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Prêts bancaires au Niger : des conditions d’accès trop exigeantes et des taux d’intérêt repoussants
Publié le vendredi 30 aout 2013   |  nigerdiaspora.info


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Au Niger, l’accès au prêt bancaire n’est pas chose aisée. Et même, lorsqu’on arrive à en avoir, les taux d’intérêt pratiqués par les banques laissent une marge de bénéfice trop réduite pour les emprunteurs. En effet, les banques nigériennes détiennent le triste record des taux d’intérêt les plus élevés de la zone UEMOA.

Si le rendement moyen des prêts sur la clientèle pour la zone UEMOA est de 11,4% d’après le rapport sur les perspectives économiques des Etats de l’UEMOA en 2012 publié la BCEAO, le taux d’intérêt atteint souvent 13,5% dans certaines banques au Niger. Une situation qui n’encourage ni la bancarisation ni les investissements.

Le Niger a l’un des taux de bancarisation les plus faibles de la sous région, soit 3% contre une moyenne de 6% pour la zone UEMOA. Une situation qui s’explique par certains facteurs culturels, mais aussi et surtout par les coûts trop élevés des services bancaires. En effet, il faut au moins 25.000 francs CFA pour ouvrir un compte d’épargne au Niger, tandis que les frais de tenue de compte courant avoisinent les 4000 francs CFA. La carte bancaire revient au détenteur de compte courant entre 6000 et 12.000 francs selon les banques, le chèque de guichet coûte jusqu’à 1000 F, sans compter les autres opérations (demandes de solde, retraits, etc.) qui sont aussi chèrement facturées. Bref, les services bancaires coûtent cher dans notre pays. A cela, il faut rappeler un certain nombre d’épisodes qui ont installé le doute dans l’esprit de beaucoup de Nigériens vis-à-vis des banques. C’est notamment la fermeture de la BCN, de la BDRN, de TAÏMAKO ou de la Caisse Nationale d’Epargne.

La situation est encore plus préoccupante sur le plan des prêts bancaires. ‘’Les banques posent des conditions d’accès au crédit tellement dures au point qu’elles découragent les citoyens qui préfèrent recourir à des mécanismes traditionnels comme les tontines’’ déplore Nouhou Arzika Mahamadou, président de l’ORCONI, une organisation des consommateurs.

Des taux d’intérêt décriés par tous les acteurs…

Mises à part ces conditions trop exigeantes d’accès au crédit, les banques appliquent des taux d’intérêt élevés. ‘’Quand elles te prêtent de l’argent sur cinq (5) ans, tu rembourses presque le double du montant’’, se plaint Moussa, un fonctionnaire. Et cette affirmation n’est pas loin de la réalité. En effet, un petit clic sur le site Internet d’une banque de la place nous apprend que pour un prêt immobilier de 20 millions de francs CFA sur une période de six (6) ans, l’échéance mensuelle est de l’ordre de 449.084 francs CFA. Ainsi, sur les six années, l’emprunteur remboursera 32 millions 331 mille 84 francs, soit un écart de l’ordre de plus de 12 millions de nos francs.

Les choses sont encore plus difficiles pour les autres couches socioprofessionnelles comme les opérateurs économiques. ‘’Quand nous voulons emprunter, les banques exigent de nous des conditions de garanties souvent difficiles à remplir, du genre titre foncier. Ce qui implique des dépenses énormes. Pour un prêt de cinq (5) millions, on risque de dépenser plus de deux millions dans les formalités’’, témoigne Abdoulaziz Amadou Dicko, un jeune entrepreneur. ‘’Même les grands opérateurs économiques ont des difficultés, à plus forte raison, les jeunes débutants. Les banques demandent des maisons comme garanties, sans compter que les intérêts atteignent souvent 13 voire 14%. On n’en peut plus’’ s’offusque Elhadj Abdou Hassane, président national de commerçants importateurs de céréales.

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que tous les secteurs d’activités sont touchés. ‘’Je sais que dans le secteur des transports, les prêts qu’on nous accorde ont un taux d’intérêt qui tourne autour de 10 à 12%, pour une période de trois à quatre ans. Or, l’investissement est lourd dans ce domaine’’, confie Gérard Delanne, secrétaire général du syndicat national des transports marchandises.

A cela, il faut ajouter des procédures lourdes qui fatiguent les demandeurs peu habitués aux rouages administratifs. Une situation qui décourage plus d’un jeune entrepreneur. Et certains se résignent. ‘’J’ai récemment été disqualifié pour un marché public, parce que ma banque n’a pas voulu me délivrer l’attestation de capacité financière. Toutes mes autres pièces de la soumission étaient conformes, et j’étais bien parti pour avoir ce marché. J’étais le plus jeune parmi les soumissionnaires, mais j’étais aussi malheureusement le plus pauvre’’, ironise le jeune entrepreneur Abdoul Aziz Amadou Dicko.

Et ils sont nombreux, les jeunes Nigériens qui ont des initiatives, mais qui ne trouvent pas de facilités de financement avec les banques.

