Suite aux dernières publications des caricatures du prophète de l’Islam (PSL) de l’hebdomadaire français ‘’Charlie Hebdo’’, la semaine dernière, et à la participation du Président de la République à la marche républicaine organisée dans la capitale de l’Hexagone, le 11 janvier 2015, ainsi que celle du président de l’Association Islamique du Niger (AIN), notre pays a connu les manifestations les plus violentes et les plus meurtrières en 55 ans d’indépendance.
En effet, dès la fin de la grande prière de vendredi (juma’a), deux régions (Agadez et Zinder) vont donner le coup de départ de journées noires qui vont voir se déferler des vagues de violences sans précédent qui vont atteindre leur paroxysme dans la capitale Niamey, dès le lendemain. D’abord à l’intérieur du pays, en protestation à la publication de ces caricatures sataniques, à l’appel de certaines associations islamiques, des milliers de personnes sont sorties massivement dans les rues pour saccager, dévaster tout sur leur passage, incendiant tout ce qui était inflammable, allant jusqu’à franchir le rubicond en s’en prenant à des lieux de culte chrétien auxquels ‘’ces fous d’Allah’’ ont mis le feu.
Le décompte macabre est lourd : 5 morts et une centaine de blessés. En réalité, et cela personne ne l’avait vu venir, les événements d’Agadez et de Zinder n’étaient que des tourbillons en prélude à la grande tempête qui s’abattra sur la capitale dès les premières heures de la matinée de ce samedi 17 janvier 2015. A Niamey, dès la publication de ces caricatures blasphématoires, les milieux islamiques étaient en effervescence. C’était d’abord l’Association des femmes musulmanes, dont à leur tête la vénérable ‘’oustaza’’ madame Houda et madame Nargoungou, qui était montée au créneau pour s’offusquer de la publication de ces monstruosités.
Puis, ce fut le tour des associations islamiques masculines d’entrer dans la danse en appelant les fidèles musulmans à un grand prêche à la Grande Mosquée de Niamey. Malheureusement, ce rassemblement avait été interdit par le Ministre de l’Intérieur, Hassoumi Massaoudou, intervenu la veille sur Télé Sahel pour réitérer l’interdiction on ne sait pour quelles raisons ! En adoptant une telle fermeté, le Ministre de l’Intérieur n’avait pas pris la mesure de la situation en n’ayant pas pris les dispositions nécessaires pour mettre à l’abri la communauté chrétienne de notre pays qui a payé un lourd tribut dans ces émeutes.
Mieux, cette intervention du Ministre Massaoudou, malencontreuse à plus d’un titre, n’aura fait que davantage exposer nos frères chrétiens à la vindicte de ‘’ces fous d’Allah’’. Un tel discours aurait dû être suivi d’un dispositif de sécurité impressionnant sur tous les lieux de culte chrétien dans la ville de Niamey, eu égard à ce qui s’était passé la veille à Zinder et Agadez. Mais, cela, c’est une autre affaire, ce qui nous préoccupe aujourd’hui, ce sont ces vagues de violences incompréhensibles, gratuites et sans aucun fondement qui se sont emparées d’un pays si paisible et si hospitalier jadis comme le Niger.
En effet, rien ne saurait justifier ces violences barbares, pas même au nom du prophète de l’Islam (PSL) qui fut un modèle de tolérance en mettant sous sa protection à Médine ‘’les gens du livre’’ (entendez par là les juifs et les chrétiens). Quelle faute ces paisibles chrétiens du Niger ont-ils commise pour être pris pour cibles par nos compatriotes abusés certainement par une lecture trompeuse de la religion musulmane dont la substance même est la paix des âmes et des corps ? C’est justement ce genre d’amalgame fâcheux qu’il aurait fallu éviter pour ne pas tomber dans le piège des ‘’fanatiques religieux’’.
Le pape François, la plus haute autorité pontificale, n’a-t-il pas apporté son soutien aux musulmans en déclarant que ‘’ la liberté d’opinion ne donne pas celle d’offenser la foi de l’autre’’ ? Ces vendredi et samedi derniers, ce n’était pas l’Islam, le vrai, l’authentique qui s’était exprimé dans notre pays, mais bien sa caricature tout aussi semblable que celles de ‘’Charlie Hebdo’’, cet islam dévoyé, dénaturé et asservi au terrorisme qui frappe dangereusement à nos portes. Pire, à Zinder, on a même aperçu dans les manifs des banderoles frappées à l’effigie de la secte islamiste ‘’Boko haram’’.
Pour qui connait le modus vivendi (mode opératoire) de cette nébuleuse terroriste, il n’y avait aucun doute, elle a réussi à infiltrer nos populations, car chez nous au Niger, il n’existe pas une telle culture de violence. Même les divergences doctrinales entre confréries tidjanites et obédiences salafistes qui divisent profondément ailleurs les musulmans n’ont jamais donné lieu chez nous à des guerres fratricides. C’est pourquoi nous disons que nous sommes désormais en danger. Ce que nous redoutions depuis longtemps, c’est-à-dire cet islam fondamentaliste qui sévit au nord du Mali et du Nigéria, cet islam qui est la tropicalisation d’Al-Qaïda dans notre espace régional, est bien-là.
Le Président Issoufou ne s’était donc pas trompé, en homme d’Etat visionnaire et averti, il avait pressenti toutes ces menaces et avait d’ailleurs déployé toute sa rhétorique pour réveiller la conscience de la communauté internationale afin qu’elle ouvre grands les yeux pour voir ce que l’on a longtemps minimisé en termes de défis sécuritaires. Le Président de la république, en prenant part à la grande marche républicaine de Paris, voulait avant tout exprimer à l’endroit du peuple français toute la compassion de la nation nigérienne suite au barbare attentat qui avait frappé le journal ‘’Charlie Hebdo’’, mais aussi témoigner de sa désapprobation contre tout acte de terrorisme fût-il perpétré au nom de l’Islam.
Il était donc dans la continuité de la mission qu’il s’est assignée, à savoir lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes. C’est dans ce sens qu’il fallait comprendre le déplacement du Président Issoufou, et non pas pour apporter un soutien à ceux qui caricaturent notre cher prophète (PSL), comme certains manipulateurs ont bien voulu lire dans cet acte du Chef de l’Etat. Malheureusement, chez nous, pour des raisons évidentes de politique politicienne, dans cette affaire, on voulu raser gratis en créant un climat d’insurrection sur une bonne partie du pays. Cela n’est pas sans rappeler les évènements de Mai 2014 où, instrumentalisant les scolaires et autres étudiants, certains milieux politiques avaient projeté d’installer la chienlit sur l’ensemble du territoire national afin de préparer le terrain à l’irruption de l’armée sur la scène politique nationale.
Malheureusement pour eux, la situation a été vite mise sous contrôle, mais il reste à établir les responsabilités de chacun dans les enquêtes qui ont déjà été diligentées à cet effet. Aujourd’hui aussi, il faudra impérativement procéder à des enquêtes minutieuses pour découvrir les vrais commanditaires de ces actes barbares et ignobles.