Le président français François Hollande a martelé samedi son avertissement aux dirigeants qui voudraient s’accrocher au pouvoir à tout prix, devant les chefs d’Etat et de gouvernement majoritairement africains réunis au XVe sommet de la Francophonie à Dakar.
Ce sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) rassemble une trentaine de dirigeants qui devront désigner le successeur d’Abdou Diouf, ex-président sénégalais. La situation s’est compliquée depuis la chute, fin octobre, du président burkinabè Blaise Compaoré, que Paris et M. Diouf souhaitaient voir hériter du poste.
Les rencontres se tiennent sous la menace d’Ebola en Afrique de l’Ouest, qui a tué près de 7.000 personnes en un an, et du groupe islamiste armé Boko Haram, soupçonné d’être responsable d’un attentat ayant fait au moins 120 morts vendredi dans une mosquée au Nigeria anglophone, entouré de pays francophones.
M. Hollande a appelé dans son discours les dirigeants africains à "s’unir contre la barbarie" après cette tuerie, et à tout faire "pour qu’il n’y ait plus d’Ebola".
"La Francophonie est soucieuse des règles en démocratie, de la liberté du vote, du respect des lois constitutionnelles et de l’aspiration des peuples, de tous les peuples à des élections libres", a assuré M. Hollande, citant en exemples la "leçon" de la transition tunisienne et "la belle démonstration" du peuple burkinabè.
"Cette transition doit servir de leçon là où les règles constitutionnelles sont malmenées et où l’alternance est empêchée", a répété le président français sous les applaudissements, sans citer de pays.
Des élections sont prévues l’an prochain en Guinée, en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo (RDC) et au Congo, les présidents de ces deux derniers pays étant accusés par leurs oppositions de vouloir garder le pouvoir par tous les moyens.
Avant son départ pour Dakar, M. Hollande avait déjà mis en garde les dirigeants voulant se maintenir contre vents et marées, comme Blaise Compaoré, qui espérait briguer un nouveau mandat après 27 ans au pouvoir.
- ’Pas de candidat de la France’ -
Ce contre-exemple pourrait obérer les chances de deux des cinq candidats à l’OIF, dont quatre Africains: l’ex-président burundais Pierre Buyoya, au passé de putschiste, et l’écrivain congolais Henri Lopes, dont l’âge (77 ans) et le statut d’ambassadeur de son pays à Paris pourraient s’avérer rédhibitoires.
Restent l’ex-gouverneure générale du Canada Michaelle Jean, d’origine haïtienne, dont la France a loué la candidature - peu au goût en revanche des pays africains, au nom d’une règle non écrite voulant que le poste revienne à un pays du Sud -, ainsi que l’ex-Premier ministre mauricien Jean-Claude de l’Estrac et l’Equato-Guinéen Agustin Nze Nfumu, peu connu.
"La France n’a pas de candidat", a déclaré François Hollande, se félicitant que ce ne soit pas elle "qui désigne le secrétaire général de la Francophonie".
C’est le président sénégalais Macky Sall, hôte du sommet, qui conduit les discussions, afin notamment de conduire un ou plusieurs candidats africains à se désister, ont indiqué ded sources diplomatiques françaises.
Le vainqueur doit être annoncé dimanche après des discussions à huis clos, pendant lesquelles une candidature de dernière minute est possible.
Dirigée pendant 12 ans par Abdou Diouf, l’OIF, jusqu’alors connue pour ses missions de coopération dans le développement et de soutien à la langue française, a gagné en poids politique grâce à la diplomatie d’influence dans les crises africaines pratiquée par M. Diouf.
Macky Sall a inauguré ce sommet consacré aux jeunes et aux femmes en appelant à la solidarité contre Ebola, annonçant que le site construit pour l’occasion, pour un coût de 57,875 milliards de francs CFA (plus de 88 millions d’euros), porterait désormais le nom de "Centre international de conférences Abdou Diouf" (Cicad).
Symbole des inquiétudes régionales, les participants étaient priés de prendre leur température pour vérifier l’absence de fièvre, premier symptôme d’Ebola, qui affecte sévèrement la Sierra Leone, la Guinée et le Liberia.
Avant une réunion à huis clos des 57 pays membres de plein droit de l’OIF sur la situation politique et économique mondiale, Abdou Diouf a affirmé dans le dernier discours de sa vie publique, à 79 ans, que la plus grande menace n’est "pas seulement le terrorisme ou le changement climatique", mais "c’est de persister dans l’idée d’une communauté internationale qui ne soit pas une véritable communauté démocratique de nations".