Ainsi, pour beaucoup de jeunes qui veulent s’engager dans l’entreprenariat, les rêves de prospérer dans les affaires deviennent un horizon inaccessible. Comparés aux taux d’intérêts dans les autres pays de l’UEMOA, ceux pratiqués au Niger donnent le tournis. En effet, les taux d’intérêts sont de seulement 7,30 et 7,35% en moyenne respectivement au Sénégal et en Côte d’Ivoire, alors qu’ils dépassent souvent 13% au Niger. Mais les banques nigériennes ne sont pas seules à appliquer ces taux repoussants. Elles sont accompagnées par les banques béninoises avec 11,34% et bissau-guinéennes avec 10,75% (BCEAO-MAP 2011). Cependant, l’on constate que même la Guinée Bissau, qui a récemment intégré la zone CFA, a un taux d’intérêt plus bas.

Les quelques explications récoltées ça et là justifient ces difficultés d’accès aux crédits et les taux d’intérêts élevés, par l’environnement économique national qui, dit-on, est caractérisé par la cherté des assurances, mais aussi par une fiscalité pesante et par divers autres risques. Ce qui pousse les banques à ce qu’on peut qualifier de ‘’prudence abusive’’. Et il faut dire que les banques et les assurances ne sont pas trop bavardes sur ces questions.

Pourtant, les autorités monétaires ont pris des mesures afin de permettre aux banques de prêter moins cher.

Mais ces mesures ne semblent pas avoir été répercutées par nos banques. Par contre, ce qu’on ne peut pas nier, ce sont les efforts consentis par la Banque Centrale (BCEAO) pour permettre aux banques de l’Union de financer les économies. D’importantes réformes ont été opérées dans le système financier régional (UEMOA). C’est ainsi que les instances monétaires ont adopté plusieurs mesures dans ce sens. En effet, le Conseil de politique monétaire tenu en mars 2012 a, entre autres, décidé de baisser de 0,25% le taux d’intérêt minimum de soumission aux opérations d’appel d’offre et le taux d’intérêt des opérations de guichet de prêt marginal. Ces taux, qui étaient respectivement de 3,25% et 4,25%, sont désormais de 3% et 4%.

De même, la Banque Centrale a ramené le coefficient des réserves obligatoires à 5,0% pour toutes les banques de l’Union, soit une baisse de deux (2) points de pourcentage. Aussi, le taux moyen pondéré sur le compartiment à une semaine interbancaire passe, lui aussi, de 4,67% à 4,25%. Ces mesures ont pris effet à compter du 16 mars 2012. Mais, les clients des banques ne ressentent pas les répercutions de telles mesures prises par la Banque centrale et les autorités monétaires.

Du reste, la faible participation des banques de l’Union au financement de l’économie n’est qu’un secret de polichinelle. En effet, elles participent à seulement 20%, mais avec des taux d’intérêt supérieurs de 70% à ceux pratiqués au Maroc ou en Tunisie, selon certaines études. Et cette situation est beaucoup perceptible au Niger ; les voix les plus autorisées le reconnaissent aussi. ‘’Les besoins de financement de l’Etat et des entreprises sont en moyenne de l’ordre de 100 milliards de francs CFA par an. Mais 90% des PME, qui constituent l’essentiel du paysage économique nigérien, ne sont pas financées par les banques ou le sont de manière insuffisante ou inadaptée’’, avait dit le ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur privé, lors d’un forum organisé le 11 juin dernier par la Chambre de Commerce. Les banques nigériennes sont plus portées sur les crédits à court terme, alors que les entreprises ont beaucoup plus besoin de crédits à long terme, nécessaires au développement des entreprises et à la création d’emplois.

Les associations de consommateurs déplorent une telle situation qui ressemble à de l’abus. ‘’Dans certains pays, ce sont les banques qui courent après les citoyens. Ici, elles posent des conditions de nature à étrangler l’économie et à étouffer les initiatives. Nous ne pouvons, en tant qu’organisation de consommateurs, que déplorer cette situation’’ dit Nouhou Arzika Mahamadou. ‘’L’accès au prêt bancaire relève du parcours de combattant. C’est un engrenage dans lequel les emprunteurs s’en sortent difficilement, parce que les taux d’intérêts exorbitants inhibent toute rentabilité des projets’’, renchérit Maman Nouri, président de ADDC Wadata, une autre organisation de défense des droits des consommateurs. ‘’Des crédits de 12,5 à 13,5% d’intérêts sont de trop et nous pensons que c’est maintenant le partage de la croissance, pas après’’, appuie M. Kaka Maïtawaya, président de l’Association des Clients de Banques (ACB).

Des facilités d’accès aux crédits et des taux d’intérêts attractifs contribueront à améliorer le taux de bancarisation dans notre espace communautaire, un vœu de la BCEAO qui se fixe entre autres objectifs d’atteindre un taux de bancarisation de l’ordre de 20% dans les prochaines années. Mais cet objectif sera difficile à atteindre au Niger, si les banques nigériennes s’accrochent à ce vieil adage selon lequel « les banques ne prêtent qu’aux riches » et continuent d’être des banques de dépôts plutôt que d’investissements.


Siradji Sanda

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