Large sourire, visage avenant encadré d’un voile vert, Aïchatou Salifou - son nom pour l’état-civil - a des raisons d’être joyeuse. "J’ai eu beaucoup de chance", raconte-t-elle à l’AFP dans la ville de Zinder, où elle a trouvé refuge à quelque 400 km à l’ouest de Diffa.
Le dimanche 8 février, cette petite femme énergique de 52 ans vend ses galettes de riz sur le marché où elle travaille quand elle entend un grand "boum".
Soudain, l’obscurité. Il n’y a plus qu’un "nuage de poussière".
Un jeune mendiant meurt sur le coup, déchiqueté par l’obus tiré par les insurgés nigérians depuis l’autre côté de la frontière, selon les autorités.
Autour d’Aya-Aya, une vingtaine de blessés. Certains ont le ventre ouvert, d’autres une main ou une jambe arrachée.
Cette mère de famille s’en sort indemne. Sa chance: un muret qui l’a abritée de l’explosion. "S’il n’y avait pas eu le muret, je serais morte ou maintenant à l’hôpital", insiste-t-elle en alternant français et haoussa, la langue de son ethnie. "Grâce à Dieu, je suis vivante".
Aussitôt après l’explosion, en état de choc, Aya-Aya n’arrive plus à se lever. "Je crie seulement +Au secours+!", dit-elle de sa voix puissante.
Elle mime sa situation d’alors, rit encore, et déchaîne les rires de l’assistance.
Près d’elle, il y a des enfants et sa tante Nafissa, institutrice vivant à Zinder qui lui a ouvert les portes de la concession familiale.
Dans cette bâtisse traditionnelle aux murs ocres en banco et ciment, dont l’un est décoré de graffitis d’enfants, elle a trouvé un abri avec sept proches.
Toute sa famille a GAGNÉ Zinder avec elle, soit "25 personnes" regroupées dans trois endroits de la deuxième ville du Niger: son mari Abdou, un chauffeur à la retraite, leurs enfants, la seconde épouse de son mari et leurs enfants, et puis d’autres parents.
- Revenir? ’Jamais!’ -
L’ancien patron de son mari leur avait prêté une voiture pour faire le voyage. "Il n’y avait pas de place dans les cars", bondés d’habitants fuyant la ville après les premières attaques du groupe islamiste, commencées le 6 février.
Entamé lundi à 16H00 (heure locale, 15H00 GMT), le voyage s’est achevé à Zinder mardi à 08H00, après une étape sur la route.
Assise sur un tapis à l’ombre du rude soleil de midi, dans l’allée qui traverse la concession, Aya-Aya, une native de Zinder, confie que le souvenir de l’attentat la poursuit même après avoir quitté Diffa, sa ville durant 32 ans.
"J’entends encore le bruit de l’explosion". "Dès que j’entends un bruit, même si c’est une porte, je tremble". Sa tante Nafissa acquiesce: il faut constamment la rassurer sur les bruits du voisinage.
Et cela ne fait que deux jours qu’Aya-Aya a retrouvé le sommeil.
L’attaque des insurgés islamistes, ça a été "une surprise", avoue cette commerçante. "La vie à Diffa, avant c’était tranquille". "Nous entendions ce qu’ils faisaient ailleurs, mais nous n’avions jamais cru que ça allait arriver chez nous".
Ce qui lui fait peur surtout, c’est que désormais "les Boko Haram habitent à Diffa". "Nous sommes mélangés à eux", dit-elle. Pour recruter, le mouvement armé "donne aux jeunes de L’ARGENT avec des motos neuves".
La région de Diffa n’est séparée que par une rivière du nord-est du Nigeria, fief historique des insurgés islamistes, en guerre continue depuis 2009 contre le pouvoir nigérian.
Devant la concession, Aya-Aya vient tout juste de recommencer à vendre ses galettes. Sa famille s’est cotisée pour qu’elle puisse s’acheter de quoi se remettre à la tâche.
Revenir à Diffa? "Jamais!", lâche-t-elle sans hésiter. "Diffa maintenant c’est dangereux".