Dans toutes les sociétés du monde, à un moment ou à un autre, il y a eu ce phénomène de sorcières qui jettent des sorts ou mangent des âmes. Et ça a toujours été de vieilles femmes que l’on indexe. Chez notre voisin au Burkina, il y a même des ONG qui accueillent des femmes d’un âge avancé pour les mettre à l’abri de ce genre de traitements.
Pauvres femmes ! Au fait l’explication serait tout simplement biologique. En effet, à un certain âge, la femme, être merveilleux, pleins de charmes et de rondeurs, perd tous ces atouts et devient effroyablement flasque, ratatinée au point où vous n’avez plus envie de répéter le regard que vous posez sur elles ! Et quand souvent le hasard s’en mêle…! Suivez plutôt. Mama est une vieille grande mère de 78 ans qui vit ses derniers jours dans un village du bord du fleuve Niger. Un de ses nombreux enfants, Gado, est un gendarme et il vit à Niamey où il a fondé une grande famille : deux femmes et 13 enfants plus ceux qui viendront encore.
Eh oui, la 2ème épouse de Gado, Biba est enceinte de 4 mois. Gado se rend régulièrement au village, les week-ends surtout, pour rendre visite à sa vieille mère. En y allant, il a l’habitude d’emmener avec lui ses enfants : pas tous. Les 5 enfants de Biba n’y ont jamais été. Leur mère elle-même n’a été qu’une seule fois. Après, elle n’a jamais remis pied pour ne pas se faire manger par cette vieille sorcière de Mama, la mère de son mari. La première fois qu’elle a accepté de s’y rendre, elle en est revenue avec de violents maux de tête ; elle avait la fièvre et elle vomissait. Malgré les analyses des infirmiers qui ont détecté un début de grossesse, Biba n’était pas rassurée.
Elle était allée voir un féticheur qui lui avait révélé que c’était la mère de son mari qui avait attrapé son âme. Depuis, ni elle, ni aucun de ses enfants n’y sont retournés. Dimanche, il est 17 heures. Gado revient de sa descente dominicale au village. Surprise : il a ramené sa vieille grande mère qui souffre de maladie. Malgré les vociférations de Biba, il décide de garder sa mère avec lui, allant jusqu’à vouloir la garder définitivement à ses côtés. Après cette guéguerre familiale, Gado emmena sa vieille mère à l’hôpital où elle reçoit des soins : c’est un début de choléra. « Heureusement que tu l’as amenée tôt », lui fait comprendre le médecin.
Le lundi matin, Idrissa l’enfant de Fatou la coépouse de Biba se réveille avec une violente diarrhée et des vomissements carabinés. Gado ordonne à Fatou d’amener l’enfant au dispensaire pendant que lui se rend à son service. Il lui demande de lui téléphoner pour l’informer de l’évolution de la santé de son enfant. A peine est-il sorti que Biba retrouve sa coépouse dans sa chambre. Elle lui chuchote : « Va droit voir le féticheur ; c’est cette vieille femme. Moi j’ai interdit à mes enfants de l’approcher. ». Et Fatou de reconnaître : « Wallahi c’est vrai ; il a dormi avec elle hier ; c’est après que j’étais partie le chercher ». Course folle pour arriver chez le Zima. Fumée d’écorces diverses ; décoctions sur décoctions.
La diarrhée et les vomissements sont arrêtés. On ramène l’enfant à la maison. Dommage, les mêmes effets reprennent de plus belle. Les soins préconisés par Zima continuent. Gado qui a l’habitude de passer ses journées au travail ne s’inquiète pas ; il se dit que tout va bien s’il n’a reçu aucun coup de téléphone jusque-là. A l’instant même où cette réflexion lui fouette l’esprit, son téléphone sonne ; c’est sa femme ; des pleurs, rien que des pleurs. Gado saute dans son véhicule. Il se dit que certainement c’est la maladie de sa mère qui s’est empirée. Il arrive chez lui. Devant la porte, Biba et ses enfants qui chargent leurs affaires dans un véhicule « Dogon baré ». Tous ont le visage couvert de larmes. Il demande à Biba ce qui se passe. Silence ou plutôt les pleurs qui redoublent.
Il entre précipitamment dans la maison. Fatou et ses enfants sont aussi en pleurs. Des sages du quartier sont assis sur des chaises à un coin de la maison. Il se dirige vers eux et demande ce qui se passe. On lui annonce, la tête baissée que son jeune enfant malade vient de trépasser. Il se dirige vers sa femme et lui demande avec nervosité : « Il est mort dans quel dispensaire ? ». Entre des sanglots, elle bredouille : « Il est dans la chambre ; je l’ai amené chez Zima ». Gado ne peut se retenir. Il lui envoie une violente gifle. Un des voisins qui a suivi la scène accourt. Il s’interpose entre les deux. Tous se calment. On transporte l’enfant à la morgue. L’enterrement est prévu pour le lendemain matin.
Entre temps, les médecins ont pu détecter la cause de la mort. Déshydratation suite à une crise de choléra. Mama la sorcière a vraiment sévi, parole de Biba qui est rentrée chez ses parents.