Corruption ou diffamation ? Le tribunal devra se pencher sur le fameux "Don d'Areva", directement affecté à l'achat d'un avion pour le Président du Niger… au moment où Areva et le Niger renégociaient le prix d'achat de l'uranium.
Une des premières missions de Philippe Knoche, le nouveau Président (par intérim) d'Areva, va être de remplacer son prédécesseur Luc Oursel lors du procès du 19 novembre, à 13h30 à la Cour d'appel de Paris, concernant le sulfureux "don d'Areva" au Niger : une somme de 35 millions d'euros directement affectée à l'achat d'un avion pour le Président Issoufou… lui-même ex-cadre d'Areva !
Le 11 décembre 2012, révélant l'existence de ce versement au moment même où le Niger tentait d'obtenir d'Areva une augmentation du prix de vente de l'uranium, l'Observatoire du nucléaire dénonçait "une manoeuvre de corruption, probablement sur le plan légal et assurément sur le plan moral, par Areva qui entend ainsi perpétuer sa mainmise sur les réserves d'uranium du Niger".
Interrogée par l'AFP (dépêche du 12/12/12 : http://bit.ly/1tDANdn), Areva niait dans un premier temps l'existence de ce versement et décidait d'attaquer l'Observatoire du nucléaire en justice - ainsi que son directeur Stéphane Lhomme, poursuivi à titre personnel - pour une prétendue "diffamation", réclamant plus de 25 000 euros de pénalités dans le but évident d'obtenir la disparition de l'association, modeste mais néanmoins probablement un peu trop dérangeante.
Mais, le 14 janvier 2013, l'Observatoire du nucléaire publie le compte-rendu d'une réunion secrète, entre le directeur de cabinet du président nigérien et trois hauts dirigeants d'Areva, qui a eu lieu le 9 novembre 2012 et au cours de laquelle Areva s'est effectivement engagée à verser 35 millions d'euros au budget du Niger.
Le jour même, à nouveau interrogée par l'AFP (cf : http://bit.ly/REeuFE), Areva était bien obligée de reconnaître l'existence du fameux versement mais sans parvenir à le justifier. Ce n'est qu'après l'intervention militaire française au Mali que, le 9 mars 2013 (cf AFP : http://bit.ly/1jk54uE), Areva propose a posteriori une "explication" pour le versement de 35 millions : il s'agirait d'aider le Niger à "sécuriser les mines d'uranium".
Une explication objectivement mensongère puisque le versement n'aura finalement jamais lieu : la "sécurisation" en question n'était donc qu'un faux alibi. Il faut dire que, entre temps, l'Observatoire du nucléaire a publié plusieurs documents accablants pour Areva, et en particulier :
- un document papier officiel de la République du Niger où apparaît noir sur blanc le versement d'Areva… et sa pré-affectation à l'achat d'un avion pour le Président
- un enregistrement audio de la séance du Parlement du Niger au cours de laquelle le ministre des finances de l'époque, M; Gilles Baillet, annonce l'arrivée du versement d'Areva et précise qu'"il y a déjà une première inscription pour l'avion présidentiel dans le budget 2013"
Bien que confrontée à ces éléments explosifs et édifiants, Areva a maintenu sa plainte pour "diffamation", peut-être assurée de pouvoir compter sur la "compréhension" des juges de première instance : c'est en effet par un jugement stupéfiant (cf http://bit.ly/1fp6wLn ) que ces derniers ont donné raison à Areva, en usant de méthode proprement plus que curieuses :
- les accusations de "manœuvre probablement illégale" et de "pré-affectation de la somme", portées explicitement à l'encontre du ministre des finances du Niger, ont été considérées comme de la diffamation… à l'encontre d'Areva !
- la phrase "une manoeuvre de corruption, probablement sur le plan légal et assurément sur le plan moral" a été grossièrement tronquée par les magistrats dans leur jugement, la coupant net après le mot corruption.
Or la fin de la phrasechange totalement le sens de l'accusation portée par l'Observatoire du nucléaire qui n'a jamais évoqué dans cette affaire - contrairement par exemple à l'affaire Uramin - des histoires de valises de billets échangées sous la table : il s'agit en l'occurrence d'un versement parfaitement officiel… et néanmoins totalement injustifiable.
Il sera intéressant, lors du procès du 19 novembre prochain de voir si le nouveau Président d'Areva (par intérim), Philippe Knoche, reprend à son compte les explications abracadabrantesques d'Areva, et si les juges de la Cour d'appel sont aussi complaisants avec Areva que ceux de première instance...