Dans son message à la nation du 3 août dernier, très attendu par les citoyens nigériens du fait de la situation sociopolitique que traverse le Niger, le président Issoufou, contre toute attente, a préféré jeter des fleurs sur son régime qui a réalisé selon lui, des prouesses dans la mise en œuvre de son programme de la renaissance.
Dans des explications à faire croire que tout est rose, le Chef de l’Etat s’est livré à des incohérences. D’un côté, il affirme qu’il constate avec amertume la faiblesse du taux de consommation des crédits affectés aux investissements et de l’autre côté, il félicite le même gouvernement pour le sens de responsabilité avec lequel il s'est acquitté de la mission qu’il lui a confiée. En outre, le président Issoufou comme pour faire un pied de nez à certains politicards abonnés aux troubles, affirme que « Nous devons cesser de soumettre notre pays aux rudes épreuves d'une campagne politique permanente», avant de renouveler son appel à l’opposition pour qu’elle adhère à son gouvernement d’union nationale qu’elle a pourtant rejeté suite au refus du « Guri » de lui attribuer le poste de Premier ministre.
De l’autosatisfaction
«Le Gouvernement vient de faire le bilan actualisé de son action au 30 Juin 2013. De ce bilan, on peut retenir que les promesses faites ont été globalement tenues», a déclaré le président Issoufou, exprimant ainsi son autosatisfaction dans la mise en œuvre du programme de la «renaissance». Du volet consolidation de la démocratie à l'Etat de droit, le Chef de l’Etat s’est réjoui de la mise en place de toutes les institutions de la République à l’exception du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation dont les textes organiques ont d’ores et déjà été adoptés et promulgués.
L’adoption par l’Assemblée nationale de quelques 172 textes législatifs, tous préparés par le gouvernement et destinés à organiser la vie socio-économique, à renforcer et à moderniser l'administration nationale pour la rendre plus performante a également été saluée par le Chef de l’Etat.
Dans ce même bilan, le président Issoufou a relevé des «efforts sans précédent» qui ont été faits pour renforcer, en quantité et en qualité, les ressources humaines de l'administration. Parallèlement, a poursuivi le Chef de l’Etat, « des mesures d'accompagnement ont été prises pour améliorer les conditions de travail des agents de l'Etat dont le pouvoir d'achat a été substantiellement renforcé ».
Durant cette période, ajoute-t-il « le Gouvernement a fortement fait progresser notre pays dans le domaine des libertés, notamment celle de la presse » et « a pu également améliorer le classement de notre pays sur le plan de l'indice de perception de la corruption ».
S’agissant du volet relatif à la relance de l'économie nationale, le président Issoufou s’est félicité des efforts déployés par le gouvernement , qui ont permis de créer les conditions de la relance de l'économie du pays à travers l’élaboration et l’adoption, le 1er août 2012, par le gouvernement, du Plan de développement économique et social (PDES) qui a fait l’objet d’une table ronde des bailleurs de fonds, qui lui a permis « d'enregistrer des annonces de financements d'un montant de plus de 4,8 milliards de dollars des USA, soit environ 2.401,8 milliards de FCFA ».
Malheureusement, il constate avec amertume «la faiblesse du taux de consommation des crédits affectés aux investissements» avant de déclarer « qu’il n’est pas admissible que des ressources financières soient disponibles et que nous n'ayons pas les capacités de les absorber».
Au plan de la sécurité alimentaire, toutes les performances enregistrées par notre pays, a-t-il dit, sont à mettre à l’actif de la mise en œuvre du programme d'urgence 2011-2012 et de l'initiative « 3N » à partir du mois d'Octobre 2012, qui ont permis au Niger de réaliser l'OMD1 qui vise la réduction de moitié, du nombre de personnes souffrant de la faim. Avec l'initiative « 3N », a poursuivi le Chef de l’Etat, «le Niger est devenu un modèle au point où il a fait naître le concept ‘’les Africains Nourrissent les Africains’’ battant en brèche l'afro-pessimisme qui règne dans le domaine de la sécurité alimentaire et nutritionnelle».
