On le croyait immortel. A force de le voir et l'entendre pendant près d'une soixantaine d'années, on a fini par y croire, car ce monsieur discret jamais au devant de la scène politique, jamais très loin était à l'ombre des bâtisseurs de l'histoire nationale. C'est lui qui fut chargé en 1959 par le général De Gaule de porter le drapeau de la communauté franco africaine et de le remettre directement à Diori Hamani alors futur président.
C'est lui aussi qui fut soupçonné et incarcéré des années durant pour tentative présumé de coup d'Etat en 1963. De là s'arrêta sa carrière militaire mais, il ne perdit jamais et ce jusqu'à mort ce 26 février dernier à l'âge de 88 ans, le titre de capitaine. C'est dire que, lorsqu'on dit
Diallo Amadou Hassane sans précéder ce nom de capitaine, on provoque une incompréhension certaine.
Qu'on le veuille ou non, cet homme a eu un destin atypique. Prince, né en 1927 quelque part à Téra pas loin de Dia gourou un canton anonyme ne figurant sur aucune carte où naquit son père un sergent de la coloniale, il s'élança dans le métier des armes très jeune et avec succès en 1947 à Ouallam avant d'admettre au concours d'une école militaire (Efortom) en 1956. Il sortit de la première promotion de l'école de formation des officiers ressortissants des territoires d'outre mer bien avant le président Seyni kountché (2ème promotion)
Sa carrière militaire bien que dure, lui procura une certaine évasion dont il en a besoin. Surtout, il servait en tant que soldat colonial au Mali en Côte d'Ivoire, au Cameroun, en France, au Vietnam. Quelle délectation pour celui qui désire s'épanouir.
Mais cette délectation sera de courte durée. Quelques temps après avoir été mis à la disposition du gouvernement nigérien en 1960 et transféré un an plus tard au sien des Forces Armées. De la République du Niger, des ennuis commencent à se faire sentir surtout quand il fut nommé commandant de compagnie à Niamey. C'est que le jeune officier souvent imbu de sa personnalité avait du sang comme au demeurant la plupart des fils de chefs. Il se fit remarquer à Niamey ; il bouscula certaines habitudes au sein de sa caserne, ce qui a pu inquiéter le pouvoir politique. De fil en aiguille, le voilà, indexé et calomnié. Il fut aux yeux du régime, l'instigateur d'un coup d'Etat et est arrêté. Imaginaire ou non, l'histoire est restée muette sur ce chapitre du Niger indépendant. Pour le capitaine, c''est la fin d'une carrière militaire commencée tambour battant.
A l'oraison funèbre au lendemain de son paisible décès, il est souligné que «de nombreuses médailles, postes de responsables et mérite, montrent largement sa bravoure, sa parfaite symbiose avec ses pairs et supérieurs et la finesse de ses actes».
Sa vie civile entamée après 13 ans de prison fut quelque peu terne mais paisible. C'est que, après le vrai coup d'Etat de 1974, les auteurs lui ont reconnu ses mérites. On le nomma un an près ces événements Directeur général de Sonifame, une société qualifiée de juteuse à l'époque. Puis en 1982 et 1983, on l'affecta en tant que Directeur général des Douanes. Plus qu'une récompense, ce poste est un signe de reconnaissance. Signe du destin, ce bonheur relatif va s'estomper. En effet, il'' reconnaitra'' la prison à Ouallam où il fit ses premiers pas de jeune fonctionnaire en 1947. Un second souffle viendra balayer tous ces ennuis ; celui de Directeur général de l'Office National des Anciens Combattants, veuves et victimes de guerre, poste qu'il occupa longtemps jusqu'à ce que la mort le surprit ce 26 février dernier
Il y a ce qu'on connait du défunt et ce que l'on connait moins. Au nombre de ce que l'on connait moins, il y a la littérature. Le Capitaine Diallo est un écrivain. Mais quel écrivain ? Son premier livre paru en 1983 est intitulé'' Moisson de ma jeunesse'' le ton est donné mais seul un second livre naitra de lui.
C'est Ibrahim Issa considéré comme le premier romancier nigérien avec le livre'' les Grandes Eaux Noires'' qui a bien cerné l'auteur à travers une préface qu'il fit pour son deuxième livre. «A l'ombre des anciens». Il écrit notamment que ''ces écrits (du capitaine) ne sont pas un monument de littérature mais l'auteur présente les qualités certaines d'un très grand conteur, d'un narrateur prolixe'' C'est peut être ce côté littéraire du capitaine qu'il faut déficher davantage.