Il se passe de choses bien étranges dans nos sociétés minières. Notre confrère Le Courrier avait en son temps dénoncé certaines pratiques ayant rapport avec la Plateforme d'Areva et les exactions commises par celle-ci. Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous le pont.
La plateforme a été dissoute sur instruction du Chef de l'Etat Mahamadou Issoufou et les sociétés Somaïr, Cominak et Imouraren ont regagné une relative autonomie vis à vis d'Areva Mines. Areva n'est donc plus la caverne d'Ali Baba bien qu'elle gère toujours les aspects à " forte demande de synergie " tels que les Systèmes d'Information, la Géologie, le développement durable et la communication. Décortiquer ces fonctions et leur manque à gagner pour le Niger ne serait pour nous qu'une perte de temps, d'autant plus que le gouvernement suit le sujet de très près et connait aujourd'hui au centime près le jeu de refacturation d'Areva sur ses "filiales".
Ce qui nous intéresse ici est le projet Imouraren, et surtout la faisabilité d'un début d'exploitation pour 2015 et les retombées pour le Niger. Pour le premier point, il n'est de secret pour personne que le Président de la République a fait du début d'exploitation à la mi-2015 son cheval de bataille. Imouraren est comme qui dirait son "bébé". Il veut le voir aboutir pour le bienêtre des populations nigériennes et ne laisse donc aucune marge de manoeuvre à Areva dans ce sens. Un nouveau report de l'exploitation n'est pas négociable et Areva le sait.
Cependant, connaissant la fébrilité du cours actuel de l'uranium et sachant qu'aucune reprise n'est prévue avant 2018-2020, Areva en tant qu'entreprise privée dont le seul but est le profit n'a aucun intérêt à promouvoir un projet de deux (2) Milliards d'Euro qui n'aura aucune rentabilité à court et moyen terme. Pire encore, tous les analystes s'accordent sur le fait que l'annonce même de l'ouverture d'une mine à ciel ouvert d'une capacité de 5 000 tonnes par an (Somaïr et Cominak combinés) entrainera une chute conséquente du prix de l'Uranium. Que faire dans ce cas pour Areva?
Soit on joue la montre, ce qui vu les positions du Chef de l'Etat Mahamadou Issoufou est impossible ! Soit on dépense au mieux les deux (2) milliards d'enveloppe quitte à mettre le projet sous cocon en 2016. Et c'est là que l'on retrouve toute la subtilité et le savoir-faire de la plus grande firme multinationale dans le domaine de l'Uranium. Comment faire pour dépenser 2 Milliards d'Euros (1500 Milliards de FCFA) dans une société de droit Nigérien (Imouraren S.A) sans que le Niger n'en profite ? Tout d'abord, on commence par ne pas financer ces investissements avec son propre argent. Ensuite, afin d'éviter l'incidence d'un prêt bancaire sur son bilan, Areva se débrouille pour qu'un tiers (tout sauf une banque) lui prête l'argent.
Comment ? Tout simplement en ouvrant une société en France dénommée Areva Expansion et à travers laquelle elle vend une partie de ses actions Imouraren à des Chinois et à des Coréens. Ces derniers non seulement paient pour les actions Imouraren, mais acceptent même d'ouvrir à Areva la ligne de crédit nécessaire au financement du projet et le tour est joué. Areva dispose maintenant de deux (2) Milliards d'Euros qu'elle peut dépenser à sa guise sans aucun impact négatif sur son bilan financier. Comment faire pour que les dépenses effectuées au niveau d'Imouraren aient un impact positif sur les revenus du groupe? La seule et unique voie est LA REFACTURATION.