S’agissant des infrastructures, « nous avons fait démarrer le projet de la centrale thermique de l00 mégawatts de Gorou Banda, centrale qui permettra, à terme, de mettre la ville de Niamey à l'abri des coupures récurrentes », ajoutés à de nombreux projets de construction de routes bitumées et en terre qui ont été lancés.
En outre, ajoute-t-il, « les discussions avec les autorités turques, sur le financement de la route dite des «Istanbuwas», est bien avancé. Le pont de Farié, sur le fleuve Niger, dont le financement est acquis, démarrera sous peu. Le projet de boucle ferroviaire Cotonou-Niamey-Ouagadougou-Abidjan progresse».
La seule fausse note constatée jusque-là, dans la mise en œuvre du programme de la renaissance, souligne le président Issoufou, c’est le projet du barrage de Kandadji qui connaît malheureusement, «un fâcheux contretemps, dû à des manquements graves de la société qui en avait la charge» avec pour conséquence, la résiliation du contrat qui lie l’Etat du Niger à l’Entreprise russe dans la réalisation de ce chantier.
Toutefois, annonce-t-il, une concertation est engagée avec nos partenaires en vue d'identifier «les voies et moyens qui nous permettraient la réalisation de ce projet emblématique dans les plus brefs délais».
Le projet Salkadamna, celui du renforcement des équipements de distribution d'eau pour la ville de Zinder, le démarrage très prochain de la construction de l'hôpital de référence de Niamey ont également été évoqués par le président Issoufou.
Quant au projet Niamey Niyala, le président Issoufou a dit qu’il suit son cours normal avec la fin très prochaine des travaux du 1er échangeur, le démarrage prochain des travaux de bitumage de la route de Goudel, ainsi que celui de la construction de deux tours jumelles du Waqf de 16 étages chacune sur financement de la Banque Islamique de Développement (BID).
Au niveau des secteurs sociaux de base, à savoir l’éducation et la santé, le président Issoufou a déclaré que «le Gouvernement a honoré les promesses du programme de renaissance » qui a également généré des «dizaines de milliers d'emplois dans les secteurs public et privé».
Pour le président Issoufou, «en l'espace d'un peu plus de deux ans, le Gouvernement a abattu un travail colossal, dont les bénéficiaires saluent et louent les actions menées depuis 28 mois». Et pour toutes ces performances, a dit le président Issoufou, «Je félicite donc le Gouvernement pour le sens de responsabilité avec lequel il s'est acquitté de la mission que je lui ai confiée. En particulier, je salue son chef, le Premier Ministre Brigi Raffini, auquel je renouvelle toute ma confiance».
Pour ce qui est de la question sécuritaire, le président Issoufou a indiqué que «les mesures préventives de renforcement de nos capacités de défense et de sécurité prises par le gouvernement ont permis à notre pays d'être à l'abri de la situation dramatique qu'a connu le Mali ». Malheureusement, reconnaît le Chef de l’Etat, comme l'asymétrie des méthodes de lutte de l'ennemi lui permet de déjouer les plans de sécurité, même les mieux élaborés, nos soldats ont été lâchement assassinés, le 23 mai dernier, à Agadez… Le même jour, presque au même moment, ces fanatiques ont attaqué nos installations industrielles, à Arlit et le 1er juin, à la maison d'arrêt de Niamey, d'autres fils du pays sont tombés sous les balles de l'ennemi ».
Au plan politique, le président Issoufou a mis à profit son message à la nation pour expliquer les raisons pour lesquelles depuis 1999, il évoque, de manière récurrente, la nécessité d'un gouvernement d’union nationale pour notre pays. Deux raisons fondamentales justifient ses appels. D’abord, il estime que notre pays est toujours en « transition démocratique d'une part, et les problèmes sécuritaires se sont aggravés, d'autre part ».
« Les changements de régimes se sont presque toujours opérés par la force, ce qui n'est pas un signe de progrès et qui doit en conséquence interpeller avec gravité et préoccupation l'ensemble de la classe politique nigérienne et des acteurs publics ainsi que chacun des citoyens de notre pays qui doivent se questionner sur le pourquoi et le comment ».
