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M. Amadou Harouna, Haut Commissaire à l’Aménagement de la Vallée du Niger : «La résiliation du contrat est guidée par le souci de garantir une meilleure lisibilité de la réalisation du barrage dans les meilleurs délais et à moindres coûts»
Publié le vendredi 16 aout 2013   |  Le Sahel




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Monsieur le Haut Commissaire à l'Aménagement de la Vallée du Niger, quelles sont les principales raisons de la résiliation du contrat de l'entreprise russe ZVS ?
Le contrat relatif à la construction du barrage a été signé le 21 septembre 2010 avec l'entreprise ''ZARUBEZHVODSTROY'' pour un montant de 84 milliards 791 millions 891 mille 535,10 FCFA et un délai d'exécution de 57 mois, qui court à partir du 23 août 2011. Presque deux (2) ans après le démarrage des travaux, leur taux d'exécution reste extrêmement faible, de l'ordre de 7%. Les travaux sont toujours au niveau de la phase préparatoire.

Le 02 janvier 2012 déjà, une mise en demeure a été notifiée à l'entreprise en l'invitant à mobiliser sur le chantier le matériel et le personnel d'encadrement exigés par le contrat. En réponse, le 12 janvier 2012, l'entreprise avait pris des engagements qu'elle n'a pas honorés. Un an après cette première mise en demeure, une deuxième mise en demeure lui a été notifiée, le 04 janvier 2013. Celle-ci aussi n'a eu aucun effet, et une fois de plus, l'entreprise ne s'est pas exécutée. Le chantier était presque à l'arrêt.

Cette préoccupante situation des travaux a entrainé plus d'une dizaine de missions de supervision des Partenaires Techniques et Financiers qui ont déploré la lenteur excessive des travaux et noté la faible capacité technique et financière de l'entreprise. Deux scénarii avaient été envisagés. L'un consistait à poursuivre les travaux avec l'entreprise ZVS, sous certaines conditions et l'autre à résilier le contrat.

En son temps, l'Etat du Niger, conscient des implications et conséquences juridiques, techniques et financières d'une résiliation, avait opté pour la poursuite des travaux avec l'entreprise en fondant l'espoir qu'elle pourra surmonter ces difficultés. En fin mars 2013, le retard dans l'exécution des travaux ne faisait que s'accumuler, hypothéquant ainsi la réalisation de cet important ouvrage. L'Etat du Niger a donc décidé d'adresser une troisième et dernière mise en demeure à l'entreprise, le 28 mai 2013. Un mois après cette 3ème mise en demeure, les travaux n'ont pas connu une avancée notable. Les engagements pris par l'entreprise n'ont pas été respectés, une fois de plus. La 3ème mise en demeure indiquait clairement que le maître de l'ouvrage se réserve le droit d'appliquer les dispositions relatives à la résiliation aux articles 46, 49 et 50 du Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG) et 24 du Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP). Face à cette situation, et compte tenu de l'importance du programme, l'Etat ne pouvait pas s'enfermer dans une logique dilatoire. La résiliation du contrat a été motivée par l'incapacité de l'entreprise à respecter les clauses contractuelles et à réaliser les travaux. Elle se justifie aussi par le souci de garantir une meilleure lisibilité de la réalisation du barrage dans les meilleurs délais et à moindres coûts.

Certaines personnes tentent de justifier le retard enregistré par les Russes en accusant la partie nigérienne de n'avoir pas honoré ses engagements financiers. Qu'en est-il exactement ?
Le principal argument de l'entreprise pour justifier sa contre-performance est le non paiement de l'avance de démarrage et des décomptes. S'agissant des paiements, sur un montant total de 16 milliards 425 millions 805 mille 691,71 FCFA, l'entreprise a encaissé effectivement 14 milliards 890 millions 252 mille 68,94 FCFA. Il convient toutefois de souligner que ces paiements ont été effectués avec un retard par rapport au délai contractuel.

