Toujours présents au nord Mali, les terroristes du Mujao frappent désormais au Niger. Deux attaques ont été menées à l'ouest du pays le 30 octobre et le 19 novembre. Le Mujao (Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest) a frappé à deux reprises le Niger, dans la nuit du 29 au 30 octobre et le 19 novembre dernier, dans la région de Tillabéri, à l’Ouest du pays, près de la frontière malienne, occasionnant 13 morts au moins, dont dix membres des forces de sécurité nigériennes.
Des peuls armés contre les touaregs
Ce lourd bilan est le résultat d’attaques spectaculaires visant directement les forces de sécurité. La première a touché simultanément trois cibles : la prison de Ouallam, le village de Mangaize, où est installé un camp de réfugiés maliens et la patrouille régionale de Tillabéri.
12 hommes armés, sur 6 motos, ont attaqué la prison de Ouallam vers 5 heures du matin, et libéré 90 des 118 détenus, les gardes ayant pris la fuite. La majorité des victimes ont péri pendant la poursuite des auteurs de cette attaque par trois véhicules de la patrouille de Tillabéri. Un tir de roquette a touché le véhicule de la police et tué cinq policiers et blessé très gravement un sixième. Pendant la même nuit, 8 hommes armés se sont introduits dans le camp de réfugiés de Mangaizé où ils ont abattu deux gendarmes et deux gardes nationaux. A chaque fois, les assaillants se sont emparés des armes à leur portée.
Deux des assaillants de la prison ont été faits prisonniers, suite à une panne de carburant. Ils ont permis d’en savoir plus sur l’origine des agresseurs. Il s’agirait de Peuls de la région, qui se sont armés au fil des ans pour se défendre contre les attaques de Touaregs maliens, et qui voulaient libérer des camarades détenus, selon eux, injustement, à Ouallam.
Certains de ces Peuls ont appartenu aux milices Gandakoye et Ganda Izo, constituées pour se défendre contre les voleurs de bétail touareg, et qui ont rejoint le Mujao pendant l’occupation du Nord du Mali, pour se battre contre le MNLA, reproduisant les fronts maliens des années 1990. Les deux Nigériens arrêtés ont affirmé qu’ils voulaient défendre leurs frères peuls du nord de la région de Tillabéri, en butte, selon eux, au harcèlement des autres ethnies.
La deuxième attaque, moins spectaculaire, toujours émanant des mêmes groupes, a abouti à la mort d’un sous-officier tandis que deux autres étaient gravement blessés. Un véhicule de l’armée nigérienne a été détruit et un véhicule de la gendarmerie emporté. Le porte-parole du Mujao a revendiqué cette opération dans une brève déclaration téléphonique. Walid Abou Sahraoui a annoncé la poursuite des opérations contre ceux qu’il qualifie d’ennemis de l’Islam, c’est-à-dire les alliés de la France, et la France elle-même.
L'armée dépassée
Selon Karimou Boureima, député de Ouallam, ces attaques émanent d’anciens miliciens peuls, devenus bandits depuis la fin de la guerre au Nord du Mali, et récupérés par le Mujao. Ces bandits terrorisent la région, y compris leur communauté, qu’ils rackettent. Les chefs traditionnels peuls n’ont pas d’autre choix que de payer pour avoir la paix.
Karimou Boureima, opposant, estime que l’Etat joue un jeu ambigü avec ces hommes car « il les connaît et il sait où ils se trouvent. » « Au sein de l’Etat, il y a des gens qui les protègent », a-t-il dit. En effet, averti par des villageois ayant repéré les bandits près de la frontière, le député a prévenu le gouverneur et le préfet quelques heures avant l’attaque de la prison. Le chef de canton de Tondikiwindi a également prévenu ces mêmes autorités. Mais rien n’a été fait. « On n’ose plus sortir la nuit, ni même s’éloigner des centres des villages. Dès qu’on voit des lumières la nuit, on a peur », a-t-il dit.
Ces attaques créent la psychose au sein des forces de sécurité dans la région. Il y a une semaine, des militaires ont tiré des coups de semonce contre leurs camarades rentrés au petit matin d’une virée arrosée. Un homme a été blessé. En effet, les militaires sont conscients de leur vulnérabilité, alors qu’ils manquent d’armes et de munitions en état de fonctionner.
Les armes et les munitions sont strictement contrôlées par l’état-major dans un contexte de méfiance du pouvoir à l’égard de l’armée. C’est ainsi que les soldats sont systématiquement désarmés à 15 km de Niamey, de sorte qu’aucune troupe en arme, à l’exception de la Garde présidentielle, ne se trouve dans la capitale.