Une instabilité politique qui est « source de remises en cause permanentes et de perpétuels recommencements qui a lourdement handicapé le succès des actions de développement qui ont été initiées dans notre pays par les gouvernements successifs durant ces 53 années passées», dira le Chef de l’Etat.
Pour y remédier, a dit le chef de l’Etat, « Nous devons cesser de soumettre notre pays aux rudes épreuves d'une campagne politique permanente… Nous devons tous ensemble faire preuve d'imagination afin de pouvoir faire face à tout, événements inopinés compris, a martelé la président Issoufou, avant de réitérer son appel en direction de l'ensemble des Nigériens, notamment ceux de l'opposition pour un gouvernement d’union nationale.
Des incohérences
En suivant le président Issoufou dans sa logique, le gouvernement actuel a accompli sa mission qui est celle de la renaissance. En outre, en se réjouissant de la mise en place de toutes les institutions, le président Issoufou oubli que cette action rentre dans le cadre de la mission pour tout Etat démocratique. Tandja n’a pas fait de l’installation des institutions, une prouesse pour son régime. Par ailleurs, en affirmant que le Gouvernement a fortement amélioré le classement de notre pays sur le plan de l'indice de perception de la corruption, le chef de l’Etat semble ne pas se souvenir de la triste affaire des fausses factures dont son régime s’est montré incapable de faire rendre gorge ceux qui sont impliqués dans ce dossier du fait de leur appartenance politique. Que dire des marchés « hors la loi » des ministères du Plan et de l’Urbanisme ? En parapluie, le régime comme s’il est lié par un pacte avec le soldat Salou ne veut surtout pas faire l’audit de cette transition, l’une de plus désastreuse que le Niger ait connue. Que dire aussi des affaires scabreuses ayant secoué la « renaissance » sans que les acteurs ne soient traduits devant les tribunaux ? En outre, rien que le 31 juillet dernier, l’association nigérienne de lutte contre la corruption, section Transparency international, à travers un communiqué de presse, se pose la question sur les nombreuses affaires qui sont restées impunies et qui ne connaissent même pas un début de poursuite judiciaire. A travers son autosatisfaction, le chef de l’Etat s’est également félicité que son gouvernement ait créé les conditions de la relance de l'économie du pays. Issoufou a parlé de plus de 2000 milliards mobilisés dans le cadre du PDES mais constate avec amertume «la faiblesse du taux de consommation des crédits affectés aux investissements».
Pourtant, le même Issoufou déclarait dans son message à l’occasion du 54ème anniversaire de la République du Niger que « le Gouvernement est instruit pour créer les conditions de renforcement des capacités de l’administration afin d’optimiser le taux de consommation des crédits ». Ces deux phrases prononcées en moins de six mois illustrent que la complaisance est loin d’être terminée au Niger en vertu de la profession de foi du régime. Cette incohérence renvoie à l’inopportunité de féliciter le gouvernement ou certains ministres « zélés » qui étaient incapables de se faire élire conseiller chez eux, cherchent à être calife à la place du calife. En renouvelant sa confiance au gouvernement à travers un discours à l’occasion de la fête nationale, le président Issoufou a contourné la procédure comme il l’a déjà fait lors de son discours d’investiture. C’est dire qu’on aura tout vu sous le « Guri ». Le chef de l’Etat, à travers ce discours n’est pas aussi allé loin dans ses idées en affirmant que « Nous devons cesser de soumettre notre pays aux rudes épreuves d'une campagne politique permanente », lorsque l’on constate que depuis son investiture, l’opposition politique n’a ni fait des marches encore moins brulé des pneus pour lui mettre les bâtons dans les roues afin qu’il ne dirige pas le pays en toute quiétude. De ce fait, l’on est endroit de s’interroger à qui est adressé cette phrase ? Certainement pas à l’opposition qu’il a suppliée d’accepter son offre du gouvernement d’union nationale pour pallier aux difficultés qu’il rencontre au sein de sa propre majorité et qui risqueraient de s’accentuer avec son allié et potentiel adversaire à l’approche de l’échéance 2016.
Voilà les raisons de ce branle-bas autour du gouvernement d’union nationale qui ressemble au pacte républicain du président Ousmane. Est-ce une escroquerie politique ? L’avenir nous le dira.