C’est décidément dans les capitales de la côte que les choses se passent. C’est là-bas que semble s’installer le théâtre de la lutte politique de Hama Amadou en attendant que ça reflue sur le terrain politique national. Cotonou au Bénin, Lomé au Togo ou Accra au Ghana, c’est là-bas en match aller et retour que le président de l’Assemblée nationale Hama Amadou, président du Moden Lumana Fédération Africaine distille son plan d’action politique.
Il y va et retourne assez souvent dans les capitales côtières qu’il a appris à goûter depuis la période de plomb de la lutte anti tazartché surtout quand il était sur le point d’être évincé du parti Mnsd par l’ancien premier ministre Seini Oumarou. La guerre contre le frère ennemi est entrain de céder le pas à une autre cible. Quand à Cotonou, à Lomé ou à Accra il attaquait Seini Oumarou, c’était pour dépeindre de lui une image de « traître ». L’ancien premier ministre Seini Oumarou lui a arraché le parti Mnsd, il l’a abandonné pour suivre Tandja Mamadou.
Ce qui a pousser l’ancien premier ministre et ancien président de l’assemblée nationale, aujourd’hui chef de file de l’opposition, à entreprendre plusieurs missions au Bénin ou au Ghana. Pour rétablir la vérité, indique t-on dans l’entourage de président du Mnsd. Pour l’instant les choses se sont tassées de ce côté dans cette bataille des avant-postes électoraux entre le président du Moden Lumana Hama Amadou de la majorité au pouvoir Mrn et le président du Mnsd Seini Oumarou de l’opposition Arn.
L’ancien patron déchu du Mnsd semble trouver une autre cible pour élargir le front de sa bataille politique : son allié le Pnds, principale force politique de la majorité. Prémices de ce que tous les observateurs avaient anticipé? Personne en effet ne se faisait d’illusions sur ce qu’allaient être les rapports à moyen terme entre les deux formations politiques. Par petites touches répétées, Hama Amadou avait annoncé les couleurs à travers ses critiques régulières sur la politique gouvernementale. Manière suffisamment subtile de se remettre en scelle et se poser comme un fin connaisseur de la gestion des affaires d’Etat.
Le gouvernement négocie t-il avec les partenaires sociaux à qui il accorde plus d’indemnité ? Le gouvernement tente t-il des efforts pour contrôler les mauvaises pratiques de l’administration ? L’exécutif annonce t-il son engagement dans l’assainissement des finances publiques ? Le président de l’Assemblée est toujours en embuscade et n’hésite pas à s’introduire dans les affaires gouvernementales pour critiquer et dénoncer l’octroi des avantages aux travailleurs qu’il estime excessifs. La proximité de Hama Amadou avec certains milieux notamment de la douane et surtout cette affaire de blocage du dossier Zakou Djibo dit Zakai et le surprenant non lieu sur l’affaire « fonds d’aide à la presse », ne laissent guère d’espoir pour la politique d’assainissement et de répression de la délinquance financière.
Alors qu’il se trouvait encore en déplacement dans les capitales côtières, le président du parti Lumana a nettement affiné sa stratégie, les critiques contre le régime ont été plus ouvertes et plus précises. Pour Hama Amadou, le gouvernement de la Mrn n’a aucune solution aux questions de développement. On est entrain de tourner en rond, devait-il confier à son auditoire composé des ressortissants nigériens, on est dans l’impasse parce que le principal parti de la majorité n’avait aucun programme de gouvernement quand il a pris le pouvoir. Loin de la scène politique nationale, il s’est avancé jusqu'à affirmer que le Pnds n’avait présenté aucun programme de campagne, feignant astucieusement d’ignorer le programme de la Renaissance adopté par le candidat du Pnds et qui était le programme de campagne le plus élaboré des partis politique en compétition lors des élections présidentielles de Mars 2011.
Solution ou obstacle Il faut dire que le jeu de la ruse politique se fait de plus en plus insistant et s’épaissira au fur et à mesure qu’on approchera de la fin du mandat et le président du Moden Lumana qui veut déjà se poser comme seule alternative veut pouvoir mettre le pied sur l’accélérateur dans ses critiques contre le régime. Mais pour l’instant, c’est dans la communauté des nigériens à l’extérieur que se déroule le match. C’est làbas, dans ces champs offshores que le patron de Lumana peut indiquer qu’aucune réalisation n’a été faite dans les régions du Niger.
