Jeudi 30 octobre 2014, 5 heures du matin. Des individus armés attaquent presque simultanément la prison civile de Ouallam, le site de réfugiées maliens et la patrouille régionale de Tillabéri. Le bilan est lourd : 9 éléments des forces de défense et de sécurité ainsi que 2 civiles tués. Un véhicule détruit et une soixantaine de prisonniers évadés.
Le jour même de l’attaque, le gouvernement a décrété un deuil national de 3 jours à compter du 31 octobre. Le ministre de la Justice, Porte-parole du gouvernement, qui l’a annoncé, a rappelé comme pour attirer l’attention des nigériens les attaques que le Niger a essuyées depuis 3ans. Marou Amadou a notamment cité les attaques à Agadez contre la SOMAIR et un camp militaire, en mai 2013 ; celle de la prison civile de Niamey ayant permis l’évasion du redoutable terroriste Chébani le 1er juin 2013 et aujourd’hui Ouallam .
Cette dernière attaque aurait-elle pu être évitée ? En tout cas, selon des habitants de Ouallam, les populations avaient informé qui de droit que des individus suspects sont dans le coin. Cette information a-t- elle été répercutée à la hiérarchie ? D’abord, ceux qui l’ont reçu en premier l’ont-elle prise au sérieux ? Rien n’est moins sûr. Ce qui pourrait en revanche faire l’unanimité, ce sont les interrogations suivantes : comment expliquer qu’une dizaine de personnes puissent franchir la frontière avec le Mali dès 22heures selon certaines sources, se pavaner allègrement dans les environs avant d’attaquer sauvagement 7heures plus tard les FDS ?
Où est passé le « drone avec pilote » du ministre de l’Intérieur Massaoudou Hassoumi ? A quoi sert la présence militaire américaine et française si elle ne peut empêcher des attaques à moins de 100 km de la capitale nigérienne ? Pour- quoi les renseignements nigériens, français et américains n’ont-ils pas pu éviter ces assauts meurtriers ? A en croire des habitants de Ouallam joints par téléphone par une télévision de la place, après leur forfaiture, les terroristes se seraient retiré à l’écart de la ville où ils y ont passé au moins une (1) heure à narguer les FDS. Pourquoi alors, la contre-attaque n’a pas été immédiate ? Ouallam est à 95km de Niamey, un renfort même terrestre peut y arriver en moins d’une (1) heure.
Et si les hélicoptères de combat (M16 achetés par Tandja) dont dispose le Niger avaient été mis dans le coup sans doute qu’ils auraient été surplace dans une trentaine de minutes tout au plus. Qu’est devenue l’opération Mali béro tant chantée par le président de la République ? On se rappelle que les autorités nigériennes ont toujours clamé haut et fort que le Niger demeure en sécurité parce qu’elles ont donné aux forces de défense et de sécurité des moyens con- séquents avec notamment l’opération Un homme, Une arme. Outre, elles annoncent également avoir déployé un millier d’hommes sur la frontière avec le Mali, ce qui est baptisé « Opération Mali Béro ».
Ces forces ont- elles été démobilisées ? Les patrouilles annoncées et qui circuleraient sur toute l’étendue du territoire national « jours et nuits » ont-elles dormi ? Les assaillants étaient venus aussi pour libérer certains des leurs incarcérés à la prison de Ouallam. Alors, comment expliquer que des terroristes arrêtés puissent être gardés dans une prison ordinaire alors que la prison de haute sécurité de Koutoukalé a été spécialement construite pour ça ? Et pourquoi précisément à Ouallam, à quelques encablures de la frontière du Mali, fief des terroristes. La plupart de ces interrogations ne trouveront peut-être jamais de réponse.
Cependant, il est légitime de s’inquiéter sur la sécurité de notre pays. Agadez, on le sait est une zone qui retient l’attention dans le domaine sécuritaire. Cela, à cause des rébellions armées qui y ont sévi mais aussi et surtout sa nature et sa situation géographique qui en font un couloir de passage pour les terroristes et autres trafiquants. D’ailleurs, c’est pourquoi depuis qu’il est président de la République Issoufou Mahamadou y a nommé des gouverneurs militaires. Donc si malgré toute cette attention, des terroristes peuvent frapper fort à Agadez, à Niamey la capitale et à quelques km de Niamey, ce qui est sûr, il y a un fossé entre le discours et la réalité.
C’est tragique que des fils du Niger assurant la protection et la défense de la Nation soient tués sans qu’on ne sache exactement pourquoi ni comment. Lorsqu’on essuie une attaque militaire, la première certitude est qu’il y a eu une faille dans le système. Faille qu’il faut rechercher et corriger pour éviter que ça ne se reproduise. Mais lorsqu’on croise les bras, on favorise du coup une nouvelle attaque. Et la meilleure façon de prévenir les attaques est de faire en sorte que ceux qui les ont menées n’en ressortent pas, qu’ils soient arrêtés vifs ou morts.
Cela implique aussi des sanctions contre ceux qui sont chargés de mettre en place et de veiller à l’imperméabilité du système sécuritaire. Mais lorsque après une telle tragédie, et au lieu de démissionner ou à tout le moins de se faire limoger, c’est le ministre de tutelle des défunts qui vient lire leur oraison funèbre, on ne peut pas parler de responsabilité. Que des nigériens meurent de la sorte est une chose abominable mais que ceux qui sont chargés de leur donner les moyens de se protéger continuent de vivre comme si de rien était est encore plus révoltant.
Les terroristes veulent frapper dans tous les pays du monde, mais ils choisissent de le faire là où ils espèrent s’en sortir, là où ils pensent que c’est facile. Le Niger ne doit pas et ne peut pas être la proie facile des terroristes.