Niger Voice reçoit Me Boubacar MOSSI, l’avocat de l’ex président de l’Assemblée Nationale du Niger Hama Amadou, l’un des accusés dans l’affaire dite du trafic des bébés importés du Nigéria. Il se prononce sur les points de droit qui ont abouti à la déclaration d’incompétence du Tribunal de Grandes Instances de Niamey, une première victoire pour son client.
Mohamed SEIDOU : Le 02 janvier le Tribunal de Grandes Instances, Hors Classe, de
Niamey a tenu une audience importante. Que s’est-il réellement passé ce jour ?
Me MOSSI : Le 2 janvier, c’était la plaidoirie dans cette affaire. Le procès a été ouvert et les avocats, comme à l’habitude, à l’entame dans l’ordre de préséance ont présenté les exceptions de nullité de la procédure. Le tribunal a effectivement reçu nos exceptions et a mis en délibéré l’affaire pour la date du 30 janvier.
Mohamed SEIDOU : Nous venons d’apprendre la teneur de l’arrêt rendu, arrêt par lequel le Tribunal s’est déclaré incompétent. De quoi s’agit-il exactement ?
Me MOSSI : En effet, en application de la loi nigérienne, notamment de l’article 327 du code civil nigérien, il est pratiquement impossible d’engager une poursuite criminelle ou pénale en matière de supposition d’enfants avant l’intervention d’une décision au civil devenue définitive sur la filiation des enfants. Et c’est cet argument, entre autres, que nous avons plaidé et le tribunal a fait droit à cette exception en constatant qu’à défaut d’un tel jugement devenu définitif, il ne peut pas aller juger en correctionnelle. Ca veut dire que la procédure engagée devant le Doyen, par le Procureur, en l’état, ne peut pas être jugée.
Mohamed SEIDOU : Est-ce à dire que tout est fini. Il y a parmi les accusés, un opposant politique, le Président du MODEN LOUMANA, Hama Amadou, Ancien Président de l’Assemblée Nationale, actuellement en exil en France. Peut-il rentrer tranquillement dans son pays maintenant ?
Me MOSSI : Dans les conditions normales de pression et de température, lorsqu’une décision de ce genre est rendue par le tribunal correctionnel, ca veut dire que le mandat est tombé et qu’il n’y a pas de poursuites en l’état contre les personnes. Mais évidemment, le Parquet a un délai d’appel de dix jours ; il peut faire appel et je crois que la dernière fois, il a dit qu’il va faire appel. Mais ce qui est sûr, c’est que, puisque l’appel n’est pas suspensif et que la plupart des accusés sont en liberté provisoire, la liberté provisoire n’est pas révoquée, comme le mandat est sensé être caduque, parce que le juge d’instruction a dit après le départ de Hama Amadou aurait du faire constater un procès verbal de recherche infructueuse et renvoyé le dossier. A partir de ce moment, lui il est dessaisi. Cela veut dire que personne ne pouvait plus recevoir Hama. Il n’y a que le juge de jugement qui peut décerner un mandat, ce qui n’est pas le cas. Maintenant, en l’état actuel, c’est à bon droit, si les gens respectent la légalité, il n’y a plus de mandat d’arrêt contre Hama.
Mohamed SEIDOU : Nous comprenons que le Procureur va faire appel. Quelle est la signification de cet appel-là ?
Me MOSSI : La signification, c’est que le Procureur estime qu’il n’est pas d’accord. On lui dit que sa procédure est irrecevable, c’est tout à fait légitime pour lui de faire appel, parce que imaginez que si nous aussi nous avions perdu nous aurions fait appel. Le contexte est tel que, quand je dis qu’en l’état il n’y a aucun mandat contre Hama, je parle dans les conditions d’un procès normal et qui n’est pas politique. Or, l’acharnement du Procureur, la précipitation du Procureur, le manque de maitrise du Procureur qui est sorti pour raconter ce qu’il a à raconter, et tous ceux qui l’on entendu trouvent que le procès est éminemment politique ; et dans ces conditions on ne peut pas recommander à Hama de rentrer parce que la pression politique est toujours là.
Mohamed SEIDOU : Hama Amadou que nous avons reçu ici a toujours clamé que cette affaire a été montée de toute pièce pour l’écarter de la scène politique. Nous lui avons posé la question de savoir quand est ce qu’il va rentrer au Niger et il nous a dit qu’il rentrera quand les conditions d’une victoire de l’opposition seront réunies. Quand est ce que Hama Amadou va-t-il rentrer ?
Me MOSSI : Je ne sais pas exactement quand est ce qu’il va rentrer. Je disais tantôt que le procès est politique et vous savez qu’en l’état actuel du Niger les autorités politiques font ce que bon leur semble. Aucun mouvoir n’est respecté. Toutes les institutions sont manipulées, à commencer par la cour constitutionnelle qui ne dit plus le droit ; elle peut dire une chose aujourd’hui et le contraire demain, rien n’est garanti, je dis, en dépit de cette victoire, je crois que les conditions de sa sécurité ne sont pas réunies.
Mohamed SEIDOU : Maitre permettez-moi de me rendre à Michigan et de donner la parole à notre compatriote Tahirou qui va vous poser des questions.
TAHIROU : Tout le monde a suivi dès le départ que le dossier était vide. Maintenant si le Procureur Général fait un appel par rapport ce que le juge d’instruction avait dit, va-t-il avoir un autre juge d’instruction qui va se saisir du dossier ?
Me MOSSI : Si en cour d’appel la décision du premier juge est infirmée, ils n’auront pas besoin de nommer un autre juge d’instruction. Mais ça m’étonnerait parce que je ne vois pas comment ils vont contourner les dispositions de l’article 327, sans violer la loi. Là, dans ses conditions, nous-mêmes, nous avons le droit de nous pourvoir en cassation.Ca veut dire que l’affaire ne peut pas s’arrêter en cas de victoire du Procureur en appel, par ce que la loi est dure mais la loi reste la loi, sed lex dura lex sed.
Mohamed SEIDOU : Me quelles sont les conditions de Mme Hama Amadou ? Ou sont les enfants ?
Me MOSSI : Les parents libérés provisoirement sont retournés à la maison où ils ont retrouvé leurs enfants. Le problème, c’est qu’au moment de la détention des parents, les enfants étaient laissés à leur sort, abandonnés entre les mains des nounous au domicile des parents. Maintenant la situation est nettement mieux.
Mohamed SEIDOU : La liberté provisoire pour les accusés, veut-elle dire qu’ils ne peuvent pas se déplacer, de Niamey pour une autre région du Niger ?
Me MOSSI : Ce qui s’était passée, la dernière fois, était une bavure, un abus de pouvoir, un abus d’autorité. Quand il y a liberté provisoire, naturellement, tu dois informer le juge d’instruction de tous tes déplacements quand l’instruction est en cours. Maintenant, le juge d’instruction a terminé, il n’a aucune prérogative sur les accusés ; la liberté provisoire qui leur a été accordée l’a été sans condition, ce qui veut dire qu’ils sont libres de leurs mouvements, surtout à l’intérieur du pays ; la preuve c’est que tous les autres ont voyagé, à l’intérieur du pays et personne n’a été inquiété. C’est seulement lorsque l’épouse de Hama Amadou voulait se déplacer, que le déplacement lui a été refusé. Une fois de plus, c’est la preuve que toute la procédure est dirigée contre Hama Amadou et son épouse, deux poids, deux mesures.