L’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG) 2014, publié hier, montre que le niveau global de gouvernance sur le continent africain a progressé entre 2009 et 2013. Toutefois, au cours des dix dernières années, les principaux moteurs de cette tendance généralement positive ont changé.
« Les résultats de l’IIAG 2014 interpellent notre perception de l’état de la gouvernance africaine. Le continent africain progresse, mais l’histoire est complexe et ne correspond pas nécessairement aux stéréotypes courants. Même si le tableau général a bonne allure, restons vigilants et ne cédons pas à la complaisance », a déclaré Mo Ibrahim, président de la Fondation Mo Ibrahim.
Au niveau des pays, les résultats de l’IIAG 2014 témoignent de la forte capacité de progression de plusieurs pays jusqu’ici sous-performants. Mais ils mettent aussi en évidence certaines fragilités parmi les pays du peloton de tête. Ainsi, les pays ayant enregistré la plus forte progression de ces cinq dernières années figurent dans la deuxième moitié du classement. La Côte d’Ivoire, la Guinée et le Niger, notamment, ont depuis 2009 inversé une trajectoire initialement négative, pour se hisser en tête des pays ayant le plus progressé au cours des cinq dernières années. Cette évolution remarquable a été principalement tirée vers le haut par la catégorie Participation et Droits de l’Homme. Dans le même temps, les champions historiques - Maurice, le Cap-Vert, le Botswana, l’Afrique du Sud et les Seychelles - tout en conservant leur place dans le peloton de tête, enregistrent une dégradation de leurs résultats dans au moins une des quatre catégories, bien que leur parcours demeure globalement positif.
« Les résultats de l’IIAG 2014 montrent que les têtes de classe ne sauraient considérer leur position comme définitivement acquise. Au-delà, il reste à faire en sorte que cette « dynamique africaine », dont tout un chacun se félicite, bénéficie réellement à l’ensemble des concitoyens de notre continent», a souligné Jay Naidoo, membre du Board de la Fondation Mo Ibrahim.
Les résultats sectoriels indiquent que les principaux facteurs du progrès du niveau général de gouvernance ont évolué. La progression globale enregistrée au cours des cinq dernières années (2009-2013) résulte conjointement des catégories Participation et Droits de l’Homme et Développement Humain, prenant ainsi le relais de la catégorie Développement Economique Durable qui, après avoir été l’élément moteur de la progression du niveau général de gouvernance au cours des années 2005-2009, marque le pas au cours des cinq années suivantes (2009-2013).
Les progrès enregistrés par la catégorie Participation et Droits de l’Homme ont pris de l’ampleur, et en font la catégorie qui enregistre désormais la plus forte progression sur la période 2009-2013 (+2,4 points). Au-delà de la tendance positive affichée par les sous-catégories Droits et Parité, les progrès les plus marqués apparaissent dans la sous-catégorie Participation, notamment au travers de l’indicateur Participation à la vie politique. « Avec un électorat en constante progression, qui a largement démontré sa volonté de se faire entendre, les résultats de la catégorie Participation et Droits de l’Homme témoignent du caractère essentiel d’une dimension de la gouvernance qu’aucun gouvernement ne peut ignorer », souligne Mary Robinson, membre du Board de la Fondation Mo Ibrahim.
A l’inverse, la catégorie Développement économique durable, marquée entre 2005 et 2009 par la plus forte progression de toutes les catégories (+3,4 points), inverse cette tendance et enregistre même une légère baisse (-0,2 points) au cours des cinq années suivantes (2009-2013). Cette détérioration résulte à la fois du recul de deux des quatre sous-catégories qui la composent, Gestion publique et Environnement des entreprises, et de l’essoufflement des deux autres, Infrastructures et Secteur agricole. « Il se pourrait que les profits immédiats liés à une meilleure gestion économique aient déjà été engrangés. Pour le continent africain, devenir un acteur pleinement compétitif de l’économie globale est un défi qui risque de se compliquer, à l’heure où l’évolution du cours des matières premières devient moins favorable pour de nombreux pays », a déclaré Lord Cairns, membre du Board de la Fondation Mo Ibrahim.
La catégorie Sécurité et État de Droit continue de révéler des tendances préoccupantes. Douze pays du continent enregistrent en 2013 leur plus mauvais résultat depuis 2000. Après avoir perdu 1,5 points entre 2005 et 2009, cette catégorie continue de se dégrader au cours des cinq années suivantes, bien que de façon moins marquée (-0,8 points). C’est la seule catégorie à avoir enregistré deux baisses successives au cours des deux quinquennats de la décennie. Si la sous-catégorie Sécurité nationale fait figure d’exception avec une progression de 0,5 points au cours de la période 2009-2013, c’est essentiellement en raison de l’amélioration de l’indicateur Tensions frontalières, la plus forte de tous les indicateurs de l’IIAG 2014. La sous-catégorie Sécurité individuelle poursuit sa détérioration, perdant 1,1 point au cours des cinq dernières années, avec le recul de quatre des six indicateurs qui la composent.
« Même si les tendances générales sont positives, les divergences de performance que traduit l’IIAG 2014 sont un sujet de préoccupation. La solidité et le caractère durable de la prospérité future de l’Afrique dépendront de la capacité du continent à s’engager dans toutes les dimensions de la gouvernance, y compris sécurité et état de droit », considère Salim Ahmed Salim, président du Comité d’attribution du Prix Ibrahim.
Dans le même temps, la catégorie Développement Humain poursuit de façon consistante la progression enregistrée depuis 2005 (+2,2 points sur 2005- 2009 et +2,3 points sur 2009-2013). La totalité des sous-catégories qui la composent, et 41 des 52 pays du continent, ont progressé au cours des cinq dernières années. Un quart d’entre eux se sont améliorés de plus de 5 points. La sous-catégorie Santé enregistre la plus forte hausse au cours de la dernière période de toutes les sous-catégories de l’IIAG, avec la progression généralisée de tous les indicateurs qui la composent, mesurant pour l’essentiel la mortalité maternelle, les vaccinations et la sous-nutrition. Il reste que ce paysage largement positif masque une mauvaise performance de certains pays, notamment dans la sous-catégorie Protection sociale.
« L’IIAG 2014 souligne le caractère crucial de la mise en place d’institutions fiables et équitables, qu’il s’agisse de structures sanitaires, de systèmes de redevabilité ou d’organismes statistiques. Sans eux, nous ne serons pas en mesure d’affronter convenablement les différents défis auxquels nous sommes confrontés, qu’il s’agisse de conforter la règle de droit ou de gérer un choc comme Ebola », conclut Hadeel Ibrahim, membre du Board de la Fondation Mo Ibrahim.