En revanche, cela ne saurait justifier le retard accusé dans l'exécution des travaux. L'entreprise est supposée, en principe, avoir la capacité financière pour réaliser les travaux, car elle a fourni, dans son offre, les preuves d'une telle capacité financière. On ne lui demande pas de préfinancer un marché de 100 milliards de francs CFA. Par ailleurs, les clauses contractuelles traitent opportunément du cas de retard dans les paiements. Je voudrais ici rappeler que Son Excellence Monsieur le Président de la République, dès le lancement des travaux, a personnellement instruit les services compétents à effectuer le paiement de la contrepartie du Niger au financement de Kandadji. Un projet de cette envergure ne peut pas être réalisé par une entreprise qui court exclusivement derrière les décomptes. Du reste, pour le moment, de quel décompte s'agit-il ? Il s'agit de l'avance de démarrage et de l'élaboration des mémoires techniques. En réalité, c'est plutôt le maître de l'ouvrage qui est en droit de demander à l'entreprise ce qu'elle a fait avec l'avance de démarrage. Et nous l'avons fait, conformément aux clauses contractuelles. Il n'est donc pas exact de justifier cette incapacité de l'entreprise par le non paiement des décomptes.

La résiliation de ce contrat est-elle synonyme d'arrêt total du programme Kandadji ? Sinon quelles sont les perspectives et étapes à franchir pour que le fameux barrage de Kandadji puisse ouvrir un jour ses vannes ?
Non! La résiliation est loin d'être synonyme d'arrêt total du programme Kandadji. Le contrat résilié concerne le lot 1 dédié au volet génie civil du barrage ; c'est vrai qu'il a un lien fort avec les autres lots, notamment avec la Centrale électrique. Mais les autres composantes du programme Kandadji se poursuivent normalement. Il s'agit de la mise en œuvre des plans socio-économiques et environnementaux, du développement communautaire et des aménagements hydro agricoles. S'agissant des perspectives, sous l'impulsion de Son Excellence Monsieur le Premier ministre, président du comité de pilotage du programme Kandadji, un chronogramme a été élaboré pour une relance des travaux dans les meilleurs délais. Ce chronogramme prévoit, entre autres, de disposer du rapport de l'audit technique, le 09 septembre 2013. Dans cette perspective, le bureau d'études a été choisi, il a déposé ses offres techniques ainsi que l'organisation d'une réunion des PTF à Niamey, le 24 septembre 2013. L'objectif est de recruter rapidement, selon les procédures des PTF, une nouvelle entreprise en ayant à l'esprit l'engagement de résorber le retard accusé.

La résiliation de ce contrat va sans doute induire une hausse du coût de réalisation de l'ouvrage. Les bailleurs de fonds sont-ils prêts à appuyer le Niger dans la mobilisation des coûts incrémentaux ainsi générés ?
Il y aura certainement une hausse des coûts. D'abord, les coûts actuels datent de 2009 ; ensuite, même à cette date, l'entreprise ZVS était à 85 milliards de FCFA, alors que les autres concurrents étaient à plus de 106 milliards de FCFA. Ceci étant, il est probable qu'un nouveau allotissement puisse nous permettre de faire des économies d'échelle. Concernant votre question relative à la disponibilité des bailleurs de fonds à appuyer le Niger, des voix plus autorisées auront l'occasion d'en parler. Je voudrais néanmoins souligner que suite à la résiliation du contrat, les PTF ont indiqué qu'ils restent pleinement engagés pour continuer à soutenir le gouvernement dans la mise en œuvre du programme et dans la relance des travaux de Génie civil.
Quelle est la situation actuelle de la réinstallation des populations affectées par la construction du barrage ?
La construction du barrage de Kandadji va entrainer le déplacement d'environ 38 000 personnes. Ce déplacement se fera en deux vagues. La première vague de déplacement est constituée par les populations situées dans l'emprise des travaux de construction du barrage, qu'il faut déplacer avant le démarrage des travaux. Elle comprend 774 ménages regroupant 5 410 personnes ; ce déplacement a commencé en 2012. La deuxième vague de déplacement concerne les populations situées dans la zone qui sera inondée après le remplissage du réservoir, et comprend 5 210 ménages regroupant 32 721 personnes. Le financement de la réinstallation est entièrement à la charge de l'Etat du Niger. La première vague concerne trois villages administratifs et tribus (Kandadji, Sanguillé et Alsilamé et hameaux rattachés). Il a été élaboré un plan d'action de réinstallation dont les objectifs sont de minimiser, dans la mesure du possible, la réinstallation involontaire et l'acquisition de terres, en étudiant toutes les alternatives viables dans la conception du Projet; de s'assurer que les personnes affectées ont été consultées et ont eu l'opportunité de participer à toutes les étapes charnières du processus d'élaboration et de mise en œuvre des activités de réinstallation involontaire et de compensation; de s'assurer que les indemnisations sont déterminées en rapport avec les impacts subis, afin qu'aucune personne affectée par le Projet ne soit pénalisée de façon disproportionnée; de s'assurer que les personnes affectées, incluant les personnes vulnérables, sont assistées dans leurs efforts pour améliorer leurs moyens d'existence et leur niveau de vie, ou du moins de les rétablir, en termes réels, à leur niveau d'avant le déplacement ou à celui d'avant la mise en œuvre du projet, selon le cas le plus avantageux pour elles; et de s'assurer que les activités de réinstallation involontaire et de compensation sont conçues et exécutées en tant que programmes de développement durable, fournissant suffisamment de ressources d'investissement pour que les personnes affectées par le projet aient l'opportunité d'en partager les bénéfices.
Ainsi pour la première vague, 774 ménages sont concernés, et le mode retenu, à l'issue des voyages d'étude effectués dans la sous-région auprès des projets de même envergure, est de remettre les frais d'indemnisation aux chefs de ménage de façon progressive et les assister lors des travaux de construction. Les infrastructures collectives tenant compte de l'évolution démographique ont été construits sur les nouveaux sites. Sur les 774 ménages, 464 ménages ont reçu leurs indemnisations. Sur les trois sites, 945 bâtiments sont implantés et fermés. A la date du 31 juillet 2013, 146 ont rejoint les nouveaux sites. 318 ont leurs constructions terminées, mais leur déplacement se fera après la saison des pluies.
D'autre part, sur la question des terres de cultures, des aménagements hydro -agricoles de 2000 ha sont en cours de réalisation. D'ores et déjà, 800 ha seront opérationnels en octobre 2013 et serviront à compenser les propriétaires terriens et les personnes vulnérables (les femmes, les exploitants sans terres).

