Il n’y a sans doute aucun Nigérien de bonne foi pour prétendre que les lois et règlements de la République, à commencer par la Constitution, ont été particulièrement épargnées durant ces quatre années d’exercice du pouvoir politique par Issoufou Mahamadou, malgré les multiples et fracassantes professions de foi répétées à l’envi.
Quant à nous autres, journalistes, nous continuons à dénoncer et à fustiger, bien que fatigués et lassés par tant de scandales. Et comme toujours lorsque l’objectif est défini, plus rien ne compte. La loi est royalement ignorée lorsqu’elle n’est pas simplement piétinée. C’est ce qui s’est passé en juin 2014 à la Caisse autonome de financement de l’entretien routier (CAFER) avec la nomination de Magagi Habou Soufiane, intervenue en violation flagrante des statuts de ladite caisse.
Le 1er juin 2014, en violation flagrante des statuts de la Caisse autonome de financement de l’entretien routier (CAFER), le gouvernement a procédé au recrutement d’un nouveau directeur. Le 16 juin 2014, le ministre de l’Equipement, Ibrahim Nomao, adresse à son homologue de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Laouali Chaïbou, une correspondance portant en objet : « Mise en position de détachement », transmettant ainsi la demande de Magagi Habou Soufiane, l’heureux élu du système. Ibrahim 48 heures après cette fameuse lettre, le ministre Laouali Chaïbou signe l’arrêté N° 1410/MFP/RA du 18 juin 2014 mettant en position de détachement auprès de la CAFER le sieur Magagi Habou Soufiance, Mle 52725/V. Les deux savent pourtant que l’article 13 de ces statuts de la CAFER stipule clairement que « le directeur de la CAFER est recruté sur le marché national après appel à candidature. Il est nommé par le président du Conseil des routes après avis du Conseil des routes ». Non seulement ledit article précise que le personnel de la CAFER, y compris le directeur, est recruté par voie d’avis de recrutement et est régi par le Code du travail et les dispositions de la Convention collective interprofessionnelle, mais il notifie clairement que « le personnel salarié de la CAFER ne peut être un fonctionnaire de l’Etat en activité ou en disponibilité ». L’un, Ibrahim Nomao, ne peut prétendre ignorer cette disposition puisqu’il est le ministre de tutelle de la CAFER et disposant d’un représentant personnel, son conseiller, au sein du Conseil des Routes. L’autre, Laouali Chaïbou, a dirigé le Conseil d’administration de la CAFER pendant plus de cinq ans. Tous deux ont, donc, violé délibérément les statuts de la CAFER afin de placer à sa tête un protégé du Guri. D’ailleurs, selon des informations dignes de foi, il y a eu d’énormes pressions politiques en amont de cette violation grave des statuts de la CAFER. Magagi Habou Soufiance, lui, a été mis en détachement, aspect qui n’a pas été explicitement visé par les statuts de la CAFER, en son article 13. Seulement, cela ne peut constituer une quelconque excuse pour les deux ministres qui savent bien qu’ils risquent d’être rattrapés par cette histoire. Ils savent pertinemment que le détachement est entendu comme une position administrative dans laquelle le fonctionnaire conserve ses droits à l’avancement (grades et échelons) et à la retraite tandis que la disponibilité lui fait perdre ses droits à l’avancement et à la retraite. Ce sont donc les deux extrêmes que les statuts de la CAFER ont visés. On ne peut, par conséquent, être directeur de la CAFER en détachement alors que cela est catégoriquement refusé même dans le cas d’une disponibilité. C’est ainsi que Magagi Habou Soufiane, un ingénieur général des Travaux publics est mis en position de détachement auprès de la CAFER pour une durée de deux ans renouvelables à compter du 1er juin 2014. Les deux ministres ont incontestablement violé la loi d’autant que dans l’avis de recrutement rendu public dans le quotidien gouvernemental, Le Sahel du 10 septembre 2013, il est clairement notifié que tout candidat retenu qui serait agent de l’État doit préalablement démissionner de la Fonction publique. Mais que dire de tout ce beau monde avisé qui s’est rendu complice de cette grave violation ? Car, si elle est placée sous la tutelle du ministère de l’Equipement, il n’en reste pas moins vrai que la CAFER est administrée par un organe délibérant dénommé Conseil des Routes. Ce conseil est composé de 12 membres dont les sept sont tous du secteur privé. Il est même précisé que « les représentants des opérateurs économiques doivent avoir un niveau supérieur », c’est-à-dire qu’ils sont à même d’appréhender correctement les enjeux liés au choix du personnel de la CAFER. Il y a également les représentants des usagers de la route qui sont au nombre de trois. Mieux, le président du Conseil des Routes doit être un représentant du secteur privé. Ce sont tous ces citoyens qui se sont rendus complices, soit par leur acte, soit par leur silence, de la violation des textes de la CAFER. Les conséquences prévisibles pour les acteurs de cette grave violation des statuts de la CAFER. Magagi Habou Soufiane, qui touche un pactole de trois millions de FCFA à ce poste tout en conservant ses droits à l’avancement et à la retraite, remboursera probablement, un jour, l’intégralité des traitements perçus en qualité de directeur de la CAFER. Quant aux deux ministres artisans de cette violation, il faut bien qu’ils répondent de leurs forfaitures devant les juridictions compétentes.