Niamey- Le procès pour trafic de bébés de l'ex-président du Parlement du Niger, devenu le principal opposant au chef de l'Etat Mahamadou Issoufou, a été renvoyé vendredi dès son ouverture en l'absence de l'accusé qui, en fuite, crie au "complot" politique.
Pour des questions de procédure, le juge du tribunal correctionnel de Niamey a annoncé le renvoi du procès de Hama Amadou, jugé par contumace, et d'une vingtaine d'autres accusés, dont son épouse, qui comparaissaient libres après cinq à six mois de détention.
Le juge a annoncé la date du 15 janvier pour la reprise des audiences.
Mais, quelques heures plus tard, la défense a précisé que la reprise était en fait prévue pour le 30 janvier. "La date du délibéré, c'est bien le 30 janvier, et non le 15 janvier", a affirmé Me Souley Oumarou, l'avocat de Hama Amadou et de son épouse, ce qu'a confirmé un autre avocat.
La dizaine d'avocats de la défense ont soulevé des objections, mettant notamment en cause la compétence du juge pénal à juger le dossier sur le fond.
Après une interruption de séance, le juge a renvoyé l'affaire au vu "de la qualité des pièces, et des éléments de droit fournis".
Issus des milieux politiques, économiques ou militaires nigériens, les prévenus sont notamment accusés de "supposition d'enfant" dans le cadre d'un trafic régional. Ce délit, qui consiste à attribuer la maternité d'un enfant à une femme qui ne l'a pas mis au monde, est passible de deux à huit ans de prison.
Le présumé trafic est parti du Nigeria, le grand voisin au sud du Niger.
Or, a lancé Me Souley Oumarou, "il n'y a pas de victime, il n'y a pas de plaignants, même le Nigeria n'a pas porté plainte".
L'épouse de l'ancien patron des députés, Hadiza, avait pris place dans le box des accusés, les yeux dissimulés derrière des lunettes de soleil. A ses côtés, le ministre de l'Agriculture, Abdou Labo, et son épouse, ainsi qu'un colonel d'armée et son épouse.
Le palais de justice de la capitale nigérienne avait été placé sous haute surveillance. Tout le périmètre a été bouclé par la police, qui filtrait les entrées pour ce procès qui a pris une dimension politique dans ce pays du Sahel, parmi les plus pauvres du monde.
- Un procès 'politique'? -
Le climat s'est en effet tendu depuis que Hama Amadou est passé en août 2013 à l'opposition au président Issoufou, dont il avait permis l'accession au pouvoir en avril 2011 grâce à une alliance de second tour.
Pour ses partisans, M. Amadou est désormais devenu le principal adversaire du chef de l'Etat pour l'élection présidentielle de 2016.
L'ancien chef du Parlement, déjà remplacé à la tête de l'institution, avait précipitamment quitté le Niger fin août, après que les députés eurent autorisé son audition par la justice dans l'affaire de trafic de bébés. Un mandat d'arrêt a ensuite été émis à son encontre.
Depuis la France où il s'est exilé, M. Amadou n'a de cesse de dénoncer "un complot" du régime et "un dossier politique".
Son parti, le Mouvement démocratique nigérien (Moden), accuse le pouvoir de chercher à "abattre Hama".
Mais la majorité défend fermement le bien-fondé de la procédure judiciaire.
"Fermer les yeux, c'est ça qui aurait été politique", a répliqué le ministre de la Justice Marou Amadou. Pour lui, "ce dossier est un dossier de droit commun".
L'affaire a en tout cas mis en lumière le phénomène des "usines à bébés", sortes de cliniques privées accueillant des femmes enceintes avant de vendre leurs bébés. Ces "usines" sont régulièrement démantelées au Nigeria.
Le "réseau" sur lequel le tribunal correctionnel de Niamey va se pencher dans quelques semaines concerne "des femmes ou leurs époux qui n'arrivent pas à avoir d'enfants et qui ont recours aux trafiquants", a expliqué à l'AFP une source judiciaire.
Selon cette source, une trentaine de bébés, dont des jumeaux, sont concernés par ce trafic entre le Nigeria, où ils ont été conçus par des mères anonymes, le Bénin par où ils transitaient, et le Niger où ils ont été emmenés.