Il ne reste plus rien. L’article 167 du statut, le reclassement des quatre agents des douanes, les avantages liés, le vote des 54 députés nationaux, tout s’est écroulé.
La Cour constitutionnelle a annulé l’amendement contenu dans l’article 167 et qui devait aménager de manière dérogatoire le reclassement de quatre officiers des douanes. Alors que les députés connaissaient nommément les agents des douanes clients de cet arrangement, ils ont accepté de voter le texte contenant le fameux article 167.
La loi qui devait être impersonnelle et régler des dispositions générales a été détournée au profit d’intérêt particulier. La dernière fois où on a failli avoir une disposition de ce genre c’était à propos d’un projet de loi qui devait fixer la pension qui sera accordée aux anciens premiers ministres chefs de gouvernement dans un régime démocratique et qui sont restés en fonction pendant cinq années de suite sans interruption.
Les parlementaires ont rejeté le projet de texte quand ils se sont aperçus qu’il ne manquait que le nom de celui qui est concerné par le projet de loi. Des années après on se retrouve dans la même situation. A peu prés. Si le projet de loi de pension des premiers ministres a été rejeté pour son caractère personnel prononcé, l’article de statut lui a été adopté par les parlementaires par une majorité de 54 voix contre 40, constituée de députés du groupe Lumana, du RDP et de l’UDR, tous de la majorité et des députés de l’ARN, avant d’être invalidé par l’arrêt de la Cour constitutionnelle saisie par le gouvernement pour contrôle de constitutionnalité. La majorité MRN s’est déchirée sur l’appréciation du texte de statut, et seuls les députés des groupes PNDS et ANDP ont voté contre.
« (…) l’article 167 de la loi portant Statut Autonome du Personnel du Cadre des Douanes en procédant directement au reclassement des agents des douanes pose un acte de gestion de la carrière des agents de l’Etat qui relève du domaine réglementaire», a indiqué la Cour dans son arrêt du vendredi 21 Juin, avant de préciser que le dit arrêt est séparable de l’ensemble du texte de la loi portant Statut Autonome du Personnel du Cadre des Douanes. En terme claire, l’article 167 querellé doit être retiré du texte adopté par l’Assemblée nationale le mardi 28 Mai 2013. A présent que les choses ont été tirées au clair par la Cour constitutionnelle, on peut se poser la question de savoir ce qui a pu motiver les députés Luamana, ceux du groupe des Démocrates et les députés de l’opposition à voter un tel texte.
L’ignorance des dispositions de la constitution ne peut pas être forcement l’explication à cette affaire. On peut en effet difficilement parler de méprise, de méconnaissance du principe de la séparation de pouvoir entre le législatif et l’exécutif. Non, les parlementaires de Lumana, UDR, RDP et ARN savaient bien qu’il n’appartient jamais à l’Assemblée de procéder au reclassement des agents de la fonction publique. Il y a eu suffisamment de débat làdessus, il y a même eu un face à face intéressant entre deux cadres de la douane, le ministre des Transports le Colonel des douanes Ibrahim Yacouba assurant l’intérim du ministre des Finances et le président de l’Assemblée nationale Hama Amadou, lui aussi douanier de formation.
Le représentant du gouvernement a bien argumenté sur le caractère irrégulier des dispositions de l’article 167. Il s’est montré très à l’aise sur le sujet et très à jour dans la maitrise du dossier, il a expliqué la position du gouvernement qui ne peut plus continuer à reclasser des agents qui ont suivi des formations à l’insu de leur administration et en dehors de toute mise en position de stage. Mais il n’a pas convaincu. L’intention des députés Lumana, ARN et groupe des démocrates de voter le texte était très claire, comme si le vote était arrangé à l’avance. On avait même dit que le texte de statut qui devait passer en examen en plénière avait été retardé à la demande du président de l’Assemblée Hama Amadou qui se trouvait en ce moment en déplacement.