La plateforme est peut-être dissoute mais il n'en demeure pas moins que les refacturations du groupe continuent. L'ancien directeur financier de la Plateforme semble avoir été promu Directeur Général d'Imouraren justement à cet effet. Coïncidence ? Surement pas ! Aucune marge d'erreur n'est permise lorsqu'il s'agit de deux (2) Milliards d'Euros. Le travail de celui-ci serait de mettre en place tous les canaux de rapatriement de cet argent vers la métropole. Des sociétés dans lesquelles Areva est actionnaire sont donc mises à contribution (TSU, Euriware), ainsi que d'autres sociétés françaises, le but étant que seule la France et ses multinationales (en difficulté économique actuellement) profitent de cette manne.
Les sociétés nigériennes se retrouvent donc avec quelques bons de commandes çà et là tandis que les sociétés françaises ramènent les deux (2) Milliards d'Euros des Coréens à la maison. A titre d'exemple, dans le domaine du transport, tandis que les sociétés nigériennes avaient procédé à une augmentation de leurs capacités pour faire face aux besoins du projet Imouraren et que toute la région d'Agadez s'était mobilisée afin de devenir un pôle logistique de premier ordre. A Aïr Info, nous sommes tous choqués d'apprendre qu'une société Française du nom de Geodis avait remporté l'appel d'offre pour l'ensemble Logistique/ transport. Au demeurant, un appel d'offre auquel les Nigériens n'ont même pas été conviés. Une prestation de plusieurs millions d'Euros.
Le pire dans tout cela est que Geodis ne dispose même pas d'un seul camion. Tout le travail est donc sous-traité à des sociétés nigériennes pour un moindre coût. Qu'est ce qui empêchait au DG d'Imouraren d'octroyer ce marché directement à des sociétés nigériennes compétentes telles que Cat Logistic avec laquelle Geodis soustraite aujourd'hui? Qu'est ce qui l'empêchait de morceler le marché en plusieurs tranches afin que tous les grands transporteurs du Niger et de la région d'Agadez en particulier puissent saisir quelques retombées du Mega Projet tant attendu ? Rien bien sûr, si ce n'est sa mission de rapatriement des capitaux.
Dans le domaine des transports toujours, les sociétés aériennes nigériennes telles que Tamara, THS et Air Niamey furent effarées d'apprendre l'an passé qu'une société inexistante (Chalair) sur leur sol venait de s'accaparer le contrat de transport de Imouraren, Somaïr et Cominak. Un manque à gagner de plusieurs dizaines de milliards pour nos aviateurs locaux qui s'efforcent tant bien que mal à trouver des solutions idoines au désenclavement de notre pays. Malheureusement pour eux, il semble qu'encore une fois le DG de nos sociétés minières ait répondu à l'appel de la nation (sa nation bien entendu) au lieu de s'efforcer de choisir l'avionneur le plus expérimenté et le plus efficace.
Résultat des courses, Aïr Info a appris que le mois dernier, les passagers de Chalair sont passés près de la catastrophe. Le pare-brise de l'avion s'était rompu en plein vol et seule une intervention divine a sauvé les cadres embarqués à bord. Depuis, les sociétés minières se sont rabattues sur Tamara en attendant que l'avion en question soit réparé. Sur ce dossier il convient d'interpeller le ministre des transports afin de comprendre comment une société étrangère peut sans être implantée au Niger, gagner des contrats à la barbe de nos aviateurs et obtenir en si peu de temps son agrément de vol !!!!! De plus, après un tel incident, ne devrait-on pas sanctionner la compagnie en question en lui retirant ne serait-ce que pour un temps déterminé son autorisation de vol ?
Avec la création de la compagnie étatique annoncée en conseil de ministres, Chalair ne devrait-elle pas être invitée à plier bagages ? La mauvaise gestion ne s'arrête malheureusement pas au domaine du transport à Imouraren. On retrouve un autre exemple dans la gestion des Ressources Humaines, un domaine ou à priori on comprendrait très mal qu'une société, même étrangère, cherche à gruger le peuple nigérien. Sur ce volet, nous y reviendrons en détails dans notre prochaine parution.