Lundi 5 janvier 2015. Rien d'inhabituel en apparence à l'aéroport de Niamey. Du moins jusqu'à 13 heures, heure locale, lorsqu'un jet privé atterrit. A son bord, un groupe de " terroristes " qui attire l'attention malgré les précautions prises.
Car, aussitôt descendus du jet privé qui les a transportés jusqu'à Niamey, ils sont embarqués dans quatre véhicules mis à disposition par le gouvernement qui les attendaient au pied de la passerelle. Un des quatre véhicules a servi pour leurs bagages. Ils ne sont soumis à aucune formalité de police ou de douane. Curieux tout de même !
Renseignement pris, ce sont des Libyens. Que viennent-ils chercher dans un pays dont les autorités, depuis des mois, se démènent comme de beaux diables pour convaincre les puissances occidentales à assurer ce que le ministre de l'Intérieur appelle sans vergogne " le service après-vente "en Libye, c'est-à-dire faire subir à la Libye un nouveau déluge de feu, une nouvelle guerre. Ces Libyens qu'on a voulu soustraire aux regards indiscrets sont une dizaine à peu près. La façon peu réglementaire dont ils ont été acheminés à l'intérieur de la ville laisse penser que la raison de leur présence à Niamey est plutôt sérieuse. Mais qui sont-ils en fait ? De quelle milice armée ou de quelle branche terroriste sont-ils puisque, de l'avis-même du Président Issoufou, la Libye n'est plus qu'un sanctuaire de bandits et de djihadistes dangereux pour la stabilité de la sous-région, voire pour la sécurité de l'Occident.
La semaine dernière encore, il martelait sa détermination à voir ce " service après-vente " effectué.
C'était à l'occasion de la visite au Tchad et au Niger du ministre de la Défense français ; propos indécents et complètement déments auxquels le Président français, François Hollande, a répondu de la plus belle manière, le lundi dernier : "La France n'interviendra pas en Libye parce que c'est à la communauté internationale de prendre ses responsabilités et pour l'instant, elle doit faire en sorte qu'il puisse y avoir un dialogue politique, il n'est même pas installé, et deuxièmement que l'ordre puisse être rétabli", a-t-il déclaré à la radio France Inter.
Une belle claque qui va peut-être ramollir l'ardeur belliqueuse de Niamey. L'arrivée à Niamey d'un jet privé transportant des Libyens pourrait être liée à cette folie politique du Président Issoufou et de son ministre de l'Intérieur qui appellent ouvertement l'Occident " à achever le travail entamé avec l'éviction, puis la mort de Kadhafi ". Si telle est l'explication à donner à cette présence inopinée d'une délégation officielle ( ?) libyenne en terre nigérienne, il faut dire que la diplomatie nigérienne a du plomb dans l'aile.
Bazoum Mohamed, qui a reçu cette délégation, a dû s'emmêler les pinceaux en essayant d'expliquer et de faire accepter la position de Niamey. Mission presque impossible lorsqu'on sait que le Président Issoufou parle de la Libye comme d'un État qui n'existe plus et qu'il faut nécessairement pacifier par la guerre. Toute la différence avec la plupart des acteurs internationaux qui continuent à vouer à la Libye un respect digne de tout Etat et qui estiment qu'il faut en priorité prospecter toutes les voies de dialogue. Cette hypothèse, malheureusement, n'est pas l'unique qui s'invite à la réflexion induite par cette visite de Libyens tenue secrète.
L'autre hypothèse épouse la logique du Président Issoufou, même si elle a fait frissonner. Car, si les Libyens arrivés lundi en début d'après-midi sont des membres d'une faction rebelle ou terroriste, alors le danger est grand de voir le Niger engagé aux côtés d'un groupe de Libyens décidés à imposer leur loi aux autres. Et puisque officiellement, rien n'a transpiré de leur visite, les spéculations vont bon train. Plusieurs observateurs, et non des moindres, estiment que Bazoum Mohamed, si bavard et gaffeur devant l'Eternel, a du pain sur la planche. Soit, il doit travailler à recoller les morceaux des bavures diplomatiques du Président Issoufou, soit il est l'homme-orchestre choisi pour ses relations anciennes dans ce pays, pour œuvrer à la mise en place de cet axe maléfique du mal, celui de l'usage des armes pour pacifier la Libye.