"Inopportun", "surfacturé" et "procédure non respectée", pour les uns, "nécessité", "procédure légale", "sur fonds propres", pour les autres, l'achat du nouvel avion présidentiel au Niger continue de défrayer la polémique, et relance de manière plus vive la polémique entre pouvoir et opposition.
En août dernier, le gouvernement nigérien a réceptionné à l'aéroport international Diori Hamani de Niamey un nouvel avion présidentiel, "Le Mon Greboun", un Boeing 737-700, 3e génération, acheté à près de 21 milliards de francs CFA, en remplacement de l'ancien, "Le Mon Baguezan", vieux de 36 ans.
Pour l'opposition politique et une frange des organisations de défense des droits humains regroupées au sein de la société civile, la vérité a été cachée au peuple nigérien, contrairement à toutes les explications fournies par le gouvernement.
Pour les opposans, la procédure budgétaire et celle des marchés n'ont pas été respectées, l'avion a coûté très cher au contribuable nigérien et il a été acheté à crédit.
A en croire l'opposition, par rapport à l'inscription initiale de 21 milliards francs CFA dans la loi des fiances 2013, il a été prévu l'achat de deux avions, à savoir un avion présidentiel pour 14 milliards de francs CFA et un avion de reconnaissance destiné à l'armée pour sept milliards de francs CFA.
En achetant l'unique avion présidentiel à 20,8 milliards de francs CFA, le gouvernement fait un dépassement budgétaire non autorisé de l'ordre de sept milliards de francs CFA par rapport à l'enveloppe allouée, soit 50% de dépassement.
Par ailleurs, selon toujours l'opposition, au moment où était en examen à l'Assemblée nationale le projet de loi de finances dans lequel sont insérés les crédits nécessaires à l'achat de l'avion présidentiel, le président Issoufou a déjà conclu un accord avec le vendeur, à crédit. Le tout, à l'insu du ministre nigérien en charge des Finances.
Pour l'opposition, ce serait inopportun pour un pays comme le Niger, classé dernier en indice de développement humain, faisant face à une crise alimentaire chronique et où la population s'appauvrit davantage, de se donner le luxe d'acheter un avion présidentiel à près de "21 milliards pour transporter 24 personnes".
Dans une cascade de réactions, les députés de la majorité et les membres du gouvernement ont balayé d'un revers de la main toutes ces accusations et rétorqué que l'achat de l'avion présidentiel est une nécessité et ne s'ouvre d'aucune irrégularité.
Lors d'un point de presse animé mercredi, le ministre de l'Intérieur, M. Hassoumi Massoudou, a marqué sa surprise que l'opposition n'ait pas donné toutes les informations à ce sujet, se contentant de publier à travers certains journaux une lettre d'intention dans le cadre du processus qui devrait conduire à l'acquisition de l'appareil qu'il avait signée le 16 juillet 2013, lorsqu'il était directeur de cabinet du président de la République.
Dans un premier temps, a-t-il expliqué, l'Etat du Niger avait prévu 14 milliards de francs CFA pour l'achat d'un avion présidentiel et sept milliards pour un autre qui doit être utilisé par l'armée dans le cadre de la surveillance du territoire. Le montant n'étant pas suffisant pour l'achat de l'avion présidentiel, il y a eu entre temps une nouvelle loi de finances qui a rectifié le montant pour l'amener à 20 milliards 800 millions de francs CFA.
Il a tenu à préciser que l'avion présidentiel a été acheté sur fonds propres de l'Etat et non à crédit, contrairement à ce qui est raconté. Et, l'autre avion, prévu pour renforcer l'autonomie de l'armée en renseignements, a été également acquis.
Documents à l'appui, avec les signatures du ministre de la Défense nationale, du contrôleur financier et du ministre des Finances, le ministre Massoudou a démontré que "les marchés ont été passés conformément à la procédure, avec le respect de toutes les étapes".
Confirmation faite par le ministre des Finances, M. Gilles Baillet, pour qui le marché a été effectivement lancé et quatre dossiers de soumission ont été enregistrés. "Le Niger a acheté cet avion sur fonds propres, il n'est pas allé emprunter de l'argent ; il n'a pas non plus demandé aux fournisseurs de préfinancer ce marché. Tout a été transparent et nous l'avons prouvé au FMI, avec qui nous sommes d'accord sur ce sujet", a-t-il précisé.
En outre, le ministre Gilles Baillet a réitéré la nécessité de l'achat de cet avion. Le président de l'Assemblée nationale, à l'époque, M. Hama Amadou (passé à l'opposition) l'avait répété plusieurs fois au Premier ministre, que "Le Mont Bagzam" vieux de 36 ans, est un cercueil volant. "Outre sa faible autonomie lors des longs voyages, l'ancien avion coûte deux millions de dollars chaque année pour son entretien qui se fait uniquement à Londres", devait-il ajouter.
"Nous prenons les problèmes jusqu'à détruire notre pays, sans aller dans le sens de la vérité, sans fouiller et sans dire ce qui s'est exactement passé. En agissant ainsi, on ne nuit pas seulement au régime actuel, mais au pays et aux régimes qui vont venir", a regretté le ministre des Finances.