A coup sûr, la clientèle politique d’Accra, de Cotonou ou de Lomé constitue une tribune de choix. Mais il sera très compliqué au numéro 2 de l’alliance Mrn d’aller vers les régions du pays, à Maradi, Tillabéry, Zinder ou Tahoua, à Dosso, Diffa ou Agadez pour dire aux populations que rien n’a été fait. La mise en route du projet mythique de Kandadji à Tillabéry, les infrastructures routières à Niamey, Dosso, Maradi, dans la région de Zinder, la mise en exploitation de la raffinerie de pétrole de Zinder, la relance de l’important programme uranifère d’Immouraren à Agadez, les investissement du programme agricole dans toutes les régions du pays, le patron de Lumana pouvait difficilement les passer par pertes et profits.
Avec ce portefeuille de réalisations, le discours côtier de Hama Amadou risque très peu d’accrocher les populations des régions du Niger. Mais le travail politique de Hama Amadou pourrait aussi consister dans cette séparation de la thématique de son discours. Pour les populations nigériennes de l’extérieur qui sont quelque peu coupées de la réalité du pays, on leur tient le discours du martyr ou de la victime. Ainsi pouvait-il dire qu’il a été trahi par Seini Oumarou qui l’a livré à la machine de Tandja Mamadou. Ensuite avec les responsables de l’actuelle majorité, il a le sentiment de perdre son temps avec une équipe qu’il estime incompétente et qui est entrain de tourner en rond.
Il n’a pas eu le choix pour faire partie de cette majorité, puisque de toute façon il ne serait pas compris par ses amis de l’extérieur s’il devait soutenir le Mnsd de Seini Oumarou et de Tandja Mamadou, eux qui l’on jeté en prison, devait- il aussi dire à la diaspora nigérienne. Sur la scène nationale la thématique est surtout tournée vers la surenchère dans la gestion des affaires publiques et l’assainissement. Il s’agit ici de tirer ou de peser de tout son poids de 2ème allié sur les questions de nomination aux fonctions d’Etat ou de l’accès de ses opérateurs économiques aux marchés publics, qui sont toutes des questions cardinales pour le parti Lumana.
Dans le même temps où le parti fait pression pour obtenir toujours davantage de nominations aux hautes fonctions publiques, Hama Amadou n’a pas eu le souci du profil et de l’intégrité des cadres de son parti qu’il envoi dans les nominations. Toujours est-il qu’il a su enlever des postes de première importance comme la Haute cours de justice, la Direction générale de la Société des mines du Niger, la Sopamine ou encore le poste de premier adjoint à la Direction générale de la raffinerie de Zinder, alors qu’il est en passe d’arracher la Direction générale de la Bagri, une institution bancaire. Fourguer des cadres, même de moindre compétence, dans l’appareil d’Etat semble être la seule préoccupation du patron de Lumana.
Sur le dossier de l’assainissement, il connaît bien l’engagement du Président de la République là-dessus et surtout la pression insistante de l’opinion nationale sur le retour à une véritable orthodoxie dans la gestion des affaires publiques et le respect de la procédure judiciaire dans le traitement des dossiers en instance. Ça a portant coincé avec Hama dans l’affaire Zakaï et dans l’affaire fonds d’aide à la presse, et dans le prolongement de cette dernière affaire un procureur général a été sauté. Combien de temps encore cette situation va-t-elle durer ? Dans le cadre de la poursuite de l’assainissement, les rapports d’inspections d’Etat en cours dans certaines affaires antérieures ne pas manqueraient de donner lieu à d’autres manoeuvres.
Ce qui est sûr pour l’instant, c’est que la détermination du Président de la République pour l’assainissement restera encore tributaire du chantage du président du Moden Lumana et il ne faut pas s’attendre à ce qu’il lui facilite les choses. Solution ou obstacle : toute l’ambiguïté du rapport de Hama avec la majorité est schématisée dans cette terrible contradiction. La subtilité de sa politique consistera, et de plus en plus dans le cours de ce premier mandat de Issoufou Mahamadou, à créer des difficultés qu’il pourra utiliser le moment venu contre le premier comptable du régime, c'est-à-dire le Chef de l’Exécutif.
Après son séjour, à Cotonou, Lomé et à Accra, le président du Moden Lumana et président de l’Assemblée nationale est rentré à Niamey jeudi 18 Février dernier. Ecourtant probablement sa mission à l’extérieur du pays pour préparer la prochaine session de l’Assemblée nationale, début Mars, dont les travaux pourraient enregistrer notamment un projet de proposition de loi sur le vote des nigériens à l’étranger.