Pour l'ensemble des 2000 ha, trois stations de pompage sont prévues ; les deux sont déjà installées et opérationnelles. En outre, en attendant la fin des travaux d'aménagement et la remise des parcelles aux populations concernées, l'Etat paie chaque année sur consensus avec les propriétaires, des compensations pour perte de production.
Ce programme auquel nos autorités tiennent beaucoup ressemble à un mirage pour les populations nigériennes qui continuent toujours d'attendre. Quels espoirs fondez-vous sur le programme Kandadji ?

Je comprends l'impatience des uns et des autres de voir le barrage ouvrir ses vannes. Le processus de réalisation d'une infrastructure de cette envergure est assez long, et il est fortement dépendant du contexte et des orientations des Partenaires Techniques et Financiers (PTF). Initialement, les PTF avaient trouvé que le barrage était trop ambitieux pour le Niger. En vérité, au cours de cette période, les PTF n'étaient pas favorables aux grands barrages, et les capacités d'endettement du Niger étaient assez limitées.
Mais la volonté politique et la ténacité des différents gouvernements à réaliser le barrage les ont amenés à revoir la conception de l'ouvrage, ce qui a permis d'obtenir le financement pour la réalisation des différentes études qui, elles-mêmes, sont assez longues. Ensuite, il fallait mobiliser le financement, ce qui a nécessité le génie des autorités, en proposant un phasage accepté par les PTFs ; s'y ajoute la dimension régionale du barrage qui a fini de convaincre d'autres PTF, mais cette dimension régionale a aussi nécessité des concertations avec les autres Etats membres de l'Autorité du Bassin du Niger (ABN), dans le cadre de la ''vision partagée''.
Tout cela a pris du temps, mais il faut se féliciter de ce que la mise en œuvre de ce programme est rentrée dans une phase opérationnelle. N'eussent été les difficultés rencontrées par l'entreprise chargée de réaliser les travaux, le remplissage du réservoir serait effectué en 2015. Je voudrais rassurer ici les uns et les autres que les autorités de la 7ème République, avec l'appui des partenaires, prendront toutes les dispositions pour la réalisation de l'ouvrage dans les meilleurs délais.

Au regard de sa contribution à l'amélioration des conditions de vie des populations et de la cohérence de ses objectifs avec les priorités de l'Initiative 3 N et du PDES, le programme Kandadji s'avère un outil majeur de promotion de la croissance durable. Je fonde l'espoir que sa réalisation permettra d'atteindre les résultats escomptés, à savoir le maintien de la production naturelle de la vallée du fleuve et de l'écosystème fluvial; la garantie de la satisfaction des différents besoins en eau (agriculture irriguée, élevage, industrie, etc.); l'amélioration du trafic fluvial par le soutien d'étiage; et la contribution à la sécurité énergétique et alimentaire du pays.

Siradji sanda

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