du pôle éducation à la Banque mondiale. Nous nous sommes engagés à accompagner les efforts déployés par les pays africains alors qu’ils refondent leurs systèmes d’enseignement supérieur afin de produire les connaissances et les expertises les plus recherchées sur le continent à l’heure actuelle. »
De fait, l’essor récent de la recherche en Afrique s’explique largement par les avancées dans le domaine de la santé qui constitue, selon le rapport, environ 45 % de l’ensemble de la recherche sur le continent. De leur côté, les sciences physiques et les disciplines liées aux sciences, technologies, ingénierie et mathématiques ne représentent que 29 % de toutes les recherches menées dans la région, hors Afrique du Sud.
« À l’instar de ce qui s’est produit dans la recherche en santé, si les pays d’Afrique parvenaient, avec l’appui des pouvoirs publics et des donateurs, à allouer des ressources durables aux programmes de recherche de troisième cycle et aux études doctorales portant sur des défis bien spécifiques, nous verrions émerger rapidement des solutions concrètes dans des domaines vitaux comme l’adaptation de l’agriculture et des infrastructures au changement climatique, plaide Andréas Blom, économiste principal au sein du pôle éducation de la Banque mondiale, l’un des auteurs du rapport. Ce rapport offre un socle analytique pour le renforcement de l’enseignement des sciences et de la recherche et propose de nombreuses pistes sur la manière de renforcer les capacités en fonction des besoins de la région. »
Le rapport constate notamment la fragmentation des capacités de recherche en Afrique, qui se traduit par une collaboration pratiquement inexistante entre les pays. Les recherches menées à l’échelle intra-africaine (sans présence d’un collaborateur sud-africain ou international) représentent moins de 3 % de l’ensemble des travaux réalisés en l’Afrique de l’Est, Afrique de l’Ouest, Afrique centrale et Afrique australe. Le rapport observe également un manque de transferts de connaissances et de coopération entre les universitaires africains et le monde de l’entreprise, tels que mesurés par le nombre de téléchargements d’articles effectués par les entreprises et de citations de brevets se référant à la recherche universitaire africaine, notamment en ce qui concerne les disciplines propres aux sciences, technologies, ingénierie et mathématiques.
Malgré toutes ces difficultés, George Lan, responsable des produits analytiques pour Elsevier et co-auteur du rapport, souligne l’importance et les bienfaits d’une collaboration internationale pour renforcer les capacités de recherche en Afrique : « Pour la plupart des partenaires internationaux de l’Afrique, l’impact relatif de ces recherches collaboratives mesuré sur la base du nombre de citations est en fait supérieur à celui de chaque partenaire, ce qui suggère que cette collaboration constitue un scénario gagnant-gagnant ».
La Banque mondiale s’emploie à faire progresser l’enseignement supérieur, les sciences et les technologies en Afrique. Avec près de 600 millions de dollars investis jusqu’ici dans ces domaines, elle est le premier bailleur de fonds des établissements africains d’enseignement supérieur.