Qu’est ce qui pouvait être l’explication de ce vote ? Il y a principalement deux explications. Il y a d’abord à coup sûr cette sorte de tentation de l’exécutif ou cette volonté de gouverner chez le président de l’Assemblée Hama Amadou. Pour avoir occupé les fonctions de chef de gouvernement pendant plusieurs années sous le régime de Tanja Mamadou ou sous Mahamane Ousmane pendant la Cohabitation, Hama Amadou semble afficher plus d’enthousiasme et plus de plaisir pour la chose gouvernementale que pour les débats parlementaires. L’Assemblée lui parait quelque peu tiède ou quelque peu trop compliquée.
Il faut se référer chaque fois à un règlement intérieur sur la procédure de conduite des travaux parlementaires, il faut se coller à la constitution, il a beau avoir des conseillers juridiques, la chose parlementaire et les débats contradictoires lui donnent l’illusion de ne pas agir sur les choses, de ne pas avoir véritablement du pouvoir. Et assez souvent, on l’a vu à plusieurs reprises, Hama Amadou a eu besoin de faire quelques intrusions sur le champ de l’exécutif. Le mardi 28, c’est sous sa houlette que le reclassement des quatre agents des douanes a été introduit. Délibérément ou bien par erreur, en tout cas, il s’est totalement aligné sur les prérogatives du gouvernement en disant en quelque sorte «oui, oui, c’est comme ça, le gouvernement a régularisé le reclassement des enseignants titulaires du Spécial A».
Le gouvernement a régularisé le Spécial A, alors l’Assemblée doit régulariser le cas des agents des douanes, et les députés se mettront à franchir la frontière loi-règlement pour traiter des matières qui relèvent de l’exécutif. C’est cela que la Cour constitutionnelle a refusé vendredi 21 Juin dernier. Outre cette obsession pour l’exécutif, cette tentation de gouverner, de montrer que c’est lui qui sait gouverner, et que l’on peut noter chez le président de l’Assemblée notamment à travers certaines critiques un peu trop appuyée sur certains membres du gouvernement, on peut aussi chercher la clef du vote du statut autonome dans un jeu politique qui consiste pour le président de Lumana à vouloir s’émanciper de la tutelle MRN.
C’est toujours dans le même prolongement de la volonté du pouvoir, de cette tentation ou cette obsession de l’exprimer, Hama Amadou a peut-être voulu envoyer un message comme pour dire « moi je ne suis pas comme Mahamane Ousmane au sein de l’AFDR de Tandja Mamadou, je veux être libre et je ne veux pas me laisser enfermer dans une majorité… ». C’est ainsi qu’on peut lire cette décision de Hama Amadou et de son parti de ne pas être dans la peau d’un allié qui suit ou qui soutient, mais plutôt un allié qui peut faire bande à part et qui peut aussi manipuler d’autres acteurs politiques dans son jeu, comme cela a été le cas avec le groupe parlementaire RDP-UDR, le groupe de l’opposition ARN étant lui preneur pour tout ce qui pouvait distraire ou contrarier le gouvernement.
Et c’est pourquoi tout de suite après ce vote du statut controversé, ce qui a intéressé ses souteneurs ce n’était pas vraiment la portée du texte, mais ils ont vite commencé à parler de cohabitation. «On a mis le gouvernement en cohabitation», entonnaient-ils sur les médias. On a parlé de l’argent qui a été mis dans ce vote, que les douaniers ont financé le vote, que le chef de file des ce groupe des quatre douaniers est fortement fortuné et qu’il a invité à ses frais intégralement la Directrice Générale des douanes de l’époque en Belgique pour assister à sa soutenance, tout cela constituent des arguments légers.
Le vote du statut rentre sans doute dans un schéma très limpide de Hama Amadou qui a voulu marcher sur les plates-bandes du gouvernement, traduisant toujours cette idée fixe, son ambition du pouvoir et des prérogatives toujours plus larges. Comme il en prenait avec Tandja Mamadou et comme il les a arrachées sous la cohabitation de Mahamane Ousmane.